« Les politiques de préservation de la biodiversité ont une efficacité significative » (Pierre Boissery, Agence de l'eau)

A la fois puits d'absorption de carbone et havre de biodiversité, le monde marin impacte directement notre vie sur terre. Il est aussi au cœur des problématiques environnementales. Réchauffement climatique d'une part, avec une hausse des températures particulièrement marquée en Méditerranée. Et érosion de la biodiversité d'autre part, du fait de ce réchauffement mais aussi, beaucoup, à la pression exercée par l'Homme sur les écosystèmes. Mais bonne nouvelle : lorsqu'on parvient à restreindre cette pression, les résultats sont significatifs. Et la mer reprend ses droits.
(Crédits : Albert kok)

La lutte contre le réchauffement climatique peut être frustrante. Difficile de savoir si nos actions porteront leurs fruits. Il faut ainsi attendre des décennies pour qu'une baisse des émissions de gaz à effet de serre ait un impact palpable sur la température mondiale. A l'inverse, en matière de biodiversité, les gratifications sont plus communes. Le vivant déteste le vide et reprend volontiers ses droits si tant est qu'on le laisse tranquille. Cela vaut pour la terre tout autant que pour la mer.

« Les politiques de préservation de la biodiversité en mer ont une efficacité significative », affirme Pierre Boissery, expert de la mer au sein de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse. Et de prendre l'exemple de l'herbier de Posidonie.

L'exemple de la Posidonie

Dénommé de la sorte en référence au dieu grec de la mer Poséïdon, l'herbier de Posidonie est une plante à fleurs sous-marine propre à la mer Méditerranée. Capable d'absorber plus de 10 % des émissions de CO2, il est un lieu privilégié de ponte pour la faune marine et héberge près d'un quart des espèces vivantes de la Méditerranée. Et les pouvoirs de l'herbier de Posidonie ne s'arrêtent pas là puisqu'il permet aussi d'estomper la puissance des vagues, et protège les plages de l'érosion.

Longtemps ignoré, ce « dieu de la mer » a été fortement dégradé par les activité humaines, et en particulier par le mouillage des bateaux. Mais en 1989, l'herbier de Posidonie bénéficie d'une première législation visant à la protéger. Une démarche amplifiée ensuite en 2021. De sorte que « la réglementation a réussi à maîtriser la pression exercée sur l'herbier de Posidonie », constate Pierre Boissery. Ainsi, son état de santé est stable depuis 2018, avec 11 % de surfaces détruites contre 76 % qui demeurent en bonne santé sur la façade littorale. Et la réglementation de 2021 semble effectivement porter ses fruits puisque l'Agence de l'eau constate une baisse de 70 % des mouillages sur l'herbier de Posidonie au cours de l'été 2021.

Une autre preuve de la résilience de la nature - et de la nécessité de réduire les pressions humaines sur les écosystèmes - est apportée par les poissons. « Pendant l'épidémie de covid-19, nous avons constaté le retour de 30 % de poissons supplémentaires. Cela nous indique à la fois que les poissons sont bien là. Mais aussi que l'activité humaine a un impact fort sur les milieux ».

Des pollutions résorbées

Sur le sujet des pollutions aussi, l'action peut générer des résultats rapides. Les politiques d'assainissement de l'eau des dernières décennies ont ainsi fortement réduit la pollution des eaux de mer. De sorte que si le commandant Cousteau « comparait la Méditerranée à un cloaque où se retrouvaient toute une série d'effluents pas ou peu traités », comme le directeur général de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse rappelle Laurent Roy, on observe que « 90 % des masses d'eau sont en bon état chimique ».

Les politiques publiques montrent par ailleurs des résultats en matière de pollutions par le plastique. « La densité de plastique sur les côtes a chuté de 86 % entre 2012 et 2021 ». Des observations qui concernent un territoire assez large, recouvrant le littoral de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et celui de la Corse. Un chiffre qui résulte certainement des politiques de réduction du plastique à la source. Néanmoins, le plastique déposé auparavant n'a évidemment pas disparu. Il s'est certainement dégradé, ou a été ingéré par des espèces marines. « Nous n'avons pas vraiment d'explication ». Et les efforts en la matière doivent être poursuivis car ce résultat -plutôt encourageant- ne doit pas cacher le fait que du plastique continue d'être déversé en mer.

Maîtriser les pressions humaines pour aider à la mer à résister au changement climatique

« Il faut une maîtrise de plus en plus importante des pressions humaines », pense Pierre Boissery, « Cela a fonctionné pour la qualité de l'eau. Cela fonctionne pour la biodiversité. Il faut les poursuivre et les amplifier. Il n'y a pas de raisons qu'en maîtrisant les usages, les habitats côtiers ne se portent pas mieux ».

Des efforts essentiels pour faire face au réchauffement climatique, particulièrement marqué en Méditerranée puisque le MedEcc -réseau de plus de 600 experts et scientifiques issus de pays méditerranéens- prévoit une hausse de 2,2°C des températures moyennes sur le bassin méditerranéen.

« Nous avons déjà des éléments d'information qui nous montrent que le réchauffement climatique contribue à la mort de gorgones et d'éponges. Il peut aussi activer des virus et des bactéries qui posent des interrogations sur la vie marine et sur les usages humains », explique Kristell Astier-Cohu, directrice du Département de la connaissance et de la planification de l'Agence de l'eau. Pour y faire face, les écosystèmes devront être résilients. Or, « la pression anthropique porte des conséquences sur les milieux et les rendent plus sensibles face aux effets du réchauffement climatique ». C'est par exemple le cas du coralligène, ces récifs haut-en-couleur qui font partie des habitats à plus forte valeur écologique de la Méditerranée, et dont 56 % des surfaces sont altérées à cause d'activité récréatives comme la plongée sportive, la pêche et les ancres de bateaux.

L'Agence de l'eau prend le large

Biodiversité, climat... Les enjeux sont transverses. Et les réponses doivent l'être tout autant. C'est ce qui a motivé l'Agence de l'eau à se pencher sur les enjeux marins dès les années 1990, avant de voir ses prérogatives s'étendre en la matière.

« Désormais, nous consacrons chaque année 100 millions d'euros d'aides dans le domaine de la mer », assure Laurent Roy. Des aides visant à soutenir des projets très variés, allant de l'installation de nurseries artificielles dans les ports à la restauration d'écosystèmes, en passant par des études concernant les zones de mouillages de navires ...

Et si l'Agence ne pouvait agir jusqu'alors que dans un périmètre de 2 kilomètres depuis les côtes, elle pourra désormais le faire jusqu'à 400 kilomètres. Une ouverture vers le large nécessaire pour l'Agence qui vient d'être mandatée afin de gérer les nouveaux fonds « Biodiversité éolien en mer ». Des fonds qui seront alimentés par les porteurs de projets d'éolien en mer, et que l'Agence versera aux actions qui lui paraîtront les plus pertinentes, qu'il s'agisse d'acquérir de la connaissance ou de préserver la biodiversité.

Enfin, en plus du large, d'autres sujets devraient occuper l'Agence. Parmi eux : les tout petits fonds côtiers qui jouent un rôle important dans la vie de certaines espèces. Ou encore les lagunes, lieux de connexion entre la terre et la mer. Autant de sujets qui devraient être au cœur de son 12e programme d'intervention, à l'œuvre de 2025 à 2030.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 30/06/2023 à 7:42
Signaler
La surpêche et le plastique tue nos océans et nous avons besoin d'énergie renouvelable et nous avons le second domaine maritime au monde et pourtant rien ne fait tilt dans la tête de notre classe dirigeante sortie pourtant de nos plus grandes grandes...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.