Vers une sécurité sociale de l'alimentation ?

Il apparaît essentiel de transformer nos systèmes alimentaires, notamment pour les rendre plus résilients et réduire leur impact sur l’environnement. Mais aussi pour les rendre plus justes, alors qu’un Français sur dix recourt à l’aide alimentaire, pas nécessairement qualitative. Pour cela, de nombreuses initiatives émergent sur le territoire, à Marseille en particulier. Mais ces projets sont, comme l’explique le Grec Sud, souvent fragiles. Laissant transparaître la nécessité d’un changement plus profond de paradigme. Et dans ce cadre, le Grec Sud voit dans la mise en place d’une Sécurité sociale alimentaire une piste prometteuse.
A Marseille, l'épicerie solidaire la Drogheria permet à tous d'accéder à une alimentation de qualité, tout en favorisant la cohésion sociale et l'engagement citoyen.
A Marseille, l'épicerie solidaire la Drogheria permet à tous d'accéder à une alimentation de qualité, tout en favorisant la cohésion sociale et l'engagement citoyen. (Crédits : DR)

Impossible d'éluder la question sociale lorsqu'il s'agit de transition alimentaire, alors qu'en France, un habitant sur dix recourt à l'aide alimentaire. Une aide alimentaire qui, malgré des efforts en ce sens, est encore loin d'être synonyme de qualité.

En Provence-Alpes-Côte d'Azur aussi, ce sujet est crucial. En 2020, 17 % de la population régionale vivait en dessous du seul de pauvreté. Et dans les grandes villes du territoire, malgré un tissu associatif très riche, demeurent des zones blanches de l'aide à l'alimentaire. L'inflation a probablement amplifié le nombre de personnes ne disposant pas d'une alimentation suffisante en quantité et en qualité. En témoigne les appels récents des Restaurants du Cœur, qui ont annoncé, il y a peu, qu'ils ne pourraient pas répondre à toutes les demandes cet hiver. Preuve que cette association, voulue ponctuelle, est devenue essentielle. Dévoilant les failles de notre système alimentaire qui, alors que suffisamment de nourriture est produite, laisse une part considérable de la population sur le bas côté.

La transition alimentaire doit donc prendre en considération cet aspect. Mieux, explique le Grec Sud - déclinaison régionale du Giec - dans son cahier thématique consacré à l'alimentation : « La transition écologique est un appel à changer nos pratiques pour réduire les impacts du changement climatique, mais aussi une opportunité pour rendre nos sociétés plus solidaires et résilientes ».

De bons produits rendus accessibles

Une perspective dont se saisissent de nombreux acteurs au niveau régional, à Marseille en particulier.

Dans le quartier de la Belle-de-mai, qui figure depuis une décennie parmi les plus pauvres de France, l'épicerie solidaire La Drogheria propose ainsi aux habitants une alimentation locale et de qualité obtenue à moindre coût grâce au groupement d'achat et aux bénévolat de ses membres. En échange de trois heures de bénévolat, chacun peut repartir avec un panier de produits. Ceux qui le peuvent ont aussi la possibilité d'offrir un panier à quelqu'un qui n'en a pas les moyens grâce à un système de panier suspendu. L'épicerie est par ailleurs adossée à un restaurant qui cuisine les produits de l'épicerie et les propose à un prix très accessible. Et au-delà de l'accès à l'alimentation, ce sont d'autres enjeux qui se jouent : l'engagement citoyen, la création de lien social, la confiance en soi, la montée en compétences...

Non loin de là, la ferme Capri, portée par la Cité de l'agriculture propose une alimentation saine qui s'adapte aux attentes des populations les plus précaires de la ville. D'où le choix de produire des aliments consommés par des familles ayant des attaches dans des pays des quatre coins du monde, comme le gombo ou le piment. Le tout, à des prix accessibles.

Et la même Cité de l'agriculture fait office de relais marseillais du réseau VRAC, qui initie des groupements d'achat dans les quartiers prioritaires de la ville pour rendre accessible une alimentation durable de qualité.

Enfin, partout dans la région, des supermarchés coopératifs permettent à des citoyens qui en sont membres d'acheter de façon groupée des produits locaux, très souvent bio, vendus à un prix accessible grâce au bénévolat et à une marge fixe de 20 à 25 %.

Lever les freins pratiques et culturels

L'éducation à l'alimentation est également un vecteur de transition alimentaire indispensable, auquel se consacrent des associations comme l'École comestible, qui mène partout en France des activités de sensibilisation à l'école, mêlant quiz, cuisine et jardinage.

Par ailleurs, au-delà de la sensibilisation et de l'accès aux produits de qualité, le Grec Sud souligne dans son cahier la présence de «contraintes techniques » comme l'absence de cuisine fonctionnelle . Et là aussi, on assiste à l'essor de plus en plus de cuisines partagées, à l'image de la Cuisine du 101, tiers-lieu marseillais qui met disposition de personnes logées en hôtel ou en foyer un espace pour cuisiner.

Les projets foisonnent. Mais, souligne le Grec Sud, ceux-ci « peinent à perdurer et à élargir leur portée ». En cause, une « vulnérabilité économique » qui cantonne les retombées de ces projets à « une échelle locale, un nombre limité de personnes et un temps court ».

Une sécurité sociale de l'alimentation, la solution "juste" ?

Et d'ajouter : « si la vision projet peut s'avérer pour concrétiser des mesures favorisant l'amélioration de la sécurité alimentaire à court terme, un changement de paradigme est nécessaire pour impulser des mutations systématiques et des réponses politiques à la hauteur des enjeux structurels de justice sociale et écologique ».

En ce sens, il explique que l'instauration d'une sécurité sociale alimentaire serait une piste prometteuse. Celle-ci serait en fait « financée par la cotisation sociale », et permettrait d'allouer à chacun, en fonction de ses revenus, une allocation lui donnant accès à une série de produits conventionnés selon des critères établis de façon démocratique. Ce système, dont les gains en faveur de la santé et de l'environnement dépasseraient « largement » le coût, permettrait selon le Grec Sud « de changer d'échelle, d'abandonner le statut de bénéficiaire au profit de celui d'ayant-droit et de renforcer la transition agricole et alimentaire ».

Une utopie que des acteurs, partout en France, tentent à bas bruit de concrétiser au travers de diverses expérimentations. Pour peut-être un jour, faire de l'alimentation respectueuse de la santé et de l'environnement la norme. Et un droit réel pour chacun.

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