Industrie décarbonée, approvisionnement local  : comment Le Coq Noir veut redonner le goût du bio

Installée à l’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse, cette PME de 36 salariés fabrique des condiments, des plats cuisinés et des tartinables auréolés du label bio, selon des recettes inspirées des quatre coins du monde. Face à la crise de la demande que traverse la filière bio, Le Coq Noir est conscient que le label bio ne séduit plus autant. Alors pour y remédier, il mise sur une décarbonation accrue de ses activités, de même que le recours à toujours plus de filières locales pour ses approvisionnements.
(Crédits : DR)

Une consommation en baisse de 4,6 % en 2022. Des conversions qui décélèrent. Moins de distributeurs... Après des années de bon vent, le petit monde de la filière bio vacille. L'inflation a asséché les dépenses alimentaires des ménages, et les produits bio servent de variable d'ajustement. D'autant que les consommateurs ne perçoivent plus forcément très bien la plus-value de ce label fortement mis en concurrence par toute une flopée d'autres sigles. A l'Isle-sur-la-Sorgue, Le Coq Noir, PME de 36 salariés qui affiche un chiffre d'affaires de plus de 5 millions d'euros, n'échappe pas à ces turbulences.

Fondée en 1979, cette PME s'est fait connaître pour ses recettes venus de l'Océan Indien. Achard de légumes, pâte de curry... Des produits qu'on ne trouve alors pas en Métropole. Et que l'entreprise garantit sans colorant ni conservateur.

Au fil du temps, l'entreprise se professionnalise. Elle prospère. Puis en 2018, consciente de la demande sans cesse croissante pour les produits bio, elle pare l'immense majorité de ses produits du label AB (Agriculture biologique). Une petite part (environ 5%) en demeure exempte. Il s'agit de produits à façon ou d'ingrédients à destination d'industriels.

Car au fil du temps, l'entreprise a diversifié ses canaux de vente. «20 à 25 % de notre chiffre d'affaires est réalisé en magasin bio, 25 % en grande distribution, 5 % chez des grossistes, 30 % en marque distributeur pour le réseau bio ou à façon, et 10 % auprès d'industriels », explique Thibault de Leusse, directeur général de l'entreprise arrivé en début de tempête, en février 2021. Cette tempête, « on ne la subit pas de plein fouet, mais on la subit quand même », estime le dirigeant. Néanmoins, pas question de dévier de ses engagements. « On garde le cap »

Du bio augmenté

Pour ce faire, l'entreprise prend le temps d'observer la situation. Et fait le constat que « le bio ne suffit plus dans l'esprit des consommateurs ». Pour continuer de séduire des ménages dont le budget dédié à l'alimentation se resserre et à qui d'autres sigles font les yeux doux, Le Coq noir veut proposer « du bio augmenté ».

La filière bio porte déjà des promesses fortes, au premier lieu desquelles l'absence de produits chimiques de synthèse dans les cultures. De quoi garantir des atteintes bien moindres à la biodiversité mais aussi au climat, puisque les produits chimiques qu'elle bannit sont fabriqués à partir de ressources fossiles. Mais Le Coq noir veut aller plus loin, en particulier sur le sujet de la décarbonation. « Dans l'esprit des consommateurs, c'est le transport qui émet le plus de carbone, même si ce sont en réalité les pratiques culturales qui sont les plus problématiques. Alors nous mettons en place des actions pour aller plus loin sur ce sujet ».

A commencer par la relocalisation de certains approvisionnements. Les tomates utilisées sont ainsi désormais 100 % françaises. « L'an dernier, nous sommes passés d'un sel allemand à un sel de Camargue. Et nous avons également mis en place une filière pour la citronnelle en Provence, en lien avec un producteur partenaire installé tout près de notre usine. Cette année, il nous en a fourni trois tonnes ». L'entreprise a aussi lancé l'une des premières sauces soja françaises, à partir de soja produit en Bourgogne, garantissant au consommateur de ne pas soutenir des cultures impliquées dans la déforestation de forêts tropicales.

Au total, 80 % des matières premières de l'entreprise sont européennes dont 60 % sont françaises. Reste 20 % de provenance plus lointaine, ce qui est inévitable pour réaliser certaines recettes du monde que proposent les deux marques de l'entreprise : le Coq noir et le Voyage de Mamabé.

Un outil de production moins émetteur de carbone

Avec cette offre de plus en plus locale, l'entreprise réduit son empreinte carbone. Mais elle ne s'arrête pas là. Le développement de sa gamme à partir de légumineuses s'inscrit aussi dans ce sillage puisque la culture de légumineuses, qui constituent une bonne source de protéines, est beaucoup moins émettrice de gaz à effet de serre que l'élevage. La PME investit en outre dans la décarbonation de son outil de production.

Ainsi, après être parvenue à réduire de 10 % sa consommation d'énergie, elle porte un projet de « solaire à concentration ». Développée par l'entreprise aixoise Alto Solutions, cette technologie permet de substituer au gaz de la vapeur chauffée grâce au soleil. Ce, au moyen d'auges paraboliques solaires dans lesquelles circule de l'eau, et qui ne nécessitent pas d'artificialiser le sol. « Cela va nous permettre de remplacer 75 % de notre gaz ». Et donc de réduire significativement l'empreinte carbone de la PME. « Le permis est déposé. Nous prévoyons de monter un premier pilote industriel en décembre ».

En parallèle de tous ces chantiers, l'entreprise a fortement étoffé sa gamme. « L'an dernier, nous avons proposé treize innovations ». Des produits que l'entreprise s'attelle à proposer à un prix le plus abordable possible assure-t-elle, alors même que l'inflation a fortement fait gonfler ses coûts de production. "Le verre que nous utilisons pour nos contenants a augmenté de 70% sur un an".

« Il faut se battre contre l'idée selon laquelle l'alimentation doit être low cost »

Néanmoins, Thibault de Leusse s'inquiète de certains discours promouvant une alimentation dont les prix devraient être toujours plus bas

« Il faut se battre contre l'idée selon laquelle l'alimentation doit être low cost. La souveraineté alimentaire a un coût ». De même que la préservation des ressources naturelles qui constituent un bien commun. «Il faut se poser la question de la rémunération des agriculteurs bio pour les services qu'ils rendent à la société. Pour le moment, ce sont essentiellement les consommateurs qui paient le surcoût du bio. Les pouvoirs publics devraient réfléchir à une manière de rapprocher les coûts de production de l'agriculture bio de ceux de l'agriculture conventionnelle. On pourrait par exemple imaginer une TVA à 2 % sur le bio. Ou une taxe sur la pollution des nappes ou sur le niveau de pesticides présents dans une parcelle ».

D'ici là, Le Coq noir croit beaucoup aux partenariats avec d'autres acteurs de l'alimentation durable, « comme celui que nous avons noué avec Omie & cie », une place de marché qui propose des produits jugés responsables. Des partenariats qui permettent d'aller plus loin. Mais aussi de « tracer des filières et de ne plus avoir de trous dans la raquette ».

C'est selon cette même logique que Coq noir met son usine et sa recherche et développement à disposition d'autres fabricants agroalimentaires bio du territoire, avec l'idée de mutualiser certaines charges fixes. « Cela a permis de lancer 80 produits toutes marques confondues. Sans cette dynamique, nous aurions davantage subi la crise ». Naviguer en rangs serrés le temps de la tempête. Pour en ressortir entiers et, qui sait, peut-être plus forts.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.