« Il ne faut plus faire vivre les dirigeants dans l'insécurité juridique » (Michel Picon, président de l'U2P)

Le président de l'Union des entreprises de proximité est venu à Marseille rencontrer des entrepreneurs. Une étape inscrite dans son tour de France afin de prendre le pouls des attentes des dirigeants de petites structures, alors que les résultats des élections législatives pourraient se traduire, demain, par un changement de politique économique.
(Crédits : Philippe Chagnon)

LA TRIBUNE : Pourquoi ce tour de France et cette étape à Marseille ?

MICHEL PICON : En tant qu'organisation représentative, au même titre que le Medef ou la CPME, de 3,7 millions d'entreprises, principalement des TPE de moins de 10 personnes, et de 4 millions de salariés, nous nous impliquons sur des sujets comme la gestion du personnel, la fiscalité ou la formation et nous sommes l'interlocuteur des pouvoirs publics pour essayer de faire prendre en compte dans les politiques menées la réalité de ces petites entreprises de proximité et qui ne sont pas délocalisables. Nous avons donc entamé un tour de France pour être certains que ce que nous ressentons à Paris correspond aux attentes sur le terrain.

Quels sont les sujets abordés pour ces dirigeants de petites entreprises ?

Le plus récurrent, et c'est assez désespérant, concerne le recrutement. Partout en France, les entreprises ont du mal à recruter pour de multiples raisons : cela peut parfois être l'inadéquation des formations avec les besoins des entreprises, mais aussi des motifs périphériques comme le logement, la garde d'enfants ou la mobilité. Il y a près de quatre millions de demandeurs d'emploi, dont deux millions qui ne sont plus indemnisés et pour qui il y a une priorité pour les aider. Le monde a changé, il faut que dans les petites entreprises nous réfléchissions à comment organiser le monde du travail pour qu'il soit attractif et corresponde aux aspirations de mieux conjuguer la vie professionnelle avec la vie personnelle.

Y a-t-il d'autres attentes, plus spécifiques aux territoires, à Marseille ?

Je ne veux pas stigmatiser Marseille, mais les remarques sur la sécurité et les incivilités reviennent assez souvent. Ce sont des sujets qui existent aussi dans d'autres villes, mais pas partout. Nous nous sommes par exemple rendus dans une pharmacie qui est obligée d'avoir deux vigiles en permanence, ce qui signifie embaucher trois personnes pour pouvoir assurer une rotation. C'est quelque chose qui pèse sur le résultat d'exploitation car il faut diminuer la marge pour payer du personnel, des abonnements à des sociétés de sécurité ou du matériel, cela représente de l'argent en moins qui pourrait servir à de l'investissement ou des embauches. Hormis cet aspect, ici aussi le recrutement est un enjeu majeur pour les années à venir.

Pour réussir à porter vos sujets, l'un des enjeux pour l'U2P est d'être plus forte dans la représentativité patronale...

Bien sûr, mais ce n'est pas une compétition. Le sujet, c'est l'attractivité des petites entreprises et pour être attractif, il faut que l'on parle de nous. Les jeunes doivent savoir que les petites entreprises offrent des métiers avec du sens et qu'il existe la possibilité d'évoluer. Une coiffeuse que nous avons rencontré à Marseille, a commencé par faire un CFA, puis elle a été embauchée dans l'entreprise où elle a réalisé son alternance avant de racheter, deux ans après, ce même salon car le propriétaire partait à la retraite. Il faut donner cette perspective aux jeunes. De notre côté, il faut aider à cette transmission en améliorant les conditions de cession, de fiscalité et de financement. Plus nous aurons de visibilité, plus nous serons entendus et nous pourrons régler les problèmes de notre profession.

Généralement, les politiques économiques ne semblent pas s'adresser aux TPE...

Les hommes et femmes politiques connaissent assez mal les TPE, très peu ont une expérience d'entrepreneur. Notre travail, c'est de mieux faire connaître notre monde notamment pour encourager la simplification des normes et toutes les dispositions. Une loi de simplification est en cours d'examen au Sénat, elle prévoit « le test TPE » qui permet avant tout projet de loi ou directrice européenne de le tester dans des petites entreprises. Pour nous, c'est extrêmement important car il ne faut plus faire vivre les dirigeants dans l'insécurité juridique. Quand vous avez des contraintes compliquées à appliquer, vous êtes exposés en permanence à des contrôles de l'administration et à être sanctionné en étant de bonne foi.

Si ces réglementations et normes existent, c'est pour une bonne raison. Quelle est votre solution, les faire disparaître ?

Le premier problème est le manque de confiance, chaque entreprise est considérée comme une fraudeuse en puissance. Quand on part de ce postulat, on met des contrôles a priori et pas a posteriori. Par exemple pour Ma Prime Renov, il fallait que les artisans fournissent de nombreux justificatifs ou qualifications en amont du chantier. La CAPEB (confédération des artisans du bâtiment), que nous avons soutenue, a obtenu qu'il y ait des contrôles par sondage sur le chantier réalisé. Si nous étions sur ce principe de la confiance a priori vous faites exploser 30% des petites choses qui vous ennuient. Le deuxième élément important est de pouvoir ne déclarer les choses qu'une fois, ce sont aux administrations de se connecter entre elles pour récupérer les éléments, pas aux entrepreneurs de renseigner leur chiffre d'affaires plusieurs fois par an pour chaque organisme.

Le projet de loi sur la simplification est-il menacé par les résultats aux législatives ?

Le Rassemblement national a dit vouloir le mettre à la poubelle pour répartir dans des consultations. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec cette manière de procéder, il faut que les gouvernants quand ils arrivent soient plus pragmatiques et ne se disent pas systématiquement que ce que leur prédécesseur a fait ne vaut rien. Le Nouveau Front Populaire lui ne s'est pas exprimé dessus.

Concernant les élections, vous avez déjà dit qu'il ne fallait pas « voter à l'émotion », quel est votre avis sur les programmes ?

Nous n'avons pas vocation à faire de la politique, ni à donner des orientations de vote par rapport à un certain sens moral. Notre responsabilité c'est d'éclairer le débat sur le plan économique par rapport aux mesures annoncées. Quand des candidats disent vouloir expulser les étrangers, nous disons attention car sur certains secteurs comme l'hôtellerie-restauration ou le bâtiment la main d'oeuvre étrangère est très importante. Pour l'augmentation du SMIC, cela ne concerne pas que les 17% des salariés des TPE qui sont au salaire minimum, car il y a un effet accordéon, si vous touchez au SMIC les autres salariés devront aussi être augmentés. Donc je dis, regardez attentivement les propositions qui sont faites y compris si elles ont l'air alléchantes, c'est ça ne pas voter dans l'émotion.

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Commentaires 6
à écrit le 04/07/2024 à 14:37
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Plusieurs points : - l’État et les gouvernements successifs n'ont que faire de la sécurité juridique des entreprises et de leurs dirigeants - qu'a fait concrètement l'U2P pour réduire la bureaucratie qui s'impose aux entreprises ? On ne parle pas q...

à écrit le 03/07/2024 à 7:14
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C'est à côté de la plaque tandis que les américains génèrent un nouveau business particulièrement juteux via justement leur justice. Pas étonnant que l'Europe aie autant de retard sur les états unis avec cette façon de penser.

à écrit le 02/07/2024 à 19:06
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La justice c'est pour tous , les sans papiers, les pauvres et les riches... Les puissances, homme politique et patrons de gros entreprises, les juges et autre personne administrative et force de l'ordre ( avocat, notaire, policiers, fonctionnaires, ...

à écrit le 02/07/2024 à 18:44
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Pourquoi supprimer des normes quand celles-ci ne sont pas respectées ? Déjà que des entreprises n'hésitent pas à exploiter des sans-papier. Si la traite d'êtres humains ne leurs font pas peur, je ne vois pas en quoi les autres normes les dérangeraien...

à écrit le 02/07/2024 à 18:07
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« L'amour est précaire, la vie est précaire, pourquoi le travail ne le serait-il pas aussi ? » Vous vous souvenez certainement de cette déclaration de la patronne du Medef, Laurence Parisot pendant la présidence Sarkozy. Une déclaration qui pique les...

le 02/07/2024 à 20:00
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C'est bien de ressortir cette déclaration de Laurence Parisot roulant des mécaniques au temps de la Sarkozie triomphante et voilà le résultat de ces fanfaronnades.....

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