IA : de Sophia-Antipolis à Marseille, la stratégie du Sud pour passer de n°3 français à n°1 européen

Un chiffre d’affaires régional généré qui atteint 14 millions d’euros, près de 3% du PIB consacré à la recherche et R&D, une technopole, Sophia-Antipolis première en Europe, 23.000 chercheurs et enseignants chercheurs issus des laboratoires publics et privés, des startups et des PME, des instituts… et une labellisation IA Cluster qui confirme le 3IA Côte d’Azur en pôle d’excellence… Dans le Sud, l’intelligence artificielle constitue une vraie filière très ancrée, très diversifié aussi. Et un vrai levier pour faire passer le territoire à l’échelle européenne. Avec des atouts mais pas moins de défis.
(Crédits : DR)

Contrairement à 2019, la labellisation du 3IA porté par l'Université Côte d'Azur en pôle d'excellence, suite à l'AMI IA Cluster et annoncé ce 20 mai, n'a pas étonné, même si elle a, évidemment, réjouit. Il faut dire qu'en 5 ans, le regard sur Provence Alpes Côte d'Aur a quelque peu évolué. D'abord parce que l'intelligence artificielle est désormais une technologie transversale, présente dans l'industrie, la santé, la mobilité, l'éducation... et que pour innover, elle constitue une brique majeure. Ensuite, parce que depuis 2019 donc et l'obtention de l'un des quatre instituts français dédiés à l'IA le regard s'est fait plus bienveillant, plus attentionné et plus attentif sur le territoire. Il est loin le temps où on observait avec surprise et étonnement Sophia-Antipolis obtenir un institut 3IA. Il faut dire qu'alors, les expertises et les talents étaient discrets et peu, voire pas, structurés. Désormais, Sophia-Antipolis et avec elle la région, figurent bel et bien sur l'échiquier français.

L'investissement, les entreprises et le ROI territorial

Une place de numéro 3 qui s'appuie donc évidemment sur la technopole n°1 européenne, Sophia-Antipolis, mais aussi sur un écosystème constitué à la fois de nombreux centres de R&D - c'est même souvent l'une des premières raisons de l'attractivité exogène -, d'institutions tels l'INRIA, le CNRS, l'INSERM, le CEA Tech... avec 23.000 chercheurs et enseignants chercheurs issus des laboratoires publics et privés, des structures d'accompagnement. Et puis des locomotives - on rappelle la récente annonce lors de Choose France d'Accenture et de l'investissement dans un centre IA générative au cœur de Sophia-Antipolis - dont font aussi partie Microsoft, Amadeus, CMA CGM (actionnaire de La Tribune, NDLR), Airbus Helicopters, Naval Group... et une myriade de startups, implantées dans les différents bassins.

Les entreprises, ce sont d'ailleurs bien elles qui constituent la substantifique moelle. Déjà en 2016, Frédérique Vidal, qui deviendra ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, alors présidente de l'Université Côte d'Azur, prend-t-elle son bâton de pèlerin pour aller évangéliser les PME et ETI. Qui s'engagent par écrit à être parties prenantes. Ce sera l'un des points marquants dans le dossier d'obtention de l'IDEX, cette Initiative d'Excellence, précurseur d'un lien resserré entre la sphère académique et le monde économique.

Depuis 2019, l'institut 3IA a, pour sa part, ainsi généré l'investissement de 16 millions d'euros de la part du monde industriel. Et dans la nouvelle phase qui s'ouvre avec la toute nouvelle labellisation, ce sont déjà 75 millions d'euros d'investissement qui sont prévus pour les 7 prochaines années. De quoi financer des chaires industrielles, des contrats de collaboration de recherche et des formations.

Obligation pédagogique

Des entreprises pour lesquelles l'IA constitue souvent un sujet récurrent. Car la technologie va vite et pour certaines petites et moyennes entreprises, comme les startups, il ne faut rater aucune évolution. Ce travail de pédagogie c'est (aussi) le rôle qu'assure la French Tech Toulon Région Sud. « L'action pédagogique est indispensable », estime Malik Dahman, son président. « Nous organisons des meet-up, une dizaine par an, qui nous permettent d'acculturer les entreprises. Car la date de consommation de l'IA est très courte. C'est une révolution plus forte qu'Internet, car elle va plus vite. Les entreprises qui s'en sortiront sont celles qui utiliseront l'IA car l'IA va bouleverser les métiers. Ce n'est pas une évolution négative. Ce qui compte, c'est ce que l'homme en fera ».

Lire aussi« Les enjeux de l'IA sont des enjeux continentaux » (Bruno Bonnell, France 2030)

Un point de vue corroborée par Bruno Bonnell lui-même. Le Secrétaire général pour l'investissement en charge de France 2030 estime pour sa part que « l'IA est un grand virage que notre pays doit prendre. C'est une révolution industrielle ». Et lors de Vivatech, de préciser que désormais les dossiers examinés dans le cadre de France 2030 le seraient de façon plus diligente pour ceux qui intègrent l'intelligence artificielle dans le développement de l'innovation. Voilà qui est dit... Car l'IA Cluster n'est pas le bout du chemin... « ce n'est qu'un début ».

La formation, enjeu fondamental

Pour passer de n°3 français à numéro 1 européen, le fond du sujet c'est évidemment celui des compétences. Donc, aussi, de la formation. Une exigence à laquelle répond d'ailleurs l'IA Cluster qui comprend un vaste volet dédié. Sur ce point, Jeanick Brisswalter, le président de l'Université Côte d'Azur, n'y va pas par quatre chemins. « Le premier pilier est que l'on ne sépare jamais la recherche de la formation et la recherche de l'innovation. La formation dans le domaine de l'IA est une pierre fondamentale que nous déployons et que nous allons déployer ».

Des compétences, cela se crée sur le territoire mais cela s'attire aussi. De ce point de vue, Sophia-Antipolis constitue la vitrine visible à l'international. Cet atout, Jean Leonetti, le président de la Communauté d'Agglomération Sophia Antipolis l'appuie en rappelant que plus de 14.000 emplois ont été créés en dix ans sur la technopole, laquelle est ainsi passée « de 29 000 salariés en 2010 à 43 000 salariés aujourd'hui en attirant, du monde entier, des chercheurs, des universitaires et des entreprises ». La Région Sud, qui va se doter d'ici les prochaines semaines d'une roadmap stratégique IA, y prévoit un volet formation depuis le lycée jusqu'à l'université avec la création d'un parcours dédié. Et puis les entreprises elles-mêmes n'hésitent plus à former en interne et à créer les structures adéquates pour cela.

Des opportunités mais des défis aussi

Car l'objectif posé est ambitieux. Au-delà du développement des entreprises, de la croissance des startups, France 2030 - qui a été plutôt prolixe dans le Sud, avec, rappelle François de Canson, le vice-président de la Région Sud pas moins de 820,1 millions d'euros obtenus, en deux ans, par 331 projets - va venir apporter un coup d'accélération qui va bien. Mais Jean Leonetti pointe un sujet qu'il ne faudra pas considérer comme la poussière à mettre sous le tapis : attirer les talents, accompagner la croissance des entreprises, cela exige les infrastructures qui vont avec. Dont celles qui servent la mobilité, toujours Talon d'Achille de la région. Sans omettre les problématiques de logement pour actifs, d'accès au foncier... « Créer de nouveaux emplois, cela entraîne des conséquences. La natalité augmente. Les crèches et les écoles sont en partie débordées, donc cela impose aussi un accompagnement en termes de déplacements, d'habitat, afin que nous puissions accueillir cette intelligence artificielle qui provient du monde entier ».

Lire aussiComment Microsoft et la Région Sud font de leur partenariat un accélérateur d'usage de l'IA

« Pour devenir la première région européenne en termes d'intelligence artificielle, il faut jouer tous les ballons. L'IA représente aujourd'hui un chiffre d'affaires régional de 14 millions d'euros, 2,26% du PIB est consacré à la recherche et la R&D. L'IA pourrait multiplier par deux la croissance économique de la France et augmenter de 20 % la productivité du pays d'ici 2035 », pointe François de Canson. « Pour cela il faut s'en servir au quotidien ». Mais préparer l'avenir, ainsi que l'envisage Malik Dahman. « La prochaine étape, c'est le quantique... Et le croisement avec l'IA... ».

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