A Marseille, l'école de production NRSud forme les jeunes aux métiers des énergies renouvelables

Installée à Marseille, cette école de production permet à des élèves de se former aux métiers des énergies renouvelables, alors que les formations en la matière font cruellement défaut en France, bien que le marché soit porteur. Sa particularité : consacrer 80% du programme scolaire à la pratique au travers de stages et ateliers pratiques. Avec la promesse pour les jeunes de se voir proposer un CDI au terme des quatre années qui doivent les conduire à un bac professionnel.
(Crédits : DR)

33% d'énergie renouvelable dans son mix énergétique d'ici 2030, contre 20% actuellement. Voilà l'objectif que se donne la France pour opérer la décarbonatation de son économie. Et le photovoltaïque occupera nécessairement une place importante. Sauf que pour produire de l'énergie solaire, les bonnes volontés ne suffisent pas. « Les industriels ont envie d'installer des panneaux solaires, de construire des centrales. Mais elles ne trouvent pas de personnels qualifiés car il n'existe pas de formation dédiée en France. Alors elles recourent à l'interim, à la main d'œuvre étrangère », explique Clémentine Lacroix, directrice de l'école de production NRSud. Une école ouverte en 2022 à Marseille, précisément pour faire face à ces carences.

À l'origine, un consortium d'entreprises conduit par Tenergie, producteur d'énergie renouvelable implanté à Fuveau, dans les Bouches-du-Rhône. Parmi elles : TotalEnergies, Dualsun, Engie, SysENR ainsi que BAO Formation. Leur objectif : monter une école du solaire qui permettrait à la fois de répondre aux besoins de main d'œuvre dans la filière tout en offrant des débouchés professionnels à de jeunes Marseillais. Le format de l'école de production leur apparaît alors pertinent.

École de production

Imaginé à la fin du XIXè siècle par l'abbé-ouvrier Boissard à Vaulx-en-Velin, ce modèle d'école propose à des jeunes de reprendre le chemin de l'insertion en les formant par la pratique à des métiers en tension. Le modèle essaime doucement, de sorte que la France compte aujourd'hui 67 écoles de ce type. La Fédération nationale des écoles de production (FNEP) qui les représente espère atteindre le chiffre de 100 écoles d'ici 2027.

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Très liées au monde de l'entreprise, ces écoles - hors contrat mais reconnues par l'Éducation nationale - consacrent 80% de leur programme à la pratique, que ce soit au travers de stages et d'ateliers, sous la supervision de maîtres-professeurs et d'intervenants issus du monde de l'entreprise. Un format qui a fortement contribué à séduire les jeunes présents ici, comme Lorik, 16 ans, en deuxième année de CAP. « J'ai quitté la filière générale car je ne supportais pas de rester assis huit heures sur une chaise. Le côté pratique m'a attiré ».

Financièrement accessible - les élèves ne doivent débourser que 150 euros pour s'inscrire - l'école, qui bénéficie du soutien de mécènes privés et d'institutions (Région, Etat, Banque des territoires, Ville, Métropole ...), forme les jeunes en vue de l'obtention d'un CAP électricien généraliste, faute de diplôme reconnu dédié aux énergies renouvelables. Il n'empêche, ils sont progressivement initiés aux spécificités des énergies renouvelables. Et après les deux années de CAP, ils sont encouragés à poursuivre leurs études deux années supplémentaires afin de décrocher un Bac professionnel en maintenance et efficacité énergétique.

Une école au service des entreprises

Le monde de l'entreprise est très présent dans leur parcours. Les jeunes sont ainsi à travailler directement au service d'entreprises qui passent des commandes à l'école, ces dernières pouvant représenter jusqu'à un quart maximum des revenus de l'école. « Il peut s'agir de coffrets TGBT (tableau général de basse tension). Les élèves ont aussi fabriqué des shelters sur un chantier à Saint-Andiol », explique Nabilah Khenchouche, directrice adjointe de l'école qui s'attelle, avec les deux monitrices éducatrices et l'ensemble des intervenants, à faire acquérir aux jeunes certains savoir-être indispensables à leur insertion professionnelle. « Ils ont entre 15 et 18 ans et même pour ceux qui n'ont pas de grandes difficultés, il y a un travail à faire sur la politesse, la ponctualité, la posture... ».

L'école s'attelle aussi à ouvrir l'esprit des jeunes à d'autres domaines, recourant pour ce faire à des intervenants extérieurs, souvent des associations spécialistes de la culture, de l'éducation sexuelle et affective ou encore de l'éloquence.

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Jeunes ambassadeurs des énergies renouvelables

Pour sa deuxième année, l'école, qui est pour l'heure hébergée au sein du Centre de mathématiques et d'informatique d'Aix-Marseille Université, compte deux promotions de CAP. Soit un total d'une vingtaine d'élèves. Tous des garçons. « Nous sommes une école mixte mais nous ne sommes pas encore parvenus à attirer des filles. C'est un sujet important pour nous », assure Nabilah Khenchouche. Parmi les motivations de ces jeunes, l'apprentissage par la pratique mais aussi la promesse faite de trouver un CDI au terme des quatre années de formation.

« L'énergie solaire, c'est l'avenir », pense Marin, 18 ans, qui s'est réorienté après une année de première générale car « je savais que je voulais travailler de mes mains ».

L'argument écologique est-il porteur ? Pas tellement selon Lorik. « C'est difficile d'en parler pour mon âge. La question écologique n'est pas la première que je me pose ».

« Ces publics sont parfois éloignés de ces enjeux », confirme la directrice adjointe. « Mais c'est une dynamique qu'on veut mettre en branle. Cet argument peut contribuer à mettre du sens dans les métiers auxquels on les forme ». L'école réfléchit d'ailleurs à préparer ses élèves à devenir « ambassadeurs » des énergies renouvelables auprès des autres jeunes Marseillais.

Donner du sens : un enjeu d'autant plus pertinent que les métiers manuels, et en particulier les formations qui y conduisent, demeurent assez dévalorisés en France, comme le regrette monsieur Nshare, maître professeur qui a quitté l'université pour venir enseigner ici. « En France, quand on est doué, on va à la Sorbonne ? Certains vont à la faculté sans trop savoir pourquoi. Ils tournent en rond alors qu'ils se seraient plu dans des métiers manuels ».

Revaloriser les métiers manuels, essentiels à la transition écologique

Un constat que partage son collègue, monsieur Lagier. « Les écoles de production ne se sont pas développées davantage en France car il n'y pas eu la volonté politique de les soutenir réellement ». N'y-a-t-il pas un changement à l'œuvre, avec la démocratisation de l'apprentissage depuis 2020 ? « Il y a beaucoup de blabla, ces formations restent dévalorisantes pour les jeunes ». Pourtant, il en est convaincu, ces écoles sont « une réponse à une demande locale forte et en poussant les jeunes au maximum, on les valorise ». Et Clémentine Lacroix de renchérir : « Ce modèle favorise l'excellence car les élèves ne travaillent pas pour une note mais pour un client. Soit le produit marche, soit il ne marche pas. Or ils ont envie d'avoir les félicitations du client ».

Revaloriser des formations et métiers manuels essentiels à la transition écologique. Répondre aux besoins de main d'œuvre des entreprises de cette transition. Accompagner l'insertion professionnelle des jeunes dont certains sont parfois décrocheurs. Voilà les objectifs que souhaite poursuivre l'école de production qui vient de lancer les inscriptions pour la prochaine année scolaire et qui réfléchit à l'ouverture d'un CFA qui lui permettrait de toucher un public plus large, jusqu'à 30 ans. Ce, tout en préparant son déménagement prévu pour septembre vers de nouveaux et spacieux locaux de 1800 m², dans le quartier de Gèze.

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