Rachat de La Provence : la procédure qui peut tout faire basculer…

La décision du tribunal de commerce de Marseille de suspendre l’agrément obtenu par CMA CGM le 9 mai dernier constitue une nouvelle phase dans le processus de rachat du quotidien. Évidemment pas la dernière. Car si cette décision fait suite au référé déposé par le patron de Free et n’est pas tant surprenante, c’est bien le recours jugé au fond le 29 juin prochain qui constitue l’étape majeure. Invalidera ou n’invalidera pas le conseil d’administration ? Là est toute la question. Et la réponse a de quoi largement impacter la suite de la procédure.
(Crédits : DR)

C'est un long processus et pour beaucoup, cela ressemble même à une histoire sans fin. Pourtant ce mois de juin pourrait constituer un vrai point de bascule dans le rachat des 89% de parts détenus par Groupe Bernard Tapie.

Et le point d'achoppement, c'est la décision du conseil d'administration le 9 mai dernier d'agréer l'offre portée par CMA CGM. Un agrément obtenu aux forceps, puisque, pour rappel, c'est en refusant de prendre en compte les deux votes « contre » d'Avenir Développement - représentant l'actionnariat minoritaire de Xavier Niel au capital de La Provence - que Jean-Christophe Sarfati, le président du conseil d'administration et PDG du groupe, met en quelque sorte le feu aux poudres.

Fin juin, fin de la bataille ?

Un « passage en force » pour le patron de Free qui a donc introduit un référé et un recours au fond. C'est ce référé qui dit ce 16 juin, qu'il « suspend les effets de la décision d'agrément du Conseil d'Administration de la société La Provence du 9 mai 2022 jusqu'à ce que le juge du fond statue sur la demande d'annulation de la décision d'agrément du conseil d'administration ». Une suspension qui n'est pas surprenante étant donné le contexte. C'est aussi ce référé qui a poussé le tribunal de Bobigny à repousser l'audience qui devait permettre d'entamer concrètement le transfert des titres à CMA CGM le 7 juin dernier, au 22 juin prochain.

Comme le précise le rendu du tribunal de commerce de Marseille, il faut attendre ce que dira le juge au fond, c'est-à-dire lorsque sera étudiée la demande d'annulation de l'agrément obtenu par CMA CGM. Autant dire que tous les regards vont converger, le 29 juin, vers Marseille.

D'autant que, en toute logique, le tribunal de Bobigny devrait, à nouveau, repousser l'audience et attendre lui aussi ce que décidera le juge au fond. Car si l'agrément devait être annulé, point de procédure de transfert des titres à CMA CGM possible. Et on voit mal le tribunal de Bobigny s'engager dans une procédure qui serait complexifiée encore davantage, si d'aventure, il entamait la procédure de cession des parts sans tenir compte de ce qui pourrait être décidé moins d'une semaine après.

De la notion - complexe - du conflit d'intérêt

Toute la question - et elle n'est évidemment pas facile à trancher - est d'estimer si Jean-Christophe Sarfati avait le droit ou pas de décider de ne pas prendre en compte les deux votes contre l'agrément, émis par Avenir Développement. Certes, Avenir Développement c'est, en raccourci, Xavier Niel puisqu'Avenir Développement est propriétaire de 11% des parts de La Provence. Mais c'est NJJ qui se place en repreneur des 89% restants. Pas la même personne morale donc.

Prévu au pacte d'actionnaire, le droit d'agrément dont dispose Xavier Niel, est justement prévu pour donner son aval ou pas à tout nouvel entrant. Du côté des certains syndicats et de CMA CGM on estime qu'il y a conflit d'intérêt. Là encore, où se place le curseur du conflit d'intérêt ? En décidant de ne pas prendre en compte les deux votes contre d'Avenir Développement, Jean-Christophe Serfati ne se place-t-il pas, lui aussi, dans une sorte de conflit d'intérêt, puisqu'il s'est clairement positionné pour l'offre portée par CMA CGM ?

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Niel prêt à investir en equity

Ou on en revient à la position présentée comme fragile financièrement, de La Provence. Pour certains syndicats, comme pour CMA CGM, on dit vouloir aller vite pour éviter le redressement judiciaire. Et qu'une procédure de sauvegarde pourrait être déposée à tout moment, par Jean-Christophe Sarfati, arguant que le report de la procédure de rachat met à mal le quotidien.

Or, La Provence - qui aurait consommé la totalité des deux PGE obtenus soit 15 millions d'euros - possède en trésorerie, au moins les 12 millions d'euros provenant de la vente de son siège social.

Et à cela, s'ajoute le fait que, en tant qu'actionnaire minoritaire, Xavier Niel s'est engagé à abonder quand nécessaire. Et à le faire en equity, ce qui signifie sans contrepartie financière donc. De quoi rassurer, normalement, les parties. Et laisser le temps au temps judiciaire.

Retour à la case départ ?

Le 29 juin, si le juge au fond annule l'agrément obtenu par CMA CGM, c'est toute une procédure qui reprend de zéro avec le possible lancement d'un nouvel appel d'offres. Qui annulerait les négociations déjà menées avec CMA CGM. Mais qui pourrait faire revenir l'offre de NJJ officiellement dans la course. Ce qui permettrait sans doute un comparatif plus sain. Sauf qu'un nouvel appel d'offres ferait sortir le remboursement du par GBT à l'Etat de l'équation et ne concernerait plus que La Provence. Ou comme démêler les enjeux d'autres enjeux... Nul doute que le 29 juin, la température sera élevée à Marseille. Sans lien avec la météo.

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