Attractivité, industrie, transport : la stratégie « solution » de Renaud Muselier

ENTRETIEN - Si le monde économique converge chaque année vers Aix-en-Provence pour des Rencontres et des réflexions prospectives, c’est bien Marseille, son Grand Port, ses grands projets qui attirent le regard et les investissements depuis un an, depuis que l’industrie décarbonée s’inscrit comme un levier d’attractivité majeur. Un virage qui est le fruit, dit le président de la Région Sud, d’un travail acharné. Et d’une méthode, très orientée solution. Alors que d’autres sujets demeurent sur la table, dont le transport et l’international.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Les Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, dont la Région est partenaire, a, à nouveau, été un succès... Les Rencontres sont-elles aussi un levier d'attractivité pour le Sud ?

RENAUD MUSELIER - Nos équipes ont bien travaillé ensemble. Nous avions pris la décision, avec Jean-Hervé Lorenzi (le président du Cercle des Economistes, organisateur des Rencontres, NDLR), de fidéliser les Rencontres économiques d'Aix-en-Provence. Nous avons donc posé les conditions pour que les Rencontres s'ancrent ici. Ce n'est pas une fusion-absorption, ce sont des relations humaines, de territoires. Ensuite, se pose la question de ce que vont devenir ces Rencontres. Je prêche pour qu'elles évoluent, qu'elles soient encore un peu différentes. Il faut faire évoluer le modèle. Nous avons une opportunité incroyable, si on a une ambition, une dimension internationale. Qu'existe-t-il dans le monde ? Le CES Las Vegas avec ses énormes majors, ses startups, ces génies que l'on vient voir du monde entier et qui disparaissent parfois parce que le modèle économique ne fonctionne pas ? C'est, néanmoins, un lieu d'échange économique absolument invraisemblable du monde occidental. Il existe aussi Davos, qui n'a rien à voir avec le CES. C'est très cher, très chic, très limité, ce sont les plus grands, les plus gros qui y participent. Entre ces deux rendez-vous mondiaux, il existe un autre espace. Que peut prendre les Rencontres économiques. Nous devons absolument nous ouvrir sur l'international, le groupe CMA CGM (propriétaire de La Tribune, NDLR), le groupe Airbus, ces grandes majors françaises qui sont implantées ici doivent en être les moteurs, cela nous change de dimension. Il faut, bien sûr, que ces Rencontres continuent d'accueillir la classe politique française. On vilipende souvent les politiques, mais sans les politiques, rien ne se fait. Aux Rencontres, les entreprises aussi sont là pour échanger, parler, qu'elles soient nationales, territoriales... des pépites de grande taille ou des TPE/PME. Et puis il y a cette jeunesse, prête à s'engager. Nous avons là, je le crois, un modèle qui n'existe nulle part ailleurs. Ce modèle, avec cette simplicité d'organisation, même si c'est très complexe, est attractif. L'avenir est par là.

Cela signifie-t-il que vous voudriez créer un Davos provençal ou l'idée n'est pas de dupliquer un modèle ?

Il ne faut pas dupliquer de modèle, il faut faire des journées économiques internationales, un endroit qui vient nourrir l'intellect, où on échange. C'est très important.

Marseille-Fos s'impose comme la vitrine de l'industrie décarbonée... le projet Carbon a été reconnu comme d'intérêt prioritaire, majeur, d'autres projets suivent. Ce positionnement de territoire soutenant la souveraineté industrielle tricolore est-il suffisamment reconnu ou faut-il mieux le faire savoir ?

C'est un travail de titan. Carbon n'est pas arrivé par hasard. Nous sommes allés chercher ce projet qui n'avait même pas placé le Sud sur sa liste de sites potentiels. Nous nous sommes battus, nous avons apporté des réponses techniques, solides. C'est le résultat de notre travail, nous restons à l'affût de toutes les opportunités qui se présentent, nous travaillons sur les fonds européens également. Dans ce territoire nous avons une volonté politique et une réponse à tout. Une réponse lorsqu'il y a eu besoin de masques lors du Covid-19 - nous sommes allés les chercher en Chine - comme une réponse quand se présente un projet comme Carbon. Notre région est tournée vers le monde économique et nous avons toujours la même technique : faire le diagnostic, proposer le traitement. Ce qui signifie être à l'écoute des entreprises. Ce sont elles qui créent des emplois. Mais il faut créer des écosystèmes, c'est cela qui fait que nous avons de bons résultats.

Carbon déclenche-t-il un effet boule de neige ?

Dans le projet de réindustrialisation du pays avec France 2030, Choose France et Invest in France, le foncier est un sujet compliqué. Or, nous avons la chance d'avoir un Grand Port maritime qui possède du foncier.

Quand on regarde l'ensemble des investissements réalisés sur notre territoire, ce sont plus de 10.000 emplois avec plusieurs milliards d'euros à la clé qui sont promis. Tout cela ne peut fonctionner que si nous obtenons la création de la ligne à 400.000 volts, nécessaire pour que tous les projets voient le jour. Sans cette ligne, nous n'aurons pas les projets, nous n'aurons pas les investissements et nous n'aurons pas les emplois. Il y a, désormais, une nouvelle donne politique. Nous allons nous battre pour cela. Je suis dans la moisson de tout ce que nous avons semé. J'espère que la complexité politique ne va pas me gâcher ma moisson....

Vous tenez beaucoup à la Méditerranée. Qui semble être regardée autrement, on évoque souvent les rapports avec l'Afrique, aujourd'hui différents, plus équilibrés que ce qu'ils ont été...

La Région Sud est une porte d'entrée incroyable. Nous avons la chance de disposer de ports de dimension mondiale et de dimension euroméditerranéenne de tout premier plan. Nous disposons de trois grandes métropoles (Marseille Provence, Toulon Méditerranée, Nice Côte d'Azur). Cependant, il existe des problèmes d'ambition politique... Concernant Marseille, j'ai un problème d'ambition politique sur le port. Nous ne nous entendons pas avec le Maire et ne pouvons développer le GPMM. Nous n'avons pas de problème ni à Toulon, ni à Nice, où nous développons nos escales zéro fumée, où nous avons fait en sorte que les bateaux soient branchés à quai. Quand la mairie de Marseille ne reçoit pas les investisseurs potentiels, cela pose problème au président de Région qui essaie de développer son territoire.

La Chine - la ligne entre Marseille Provence et Shanghai vient d'ouvrir - est-elle toujours un partenaire business recherché ?

J'essaie de trouver des formules adaptées à nos territoires. A Nice, le maire (Christian Estrosi, NDLR) est hyper-dynamique, il a transformé sa ville en un hub mondial. Depuis Nice, vous allez où vous voulez dans le monde. Quand on regarde du côté de Marseille, on se dit qu'il y a quelques leçons à retenir. Ce qui ne signifie pas que le territoire marseillais n'a pas la capacité de le faire. Des acteurs - la CCI, l'Union patronale, l'aéroport, la Métropole Aix-Marseille Provence, la Région - ont la volonté de développer notre territoire. Et dans ce dispositif, nous avons trouvé des solutions pour développer l'aéroport et si nous avons acquis une part de marché importante sur les low-cost, le fait d'avoir un aéroport neuf (Marseille -Provence a bénéficié d'un investissement de 210 millions d'euros pour réhabiliter son terminal 1, NDLR) est très intéressant pour les Chinois. Ils adorent la lavande, par exemple. Mais lorsqu'on a vendu la lavande, il reste l'industrie et une zone industrielle puissante, celle de la deuxième ville de France, avec des entreprises mondiales. Posséder une entrée directe sur la Chine est très important et s'inscrit dans une logique de développement économique territorial.

Concernant les RER métropolitains, appelés SERM, cela avance-t-il comme vous le souhaitez ?

Cela aussi est le fruit d'un travail acharné. Nous ne pouvons pas faire de ferry, pas d'autoroute. Nous disposons de 1.000 kilomètres de côtes, de Marseille à l'Italie. Donc, nous devons créer un arc méditerranéen qui parte de l'Espagne, passe par l'Occitanie, le Sud, puis vers l'Italie. Et là, nous avons la Ligne nouvelle. A cela, il faut une liaison nord/sud qui fonctionne et passe par Avignon. Avec des noyaux d'organisation, que l'on appelle les SERM, sur Avignon, Marseille, Toulon et Nice et qui permettent une cohérence de déplacement.

Vous avez été le premier à ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence, ce qui était alors perçu comme une innovation. Peu d'acteurs vous faisaient confiance. Depuis, d'autres régions vous ont emboîté le pas...

Parfois il faut un peu de courage pour casser le mur et aller voir ce qu'il se trouve derrière... Nous avions 90% des trains qui n'étaient pas à l'heure. Je n'avais pas le choix, en réalité. Depuis, nous savons que la SNCF a remporté l'un des deux lots. La preuve que la concurrence, ça fonctionne...

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Commentaire 1
à écrit le 20/07/2024 à 8:50
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Un excellente homme de bagout . Ce monsieur avait promis un lycée dans le canton de Fayence dans le Var et chaque année il nous a certifié que celui ci allait être construit . Son compère le niçois était venu poser la première pierre. Je suis d'aill...

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