Avec son répulsif anti-moustique, Tamba Labs veut conquérir le monde

Installée à Aix-en-Provence, Tamba Labs utilise la science et les biotechnologies pour valoriser des plantes utilisées depuis des siècles par les guérisseurs en Afrique, et notamment au Sénégal dont est originaire son fondateur. Après avoir mené des tests très prometteurs sur les vertus répulsives anti-moustiques de l'une des ses plantes, l'entreprise s'apprête à se lancer sur le marché courant 2024. Année qui commencera en outre par un voyage au CES Las Vegas, avec l'idée de s'ouvrir la porte du marché américain, en plus de l'Europe et de l'Afrique. Et pourquoi pas de faire son produit la référence mondiale face aux moustiques, enjeu majeur de santé publique.
(Crédits : DR)

Qui a dit que la botanique n'avait pas son mot à dire dans un événement tel que le CES Las Vegas ? Certainement pas Doudou Tamba, qui compte y faire son premier passage pour présenter son entreprise Tamba Labs.

Créée en 2019, Tamba labs est le fruit d'une longue histoire familiale qui commence au sud-est du Sénégal, à la frontière du Mali. Doudou Tamba, le fondateur de la startup, est issu d'une longue lignée de phytothérapeutes qui a conseillé plusieurs souverains de l'Empire Mandigue ou Empire du Mali, empire le plus prospère d'Afrique de l'Est qui connaît son apogée au XIVème siècle avant de décliner le siècle suivant. Les Tamba perdent alors leurs privilèges et officient comme phytothérapeutes, transmettant de génération en génération leur connaissance des plantes et des recettes associées.

Des connaissances empiriques ancestrales

Un héritage cher à Boubou Tamba qui souhaite le valoriser à la lumière de la science. C'est ce qui le conduit à suivre des études en pharmacie, au Sénégal puis en France. Pour parfaire sa maîtrise du sujet, il s'adonne aussi régulièrement à des séjours d'immersion auprès de guérisseurs installés dans des zones reculées, au Sénégal en particulier. À leurs côtés, il apprend à observer la nature. À l'imiter. Et à s'émerveiller sans cesse. « Lors de ma dernières immersion, j'ai découvert une plante qui m'était totalement inconnue et qui a la capacité d'attirer la mouche du fruit ». Un insecte qui génère d'importants dégâts chez les herborisateurs, et qu'il serait, grâce à cette découverte, possible de piéger.

Au fil de ses investigations, ses intuitions se confirment : « toutes les plantes que j'ai ramenées ont des spécificités et sont incroyablement efficaces dans les domaines testés ».

Parmi elle, le moringa avec lequel l'entreprise compte faire ses premiers pas sur le marché. Bien connu des adeptes des compléments alimentaires, il s'agit « du végétal le plus riche en nutriments. Il a huit fois plus de vitamines A que la carotte, onze fois plus de calcium que le lait, vingt-sept fois plus de fer que les épinards et la liste n'est pas exhaustive ». Il contient également une série de minéraux et est recommandé contre le diabète. Seul bémol : sa faible biodisponibilité. Ses vitamines et minéraux sont ainsi en grande partie rejetés par l'organisme qui n'en profite alors que peu. En cause : les fibres qui les séquestrent. Tamba Labs entend donc améliorer cette biodisponibilité en éliminant une partie de fibres et en encapsulant les nutriments à l'intérieur d'un comprimé.

Le potentiel est intéressant. Las. Le projet ne trouve pas d'investisseurs. « Nous avons réussi à avoir de la love money et des prêts d'honneur, mais par de financements bancaires. Les banques ont estimé que la concurrence était trop rude ».

Cap sur le répulsif anti-moustiques

Qu'à cela ne tienne, Tamba Labs a une autre plante à valoriser dans sa besace, cette fois pour éloigner les moustiques. « C'est une découverte fortuite. La sérendipité comme disent les Anglais. Lors d'une de mes enquêtes en immersion, le soir, nous campions et faisions du feu. Certains jours, on se faisait piquer par les moustiques. D'autres jours, pas du tout. Or il se trouve que nous parsemions le feu de plantes aromatiques ». Il mène l'enquête et trouve la plante qui les fait fuir. Une plante jugée invasive, très présente en Afrique de l'Ouest, mais dont le nom est encore tenu secret, le brevet étant en cours de dépôt. « Cette plante pose problème aux agriculteurs et à la biodiversité locale. Des campagnes d'arrachage sont menée mais les gens ne sont pas forcément motivés ». La valorisation de cette plante pourrait changer la donne. Qui plus est, en répondant à une problématique de santé publique majeure, alors que le paludisme est la première cause de mortalité en Afrique.

De cette plante aux milles vertus - elle pourrait aussi faire rebrousser chemins à d'autres parasites comme les punaises de lit -, Tamba Labs récupère un extrait qui est mélangé à d'autres ingrédients naturels (huiles essentielles notamment), afin de créer des synergies qui améliorent l'efficacité tout en inhibant d'éventuels effets indésirables. Et ça marche. « Nous avons mené des essais cliniques qui ont ont des résultats tellement importants qu'on a d'abord cru à une erreur », s'amuse l'entrepreneur. Mais non. Sur une centaine de tests réalisés en réponse à trois types de moustiques (tigre, commun et anophèle), la formule mise au point par Tamba Labs permet une protection à 100 % d'une durée de 8h. « Sur ce temps de protection, nous sommes trois à quatre fois plus efficaces que les autres solutions proposées sur le marché ».

Et en plus d'être efficace, le produit peut se targuer d'une formulation naturelle très bien tolérée, tandis que ce marché est dominé par des solutions chimiques dont la toxicité interroge, de même que la résistance que ces formulation peuvent générer chez les insectes. « En proposant des synergies, nous nous prémunissons de ce risque car les moustiques ont plus de mal à identifier les molécules contre lesquelles ils doivent résister. Nous allons aussi travailler à faire évoluer la signature olfactive d'une saison à l'autre ».

Un diffuseur en partenariat avec AMU

Et pour aller plus loin sur ce sujet, il faut aussi travailler à utiliser la juste dose. D'où un partenariat avec Aix-Marseille Université pour la mise en place d'un diffuseur connecté doté de capteurs, qui distillera la bonne quantité de répulsif en fonction de son emplacement. Façon de mêler technologies et phytothérapie ancestrale, un mariage cher à Doudou Tamba. « Ce diffuseur sera un peu notre cheval de Troie au CES Las Vegas. Il sera une manière d'attirer le public à qui nous pourrons parler de nos produits ».

Pour l'heure, l'entreprise a obtenu une autorisation de mise sur le marché en France pour son spray anti-moustique dénommé Reptik ; un lait pour le corps devrait suivre. Cette autorisation lui permettra d'enclencher la commercialisation dès 2024, dans les pharmacies, parapharmacies et sur internet. Et cette première autorisation doit aussi faciliter l'accès de l'entreprise à l'international, qu'elle vise évidemment en se rendant à Las Vegas.

Le monde pour horizon

« Les États-Unis sont le premier marché pour les répulsifs anti-moustiques et les moustiques y sont présents toute l'année. Nous espérons trouver des partenaires sur place ». L'Europe et l'Afrique sont aussi dans le viseur. Car la jeune pousse aixoise ne manque pas d'ambition. « Nous espérons que notre formulation sera la plus utilisée en France d'ici 2026 et dans le monde d'ici cinq ans ». En nom propre mais aussi en marque blanche.

Pour assurer au mieux son démarrage et atteindre ces objectifs, une levée de fonds devrait être menée au cours du premier semestre de 2024, à hauteur de 1,5 à 2 millions d'euros. L'équipe, qui compte pour l'heure trois personnes, espère ainsi se renforcer, notamment de profils commerciaux et marketing, tout en continuant de recruter des profils scientifiques pour poursuivre les travaux de recherche et développement. Pour relancer le pari du moringa par exemple. Mais aussi, à terme, pour mettre un pied dans le marché de la médecine.

« Dans l'organisme, nous avons une matrice extra-cellulaire. C'est un gel dans lequel baignent les cellules. Elle leur permet de fonctionner et d'avoir un substrat dans lequel se développer. C'est le centre d'ingénierie des cellules », explique Doudou Tamba « Or, nous avons découvert une plante qui est la copie exacte de cette matrice ». De quoi ouvrir un vaste champ de perspectives, notamment sur le marché de la cicatrisation.

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