
L'annonce en mars dernier de l'installation d'une gigafactory solaire à Fos-sur-Mer a étonné tout autant qu'elle a enthousiasmé. Doter la France d'une méga-usine capable de la positionner sur l'échiquier mondial tout en répondant aux désirs de souveraineté française et de réindustrialisation européenne est un signal fort autant qu'il est rare. Un vrai pari, presque un défi, mené par l'alliance d'entrepreneurs et d'experts du solaire qui compose Carbon.
Et le consortium, dès lors que le projet est devenu officiel, n'a eu de cesse de porter la bonne parole. Concrétiser un projet prometteur exige de s'emparer souvent du bâton de pèlerin. Une giga-factory c'est aussi un méga financement. En l'occurrence, ici, 1,5 milliard d'euros.
Ouvrir la voie à d'autres
Six mois après l'annonce de sa création, Carbon connaît l'une de ses premières étapes majeures. Tout au moins administrativement parlant, en entrant à partir de ce 12 septembre en phase de concertation préalable. Étape obligatoire, en respect de la réglementation qui prévoit que la Commission nationale du débat public (CNDP) soit saisie pour tout projet dont le montant d'investissement dépasse 600 millions d'euros.
Une procédure logique donc dans le déroulement du calendrier, mais qui constitue aussi un premier test vis-à-vis de l'acceptabilité de cette gifa-factory. On sait bien que parfois, tout créateur de valeur et d'emplois qu'il soit, un projet peut rapidement être confronté à des avis contraires. D'où la nécessité d'expliquer, détailler et partager. « Nous ne voulons pas d'un aménagement vertical, imposé, brutal », insiste Pierre-Emmanuel Martin, CEO de Carbon. « Nous sommes le projet le plus avancé à passer en CNDP. Cela ouvre la voie à d'autres ». Car à Fos, les projets d'industrie décarbonée ne manquent pas...
Cependant, en parallèle, Carbon ne lâche pas le bâton de pèlerin et continue d'avancer, notamment sur la recherche de financement. « Vous êtes les plus forts en communication car vous êtes toujours le premier projet cité », s'amuse d'ailleurs René Raimondi, le maire de Fos, ravi d'accueillir une usine de cette nature. Clairement, la mention du projet par le président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa venue dans la Cité phocéenne en juillet dernier pour la phase II du Plan Marseille en Grand, n'est pas passée inaperçue.
Aller vite... et bien
Encore moins ce soutien financier obtenu de la part du spécialiste de la logistique maritime, terrestre et aérienne, CMA CGM (actionnaire de La Tribune) qui injecte, via son Fonds Energies, une somme non communiquée officiellement, mais qui, selon plusieurs sources, atteindrait 10 millions d'euros.
Un coup de pouce qui ne se mesure pas uniquement d'un point de vue financier. Il provoque aussi un effet d'entraînement, qui se mesure par des marques d'intérêt appuyées de la part d'autres industriels. Pierre-Emmanuel Martin le reconnaît aisément, « l'aide d'un fleuron de l'industrie tel que CMA CGM crédibilise notre projet ». C'est donc du temps gagné sur de possibles discussions pour convaincre.
C'est aussi un signal envoyé plus largement à l'Europe et au-delà des frontières, au monde entier. Car il faut faire vite. La Chine, qui pour l'heure maîtrise le marché du solaire, ne voit pas forcément d'un très bon œil cette volonté de créer une souveraineté nationale. Et la Chine a de la ressource pour venir perturber le marché. Comme se servir du renouveau de certaines de ses usines pour vendre à prix attractifs - pour ne pas dire cassés - des fins de séries... De quoi inonder le monde et l'Europe durant 2 ans. Et de nature à pouvoir contrarier les ambitions de Carbon.
Le Sud - et Fos - un choix géo-industriel "qui a du sens"
Le consortium est, pour l'heure, au centre des attentions des industriels français mais aussi européens. De bon augure alors qu'une levée de fonds d'un montant de 85 millions d'euros est toujours en cours. Levée qui doit se conclure avant la fin de l'année et qui bénéficie déjà de plusieurs contributions, dont celle de CMA CM.
Carbon - qui emploie 40 personnes actuellement et a pris des locaux à Marseille ainsi qu'à Fos - est également en phase de recrutement, des profils cadres « qui structurent l'entreprise », dit Pierre-Emmanuel Martin. « Carbon est une aventure industrielle. Nous avons vu juste, l'implantation à Fos fait sens. Nous allons montrer à l'Europe que la France est une bonne élève. Aujourd'hui, tous les signaux se cochent en vert ». Carbon qui réfléchit déjà à l'une des prochaines étapes, la seconde levée de fonds prévue en 2024.
Sujets les + commentés