Comment Inveo veut favoriser le retour de la biodiversité en ville

Installée à Ventabren dans les Bouches-du-Rhône, cette entreprise accompagne les communes dans la mise en place d'écospots de biodiversité en adoptant une approche globale mêlant interactions inter-espèces, prise en compte du contexte naturel initial, sensibilisation des publics... L'entreprise conçoit en outre des objets favorisant le retour de la biodiversité en ville, dont un a été présenté lors du dernier CES Las Vegas.
(Crédits : DR)

Sur cinq habitats à enjeux en France, un seul demeure en bon état écologique. 17% des espèces de la faune et de la flore sont menacées ou éteintes dans l'Hexagone. Entre 1989 et 2001, 36% des oiseaux spécialistes des milieux agricoles ont disparu. L'effondrement de la biodiversité est en cours. De sorte qu'au niveau mondial, on parle de sixième extinction de masse. Selon l'Office français pour la biodiversité, ce déclin des espèces sauvages s'explique par cinq principales sources de pression : la destruction et la fragmentation de l'habitat, le prélèvement direct d'espèces sauvages via la chasse et surtout la pêche industrielle, la pollution - l'Office relève notamment que les ventes de produits phytosanitaires à usage agricole ont augmenté de 14% entre 2009 et 2020 en France -, le réchauffement climatique et enfin l'essor des espèces exotiques envahissantes.

Pour lutter contre cet effondrement, il est évidemment essentiel de préserver les espaces naturels et les zones rurales. C'est le sens, notamment, de la loi Zéro artificialisation nette des sols (ZAN). Mais les villes aussi, appelées à se densifier de plus en plus, ont un rôle à jouer. Et c'est à elles que s'adresse l'entreprise Inveo.

Des villes soucieuses de se parer de nature

Son fondateur Gérard Filippi, passionné d'entomologie (branche de la zoologie qui s'intéresse aux insectes), avait au préalable ouvert une autre société, Ecotonia, un bureau d'étude naturaliste censé aider ses clients à se conformer aux règles relatives au respect de la biodiversité et à la mesure d'impact sur ces sujets. « Nous avons fait beaucoup de recherche avec des financements de thèses notamment, puis je me suis rendu compte qu'il y avait un créneau intéressant à creuser. Il y a un besoin de savoir ce que devient la biodiversité en ville ».

Car avant même le covid-19 qui a posé de manière aiguë des questions sur la place des espèces sauvages en ville et sur le besoin de nature pour les citadins, les villes ont commencé à réfléchir à ces sujets. Avec parfois des résultats encourageants. « Certaines espèces de chauve-souris avaient disparu des villes depuis cinquante ans. Mais des politiques de restauration d'espaces urbaines ont permis leur retour ».

Besoin d'expertise

Reste que les bonnes intentions ne font pas tout. Et la volonté de préserver la biodiversité en ville s'accompagne parfois de fausses bonnes idées. C'est par exemple le cas de certaines prairies fleuries ; si les semences n'ont pas été bien choisies, les papillons peuvent y passer sans y rester, faute d'y trouver les conditions nécessaires à la ponte de leurs œufs. Par ailleurs, les ruches qui essaiment partout en ville ne s'adressent qu'aux abeilles domestiques alors que, comme le rappelle Gérard Filippi, « il existe un millier d'espèces d'abeilles sauvages avec qui les abeilles domestiques entrent en concurrence. Et les abeilles sont loin d'être les seules à polliniser ».

Pour éviter ces écueils, les collectivités manquent selon lui de structures capables de les aiguiller en se fondant sur de solides connaissances en la matière. C'est ce qui motive la création d'Inveo en 2021. « Nous nous intéressons à l'aménagement d'écosystèmes urbains. Nous travaillons sur les inter-relations entre les végétaux et les animaux ». Ce, avec une forte dimension de recherche et développement.

Ecospots de biodiversité

Plus concrètement, Inveo met en place pour ses clients - des communes de tailles diverses situées pour l'essentiel dans le sud de la France- ce qu'elle qualifie « d'écospots de biodiversité. Grâce au génie écologique, on met en place des palettes végétales qui offrent aux insectes du nectar de mars à novembre, de même que des fruits pour les oiseaux. Nous veillons à garantir un bon échelonnage des floraisons pour que la biodiversité trouve son compte les trois quarts du temps ». Avec un enjeu fort : celui de créer des continuités vis-à-vis des espaces naturels alentours. Car « la discontinuité urbaine génère une fracture écologique. On le voit notamment avec les chauve-souris pour qui les collisions sont une des premières causes de mortalité ». Cette continuité peut notamment passer par l'exploitation de toitures, ou la mise en place de trames vertes ou bleues. L'entreprise tient aussi à impliquer tous les usagers dans ses écospots, proposant d'associer jardiniers et maîtres d'ouvrage via une charte les sensibilisant à certaines bonnes pratiques, comme un fauchage raisonné. Des solutions de phyto-épuration peuvent également être envisagées.

L'entreprise dispense ainsi des conseils. Elle peut commercialiser la mise en pratique de ceux-ci de même qu'un suivi sur la durée. Mais ses efforts de recherche et développement la conduisent aussi à concevoir des objets susceptibles d'être inclus dans ses écospots, et plus spécifiquement du micro-habitat pour la faune. Lors du dernier CES Las Vegas, elle a ainsi présenté son gîte pour chauves-souris visant à offrir un logis capable de protéger ces animaux lors de pics de chaleur, lorsqu'est atteinte la température létale de 40°C. « Nous avons travaillé sur des matériaux plus isolants que le bois. Et notre gîte est associé à une application qui permet de collecter des données sur ce qu'il se passe à l'intérieur ».

Le CES Las Vegas était aussi pour Inveo l'occasion de faire savoir son besoin de soutien financier. Pour produire plus massivement ses gîtes et les démocratiser. Pour concevoir d'autres micro-habitants pour diverses espèces. Et, plus largement, pour renforcer sa recherche et développement. Avec en ligne de mire une demande appelée à croître. Bien que les enjeux de biodiversité ne soient pas toujours considérés à leur juste mesure. « On le voit avec la crise des agriculteurs. Pour beaucoup, les normes liées à la biodiversité sont perçues comme contraignantes. Pour des gens qui veulent se développer, ceux qui défendent la biodiversité passent pour des emmerdeurs. Certains acteurs commencent à être attentifs mais ce sujet n'est pas encore au centre des préoccupations. Peut-être faudra-t-il attendre d'avoir des millions de morts pour que cela soit le cas. C'est malheureux ».

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