Carbon, ce projet de gigafactory solaire qui, depuis Fos, promet de consolider la souveraineté industrielle européenne

Un investissement de 1,5 milliard d’euros, 3.000 emplois à terme et une production prévue de 12 millions d’unités par an… Le projet de la société industrielle originaire de Lyon d’installer une super usine sur les bords de la Méditerranée, dans l’enceinte du Grand Port Maritime de Marseille-Fos est aussi gigantesque dans les données avancées que dans la promesse faite : permettre à la France et à l’Europe d’être plus indépendantes, de la Chine notamment, en matière de modules solaires. Un projet conforté par le contexte géopolitique international, par la politique de réindustrialisation de l’Hexagone et aussi par la stratégie de conversion à la décarbonation d’un des sites industriels les plus importants de France, Fos-sur-mer.
(Crédits : DR)

L'ambition n'est certainement pas ce qu'il manque à Carbon. Constituée en 2022, cette société industrielle est née après en rassemblant PME, ETI, chercheurs, ingénieurs et experts convaincus que si la transition énergétique est indispensable, elle ne peut être réussie et complète que si elle reconstitue une filière complète, c'est-à-dire en intégrant tous les maillons de la chaîne.

La souveraineté, indispensable

Le projet de créer une gigafactory solaire est donc issu de cette conviction. Pour le dire autrement, les enjeux en termes d'équipements nécessitent une certaine taille pour répondre aux besoins et pour être le moins dépendants d'approvisionnement venus d'ailleurs, notamment de Chine. Et vu le contexte géopolitique international comme les situations de crispations sur les fournitures de matières premières et leurs prix, tout tend à une indépendance la plus poussée possible. D'autant que l'Europe est le deuxième marché pour le solaire et que pour l'heure, aucun acteur européen n'est assez fort pour répondre à la demande. A cela s'ajoute une donnée qui n'est pas inintéressante, celle de l'Agence internationale de l'énergie qui estime par exemple que le potentiel de la France en matière solaire s'élève à plus de 1.700 TWh, ce qui correspond à la consommation électrique hexagonale.

Voilà pour le contexte. Auquel s'ajoute la volonté de réindustrialisation pour précisément permettre cette souveraineté nationale et si possible européenne. C'est ce que l'on appelle un momentum ou un alignement des planètes

Chaîne de valeur complète

C'est donc précisément à cela que veut répondre Carbon. La différenciation et toute la substantifique moelle du projet est précisément d'intégrer toute la chaîne de valeur, c'est-à-dire de produire d'aval en amont, plaquettes de polysilicium (aussi appelé wafers), cellules photovoltaïques et panneaux solaires.

Trois types de produits devraient ainsi être fabriqués : des plaquettes de polysilicium (à base de polysilicium bas carbone), des cellules à haut rendement et des modules mono comme bi-faciaux répondant à tous les usages, que ce soit pour de l'ombrière, de la toiture, des fermes agrivoltaïques, des centrales solaires au sol...

Le tout avec un objectif à grande échelle puisque 5GW seraient produits dès 2025 et 30 GW à horizon 2030.

Si le projet est ambitieux, la commercialisation aussi, d'où une phrase de pré-commercialisation prévue. Sont visés les développeurs et installateurs de centrales solaires, distributeurs et grossistes de composants, assembleurs de panneaux... soit tous ceux qui contribuent à la filière solaire. Carbon vise prioritairement et dans un premier temps le marché domestique et européen. Le but est donc de venir concurrencer les acteurs chinois, pour l'heure très présents sur ces marchés, avec des produits performants, durables et de créer une différenciation qui fasse préférer la solution française à la solution asiatique.

Quid du financement ?

Un projet tel que celui porté par Carbon ne peut évidemment pas s'exonérer d'un fort engagement en R&D. La société a annoncé consacrer 3% de son chiffre d'affaires à la recherche, au développement et à l'innovation. Être innovant c'est continuer de répondre aux besoins et à l'évolution technologique, voire à les anticiper.

Il va sans dire que l'ambition se situe aussi du côté du financement. L'investissement nécessaire pour donner vie au projet a été défini à 1,5 milliard d'euros. Pour l'heure les actionnaires de Carbon ont mis la main à la poche et mobilisé 5 millions d'euros. Une levée de fonds est prévue pour se conclure d'ici la fin du premier semestre et il est également attendu le coup de pouce d'aides publiques et celui d'un financement bancaire.

Si le calendrier est lui aussi très précis et cadré, avec une mise en service dès 2025 et une vitesse de croisière qui va monter dès 2026, il faudra d'abord en passer par une concertation préalable, prévue pour se tenir d'avril à l'automne 2023.

Fos-sur-mer : le choix qui confirme la stratégie de décarbonation

Au-delà du projet lui-même, le choix de Fos-sur-mer et du Sud n'est pas neutre. Si on rappelle que Provence Alpes Côte d'Azur est région pilote dans le cadre de la planification écologique, expérimentation qui fait l'objet d'un protocole avec l'Etat et qui avait été annoncé par Elisabeth Borne elle-même à Marseille, Carbon a regardé, testé, interrogé d'autres régions - dont Nouvelle-Aquitaine - avant de porter son choix sur le Sud. Un choix qui n'étonne pas vraiment. D'abord parce que le Grand Port maritime de Marseille-Fos n'a jamais caché sa volonté d'accueillir sur son périmètre des projets innovants et décarbonés. C'est l'un des axes de la stratégie déployée par son président du directoire, Hervé Martel. Et puis Fos-sur-mer est très fortement engagée dans une stratégie qui doit la faire passer de zone polluante à zone vitrine de l'industrie décarbonée. C'est déjà ce que fait PICCTO, c'est aussi ce que portent les projets Masshylia, GravitHy ou des acteurs tels ArcelorMittal.

Voilà une installation de nature à renforcer l'attractivité de Provence Alpes Côte d'Azur et à lui permettre d'être véritablement perçue comme une destination industrielle. Une installation qui valide la stratégie de Fos d'être le berceau de l'industrie verte, après avoir été celui de l'industrie polluante. Un projet qui annonce aussi la création de 3.000 emplois à terme. Ce qui devrait créer un appel d'air en termes de compétences. Et avoir un effet ruissellement sur l'écosystème, plutôt bienvenu.

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Commentaires 9
à écrit le 05/03/2023 à 21:02
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@regardez de plus près: où voyez-vous un ZON sur la photo (en fait une simulation, vue d'artiste du projet) ? Vous ne voyez pas le ON de CarbON ? Les arcs de cercle ça fait partie du logo Amaz* ? Pas trop. Votre idée n'est pas mauvaise vu que c'est ...

à écrit le 04/03/2023 à 8:44
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C'est super, à aucun moment n'est évoquée la rentabilité d'un tel projet face à la concurrence chinoise. En clair une production qui va être subventionnée par nos impôts avant de faire faillite. Les grands projets lancés par l'Etat ont toujours été...

à écrit le 04/03/2023 à 7:34
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Le solaire c’est bien sur des constructions existantes ou des parkings, mais certainement pas en bétonnant des zones naturelles comme on le voit sur cette image. Quid de l’écoulement des eaux, de la biodiversité en dessous, et en combien de temps ser...

le 04/03/2023 à 16:33
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SI on regarde mieux la photo. les panneaux sont posés sur le toit d'un hangar sur lequel est apposé le nom d'une société se terminant par ZON.... Cherchez bien. Si jétais au gourvement, je ferai une loi pour rendre obligatoire la pose de panneaux su...

à écrit le 03/03/2023 à 22:13
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Encore un exemple, parmi tant d'autre, de la méthode du "ruissellement" des grands projets modernes. Les premiers servis par la pluie torrentielle de l'argent sont les "happy few" qui sont à l'origine du projet et ensuite toute une cascade d'intermé...

à écrit le 03/03/2023 à 21:12
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Excellent, a t'on fait la rentabilité d'une telle entreprise, quel marché vise telle, le gros mot "protectionnisme" sera t'il accepter par l'ocde des Américains, les ressources minières pour ce projet, les a t'on ? Le prix de l'énergie, l'inflation n...

à écrit le 03/03/2023 à 17:00
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Belle R&D CEA-INES, avec coopérations européennes. La réindustrialisation, ça passe avant tout par la R&D, un maximum de R&D, un maximum d'essais, de prototypes, de démonstrateurs, avec des prises de risques, et donc des chèques. Evidemment que les...

à écrit le 03/03/2023 à 16:09
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Les écolos qui sont contre tous, vont s'y opposer.

le 04/03/2023 à 12:05
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Si vous mettez des panneaux sur les pâles d'éoliennes, ils seront peut-être d'accord. :-) Un article (sais plus le journal) se posait la question de savoir s'il y avait besoin d'un parti écolo pour prendre soin de la planète, le "bon sens" est partag...

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