Avec ses bornes anti-moustiques, Qista poursuit son développement à l'international

Installée à Sénas, dans les Bouches-du-Rhône, l'entreprise fabrique des bornes qui, en imitant la respiration humaine, sont capables de piéger les moustiques et d'obtenir des données sur leur présence pour mieux les contrôler. Une technologie qui a convaincu des clients dans 24 pays sur un marché largement dominé par l'usage de pesticides et larvicides néfastes tant pour la santé humaine que pour l'environnement. Le récent partenariat conclu avec le groupe émirati AI Khayyat Investments. Une belle vitrine pour la startup provençale.
(Crédits : DR)

Dengue, paludisme, fièvre jaune, chikungunya, zyka... Chaque année, les moustiques sont à l'origine d'environ 800.000 décès à travers le monde. Un chiffre que risque de gonfler la prolifération de moustiques porteurs de maladies dans des zones jusque là peu concernées, sous l'effet du réchauffement climatique. Celui-ci étalant l'aire géographique et la durée au cours de laquelle les moustiques sont en activité, tout en accélérant le cycle de vie de l'insecte et la multiplication des virus présents dans son organisme.

Pour y faire face, la plupart des territoires font le choix d'épandre des substances chimiques (larvicides et insecticides). Des substances généralement efficaces, mais non sans conséquences sur la santé humaine. Une riche littérature scientifique met ainsi en lumière un risque accru de cancers, de problèmes respiratoires ou encore de troubles comportementaux chez l'enfant. La biodiversité est aussi affectée, les produits ayant des effets néfastes sur des espèces non ciblées. Par ailleurs, ces produits peuvent engendrer une forme de résistance chez les moustiques, compliquant plus encore la lutte contre les maladies qu'ils véhiculent.

Solution naturelle et mécanique

À l'inverse, des solutions naturelles et mécaniques existent. Meilleure gestion des déchets végétaux, protection des eaux stagnantes par des moustiquaires... C'est dans cette lignée que se positionne Qista avec sa borne capable de piéger les moustiques. Concrètement, il s'agit d'abord d'attirer les insectes en dispersant du dioxyde de carbone recyclé afin d'imiter la respiration humaine de même qu'un leurre olfactif qui stimule l'odeur corporelle humaine. De quoi appâter le moustique qui, lorsqu'il s'approche de la borne, est capturé par aspiration. La technologie fonctionne dans un rayon de 60 mètres et permet de réduire de 88 % les nuisances.

Mais les crises de ces dernières années ont obligé la startup à revoir quelque peu sa technologie, comme l'explique Pierre Bellagambi, son PDG. « La guerre en Ukraine a perturbé notre approvisionnement en CO2, qui est en fait un déchet valorisé au moment de la production de potasse utilisée dans l'agriculture. Comme l'activité agricole a chuté, la fabrication de potasse et donc de CO2 a chuté aussi, tandis que la demande a augmenté. Nous avons donc travaillé pour réduire notre consommation de CO2. En 2023, nous l'avons divisée par deux par rapport à 2022. Et en 2024, nous aimerions la diviser par quatre ».

Qista a aussi dû faire face à la pénurie de composants électroniques qui l'a contrainte à stopper temporairement sa production malgré les demandes. Ce qui l'a conduite à « changer toute notre électronique et à innover avec un système de détection des insectes par un capteur optique qui permet de distinguer de façon précise un moustique d'une poussière ou d'un autre insecte ». La prochaine étape sera de différencier les espèces de moustiques.

Cap sur les Émirats Arabes Unis

Cette capacité de détection peut être utilisée pour mieux agir sur les foyers de prolifération et ainsi prévenir la transmission de maladies. De quoi séduire les Émirats arabes unis où Qista vient de conclure un partenariat avec le groupe AI Khayyat Investments qui distribue de grandes marques comme L'Oréal ou Petit Bateau. « Nous travaillons avec leur branche Alphamed dédiée à l'environnement, qui est notamment en charge d'outils pour gérer les populations de moustiques, en lien direct avec les émirats ». Pour Qista, ce partenariat va de paire avec un volume significatif de ventes supplémentaires puisque plusieurs centaines de bornes seront installées sur l'ensemble du territoire. C'est aussi le gage d'une visibilité et d'une crédibilité accrues, alors que la startup se développe depuis plusieurs années à l'international où elle réalise 20 % de son chiffre d'affaires, lequel s'élève à 4 millions d'euros.

Avec 12.500 pièges installés dans le monde, Qista est ainsi présente dans 24 pays. France, Italie et Espagne en premier lieu. Mais aussi en Angola, « nous travaillons beaucoup en Afrique », ou encore Îles Caïmans. Des pays dans lesquels Qista s'associe généralement à des distributeurs.

Des particuliers soucieux de réduire leur usage des insecticides

En France, c'est en revanche surtout sur la vente aux particuliers qu'elle s'appuie. « Le BtoC représente 55 % de notre chiffre d'affaires. C'est ce qui nous fait le plus vivre. La prise de conscience est forte chez les particuliers qui ont bien compris les dangers que pose l'utilisation d'insecticides dans un lieu clos ». Une prise de conscience qui semble moins forte du côté des pouvoirs publics, notamment en France, regrette l'entrepreneur. « Les habitudes sont bien installées. C'est assez facile d'acheter une boite d'insecticide, et les utilisateurs de ces produits n'ont pas toujours conscience de la dangerosité de ce qu'ils font. Quant au sujet de la résistance des moustiques à ces substances, personne ne s'en préoccupe vraiment. Il y a un travail important de sensibilisation à mener. Mais les fabricants d'insecticides savent communiquer et faire du lobbying ».

Sélectionnée par Solideo, l'établissement public chargé des infrastructures Olympiques et Paralympiques (constructions comme rénovations) qui demeureront après les Jeux, Qista aurait en outre dû installer des bornes au moment des Jeux Olympiques de 2024, au sein du village olympique. « Des sportifs du monde entier seront sur place, certains pourraient être porteurs de virus susceptibles de se diffuser via les moustiques ». Mais finalement, la proposition n'a pas été maintenue, au prétexte que les moustiques ne seraient pas un problème à Paris.

Lever 5 millions d'euros

Malgré cette déception, Qista, qui travaille avec une soixantaine de collectivités locales en France (parmi lesquelles Marseille, Arles, Hyères...), fait face à une demande croissante. Et pour y répondre, l'entreprise, qui compte 60 salariés répartis au sein de quatre sites en France, aimerait franchir un nouveau cap en menant une levée de fonds d'environ 5 millions d'euros courant 2024.

Une levée qui devrait d'abord permettre d'améliorer l'outil de production de la startup qui fabrique de A à Z ses bornes. « Nous devons rendre notre outil de production plus productif, plus autonome, passer à de l'industrie 4.0 pour répondre à la demande ».

Il faut aussi mener des efforts commerciaux, avec potentiellement « 20 postes à la clé ». Enfin, « nous devons maintenir le cap sur la recherche et développement, en poursuivant le travail engagé il y a quelques années avec la création de Qista Lab, une entité dédiée avec des scientifiques et des outils de pointe pour innover ». Parmi les sujets d'innovation : l'optimisation des bornes, leur miniaturisation ou encore l'usage accru de l'intelligence artificielle. La startup veut également renforcer ses liens avec la recherche publique. Elle porte notamment un projet de collaboration avec l'Institut de recherche pour le développement (IRD) dont le siège se trouve à Marseille.

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