Après la hausse des défaillances, qu’attendre de la conjoncture dans le Sud ?

A l’instar de la tendance nationale, les défaillances d’entreprises ont progressé en Provence-Alpes Côte d’Azur, enregistrant une augmentation de 32% selon le cabinet Altarès. Une donnée qui ne rassure pas forcément, ni les chefs d’entreprises, ni les acteurs économiques, d’autant plus quand elle se combine avec une situation économique globale peu sereine. Pour autant, si la situation actuelle est contrariée, les perspectives à moyen terme laissent envisager une reprise qui doit servir d’horizon, estime Thierry Millon, le directeur des études.
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Il est des données auxquelles on prête plus attention, qui servent d'indicateurs de la santé - bonne ou pas - de l'économie. Le nombre de défaillances d'entreprises est de ceux-là. Surtout depuis la crise sanitaire qui a vu le nombre de défauts plonger significativement, faisant du nombre de défaillances une sorte de valeur-refuge à laquelle s'accrocher. Logiquement, les défaillances ont retrouvé, peu à peu, en deux ans, un rythme considéré comme normal, avec un effet rattrapage attendu dès que la vie économique a retrouvé son cours habituel.

Le Sud, résistant grâce à ses savoir-faire

Il n'empêche que les défaillances d'entreprises demeurent depuis lors, un indicateur majeur. Reste à bien faire la part des choses : effet rattrapage ou vrai signe que les entreprises sont confrontées à des difficultés suffisamment majeures pour que leur survie soit si mise à mal.

C'est là toute la subtilité de l'analyse, à laquelle Thierry Million, le directeur des études d'Altarès se prête pour La Tribune.

Et pour le Sud, la situation n'est certes pas la plus sereine mais elle n'est pas non plus la plus terrible. Car, à son habitude, le Sud fait un peu différemment que la tendance nationale.

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D'un point de vue national, les défaillances enregistrent une hausse de 36% quand, dans le Sud, elles sont plus importantes de 32%. Le Sud qui a mieux résisté donc en période post-Covid, notamment parce qu'il a su s'appuyer sur son savoir-faire, en industrie et en commerce. La crainte de ne pas retrouver le niveau touristique d'avant 2020 n'a pas été fondée mais globalement, les professions concernées ont mis les bouchés doubles pour accueillir le touriste post crise sanitaire. « Montagne et plage ont bien fonctionné », souligne Thierry Millon.

Pas forcément attendue, l'inflation qui enchaîne après les difficultés d'approvisionnement, est venu perturber les scénarios de reprise optimistes. Une inflation qui, de fait, met la pression sur le pouvoir d'achat. En Provence Alpes Côte d'Azur, les professionnels de la filière l'ont bien remarqué, le niveau de dépenses a été bien moindre, par exemple, lors de la saison d'été 2023.

Une situation, plusieurs variables

La remontée des défaillances est-elle alors encore un effet post-Covid - c'est-à-dire avec un effet rattrapage - ou est-ce le début d'une conjoncture qui tousse ? « C'est un peu des deux », estime Thierry Millon. Car comme évoqué plus haut, l'après crise sanitaire ne s'est pas passé comme prévu. Certaines entreprises, qui avaient signé des moratoires pour décaler le remboursement de leur PGE de 24 mois, ont vu l'échéance arriver fin 2023. Mais entre-temps, la guerre en Ukraine, les difficultés d'approvisionnement, les hausses de prix sur l'agro-alimentaire, ont joué les troubles fêtes économiques. Le consommateur... consomme moins, ce que montre par exemple, assez précisément l'activité de rénovation, à la traîne, alors que les aides et les besoins sont là. Autre décalage qui ne peut plus se poursuivre, celui des échéanciers convenus avec l'Urssaf. « On note une accélération du rythme du recouvrement forcé et des injonctions de payer », note Thierry Millon.

L'économie française, et avec elle l'économie du Sud, est-elle en train de craquer ?

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La confiance, levier pour l'investissement

« Le contexte est rendu incertain car la conjoncture est plus délicate, bien que la France ait réussi le pari de tenir face à l'inflation sans tomber dans la récession », indique Thierry Millon. Pour le directeur des études d'Altarès, le printemps pourrait voir une décélération de l'inflation, ce qui devrait se ressentir sur la consommation. Mais « rien ne sera visible, solide, d'ici le printemps », insiste bien Thierry Million, qui prévient, « même quand les taux vont baisser, ils resteront élevés par rapport à ce qu'ils étaient auparavant ». Et l'investissement - que ce soit de la part du secteur privé comme de la part du particulier - ne va pas sans doute pas s'enclencher facilement. « Il faut un signal pour retrouver la confiance », cette confiance nécessaire pour investir, parier sur l'avenir...

Les Jeux Olympiques peuvent-ils aiguillonner le tout ? Ils devraient avoir un effet positif sur le territoire de Provence Alpes Côte d'Azur et cela, explique Thierry Millon, parce que « tous les spectateurs n'irons pas à Paris et que certains prendront donc la direction du Sud ». Une opportunité qu'il faudra savoir saisir...

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Se mettre dans les starting-blocks

Pour retrouver des couleurs, l'économie a besoin de la consommation des ménages, rappelle encore le directeur des études d'Altarès, avec un chiffre, les 52% que cette consommation représente dans le PIB. C'est le ménage qui consomme l'immobilier, meuble son appartement, prend un crédit pour l'achat... « Le seul moteur possible, c'est le ménage ».

Et au croisement du consommateur et de l'entreprise, se trouve... l'emploi. Sur ce point, aucune illusion, « il va y avoir des destructions d'emplois ».

Mais 2024 doit être l'année de la préparation. Celle où on garde espoir, où on tient encore, où on prépare la reprise et les mois qui vont suivre. « En 2024, il faut se donner les moyens de préparer la reprise ». Ce qui signifie, entre autres, s'adapter et prendre en compte les nouvelles habitudes de consommation. « Ce qui fonctionnait hier, peut ne plus fonctionner aujourd'hui. Certes, le contexte est douloureux, mais cela ne va pas durer. Les entreprises doivent se donner la possibilité de tenir ».

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