Le marché domestique, « chouchou » confirmé du tourisme

DOSSIER MONDIALISATION – En restreignant les déplacements et en interrompant net la possibilité de voyager d’un pays à l’autre, la crise sanitaire a bouleversé le monde du tourisme, par essence tourné vers l’international et l’attraction de voyageurs originaires d’autres continents. Un chamboulement qui a entraîné des opérations de re-séduction de la clientèle française, régionale et locale. Un basculement qui est désormais bien ancré dans les stratégies d’attractivités, comme sur la Côte d’Azur ou en Provence, où le tourisme, pilier économique continue de faire preuve d’agilité.
(Crédits : CRT Côte d'Azur / Pierre Behar)

Si on a beaucoup évoqué le « monde d'après » lors de la crise sanitaire, il est bien un secteur où l'expression prend son sens, c'est celui du tourisme. Car il y a clairement un avant et un après. Avec, certes, un effet accélération sur des tendances déjà présentes - notamment celle d'un tourisme plus « durable » - mais surtout une façon d'appréhender les différents marchés qui s'est très sensiblement modifiée.

Là où l'attrait d'une clientèle internationale - voire du grand international - était une sorte de saint Graal, celle d'une clientèle plus en proximité s'est imposée. Il faut dire que la première saison post-confinement n'a pas laissé le choix. Ce qui a aussi obligé les professionnels de la promotion à faire preuve d'ingéniosité, d'inventivité plus dans la forme que dans le fond. Ainsi les campagnes se sont focalisées sur ces atouts présents, faisant partie du décor, mais que l'on avait un peu tendance à ne plus mettre en avant.

Et ça a marché. Les locaux ont consommé sur place, contents de trouver une offre sur leur propre territoire qui mettent en avant des zones parfois délaissées, qui ici, répondaient à tous les critères, celui de la déconnexion, du dépaysement sans avoir des milliers de kilomètres à parcourir. C'est le Comité Régional du Tourisme Côte d'Azur notamment qui a remis au goût du jour ses trésors îliens ou son arrière-pays, travaillant ce que ce CRT appelle l'affinitaire, en appuyant, notamment avec l'aide des réseaux sociaux, sur les différents visages de la destination, conviviale, urbaine, festive, culturelle et sportive. Soit un peu en dehors de l'image que l'on se fait facilement de la Côte d'Azur.

Une demande plus « durable », une offre qui s'est adaptée

Cette approche mettant en avant les spécificités de son territoire, c'est exactement ce que fait aussi l'agence de développement Var Tourisme. Qui avait déjà constaté un changement de comportement du touriste avant la crise, « plus curieux, qui s'adapte, qui aime découvrir », souligne Guillaume Décard, son président. En recherche de « plus de naturel », ce qui correspond bien au département, très nature même si l'offre littorale est complémentaire de l'offre à l'intérieur des terres. « Le public français a été au rendez-vous de la destination », reconnaît Guillaume Décard avec, en 2021, 68 millions de nuitées générées à 72% par des touristes français.

Et si on ne l'appelle pas ainsi, dans le Var aussi, on structure une offre affinitaire, qui s'appuie sur les caractéristiques du territoire, à savoir l'œnotourisme, le vélo et le nautisme, le département revendiquant être le premier spot de plongée de l'Hexagone. « La politique touristique doit être un levier économique », estime encore Guillaume Décard, rappelant que le tourisme génère un chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros, représente 28.000 emplois et une part du PIB du département à hauteur de 10%. Et pour faire levier, il faut rassembler les professionnels concernés, ce qui prend ici le forme d'un réseau baptisé Destination Var, officialisé en mai dernier, et qui a vocation à réunir 300 professionnels pour des mises en connexion qui doivent générer du business.

Reprendre les bonnes recettes pour redonner du goût au tourisme local c'est la démarche initiée tout autant par Bouches du Rhône Tourisme qui reprend le sujet de la gastronomie, thème central de la politique culturelle et événementielle pré-crise qui s'appelait alors MPG pour Marseille Provence Gastronomie. Les Bouches-du-Rhône qui voient les Calanques fermées à la surpopulation touristique, par exemple. Alors il faut attirer avec, encore une fois, ce qui fait l'identité du territoire. Et la bonne bouffe, c'est rassembleur. « Le touriste a envie de plaisir et de convivialité », souligne Isabelle Brémond, la directrice générale de BDR Tourisme. Qui, avec MPG version 2022, organise notamment 22 dîners insolites, dans des endroits inaccessibles ou pas conçus pour des repas festifs. L'idée est de surprendre, de réinventer avec l'existant. « Notre stratégie va vers le tourisme durable, et cela pose la question de la préservation de nos sites, de la régulation des flux. L'habitant doit être au centre de notre stratégie, il doit être co-constructeur de celle-ci ». Une approche, il faut bien l'avouer, novatrice.

Couvrir les ailes de saison, l'objectif d'un tourisme plus « étal »

Mais qui fonctionne. Dans le Var, les chiffres de fréquentation de juin continuent de montrer l'intérêt du tourisme tricolore à 54%, contre une clientèle étrangère qui représente « que », 45%. Cette appétence hexagonale, le CRT Côte d'Azur en mesure toute la substantifique moelle. Elle qui a nommé sa dernière campagne « Pure et proche », résumant ainsi le naturel et la proximité, souligne que le marché domestique est regardé avec les yeux de Chimène par toutes les destinations de l'Hexagone. Et que l'accent mis sur segment durant en période de crise ne doit pas ralentir. Preuve en est la campagne menée avec SNCF Connect sur une offre mêlant le train de nuit à prix compétitif qui a su attirer une clientèle jeune et parisienne et l'émission de 20.000 billets, à 80% pour une période hors juillet-août.

Car le sujet est aussi sur ce point : faire en sorte de couvrir les ailes de saison. Autrement dit, pouvoir proposer une offre qui ne se concentre pas sur la période estivale mais qui soit aussi attrayante lors de mois produisant moins de fréquentation. Avec un élément que souligne Isabelle Brémond, celle d'un « pouvoir d'achat » qui pousse le tourisme franco-français. Dans le Var, on a la même préoccupation d'étalement de l'offre et Guillaume Décard de préciser que les actions de promotion sont programmées en septembre, en ce sens et que l'une des clés réside aussi dans le rapprochement avec les acteurs de la culture, sachant que « la deuxième part de marché est le tourisme régional ».

Domestique - international, la traditionnelle question d'équilibre

Mais le tourisme international retrouve aussi le chemin de la France et de la Côte d'Azur comme de la Provence. Le segment européen, notamment scandinave, retrouve le bord de la Méditerranée. Et c'est, pour le CRT Côte d'Azur, le résultat des campagnes menées auprès de cette clientèle pas si lointaine, au pouvoir d'achat certain et que l'avion mène rapidement à destination. L'Amérique du Nord et les Américains, qui servent habituellement de baromètre quant aux tendances de fréquentation, n'ont pas hésité à choisir le Sud pour leur séjour. Comblant le manque des Russes et des Chinois. Une présence qui a, malgré tout, valeur de réassurance. Ce qui fait forcément du bien au moral des professionnels, encore traumatisés par la crise, qui ont aussi tremblé dès le début de la guerre en Ukraine et qui surveillent de près l'inflation. Mais désormais les stratégies ne mettent plus tous leurs œufs dans le même panier et chouchoutent autant le segment domestique qu'international, faisant la promotion d'un tourisme plus durable, plus vert dans tous les sens du terme. Ce qu'Isabelle Brémond résume en une phrase : « le tourisme c'est le développement harmonieux du territoire ».

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