Spécialiste des biscuits anti-gaspillage, Ipsago cherche groupe alimentaire pour passer à l'échelle industrielle

Alors qu'un tiers de la production agricole est gaspillée dans le monde, cette startup originaire d'Aix-en-Provence conçoit des biscuits à partir de coproduits alimentaires qu'elle transforme en poudres en tous genres, aux vertus tant gustatives que nutritives. Après une année de preuve de concept, l'entreprise veut franchir un nouveau cap et est pour cela à la recherche d'un groupe alimentaire auquel s'adosser.
(Crédits : DR)

Dans le monde, on estime que 23 tonnes de fruits, légumes et tubercules finissent à la poubelle chaque seconde. 1,3 milliard de tonnes d'aliments par an au total. Soit un tiers de la production agricole qui est perdue.

Des chiffres colossaux dont l'évocation amène souvent à penser aux efforts à mener à titre personnel ou dans la grande distribution. À raison, puisque la consommation finale (qu'elle ait lieu à domicile ou dans la restauration) pèse 33 % du gaspillage et la distribution 14 %. Mais le volet de la production offre aussi un levier d'action considérable puisqu'un tiers des denrées sont perdues à ce stade ; de même que la transformation qui représente 21% des pertes selon l'Ademe. Et c'est précisément là que se positionne l'entreprise Ipsago créée en 2022.

« Je suis né dans une famille d'herboristes, entre Éguilles et Forcalquier », raconte son fondateur Thibault Venezia. Il en garde une certaine sensibilité pour la nature. De même que le souvenir du séchage au soleil de fleurs avant que celles-ci soient vendues sur le marché de Forcalquier. Souvenirs qui lui reviendront à l'esprit bien des années plus tard, au moment de l'épidémie de covid-19.

Drêches, tourteaux, fruits et légumes

Thibault Venezia travaille alors dans l'informatique, pour une société de télémédecine qui officie en Ehpads. « Avec le confinement, tout a fermé ». L'heure est à la remise en question. Avec l'envie d'avoir de l'impact sur la réduction du gaspillage alimentaire. « En 2020, j'ai commencé à faire le tour des primeurs. Je récupérais des paniers d'invendus pour faire des tests de fabrication de poudres » ; manière de conserver dans la durée de denrées initialement périssables. S'ensuit un stage dans une conserverie anti-gaspillage, dans le Maine-et-Loire. « Je suis revenu avec plein d'idées en tête ». Celle de fabriquer des poudres à partir de denrées maraîchères invendues se confirme. Mais l'entrepreneur va plus loin encore.

« J'ai découvert qu'on peut aussi sécher des drêches de brasserie par exemple ». Les drêches étant « ce qu'il reste du brassage une fois qu'on a extrait tous les glucides des céréales maltées. J'ai donc développé une technologie pour sécher, centrifuger et presser ces céréales afin d'en obtenir quelque chose de sec. Une sorte de super farine riche en fibres et en protéines que l'on peut intégrer dans des recettes de biscuits avec des farines de fruits, de légumes, et un peu de farine de blé ancien ou d'épeautre », nécessaire pour avoir une pâte suffisamment manipulable. Et au-delà des ses vertus nutritives, cette farine de drêche confère aux biscuits « un goût de céréales torréfiées, avec des notes de cacao, de caramel... »

Thibault Venezia découvre aussi le potentiel des tourteaux, ces résidus issus de la fabrication d'huiles d'amandes, de noix, de noisettes... Et il choisit là encore d'en faire des farines. « Puis j'ai été sollicité pour récupérer d'autres produits comme des restants de chocolat, de la noix de coco utilisée pour parfumer des bières, du gingembre... ».

Si les sollicitations affluent ainsi, c'est parce que la gestion de ces coproduits est une gageure pour les producteurs. « Un brasseur de taille moyenne génère environ 2 tonnes de drêche par semaine. Cela représente un coût de gestion énorme ». Coût dont le soulage en partie Ipsago qui souhaiterait à terme pouvoir acheter ces drêches qui lui sont pour l'heure offertes.

Elle parvient par ailleurs à acheter certaines matières. « Nous travaillons par exemple avec Maison Ferroni [fabricant local de spiritueux, ndlr] qui nous fournit les clémentines de Corse dont elle a extrait les zestes pour une de ses vodkas. Dans ce partenariat, nous supportons une partie de l'achat des clémentines ».

Trois gammes, en sucré et salé

Les matières récupérées doivent être disponibles en volumes suffisants. Elles doivent aussi être issues de l'agriculture biologique. Essentiel alors que les pesticides chimiques utilisés en agriculture conventionnelle se concentrent souvent dans les parties externes des produits, parties que récupère justement l'entreprise. Par ailleurs, le bio est pour Ipsago un moyen de garantir des propriétés nutritives supérieures. « La peau d'une pomme bio est plus riche car elle a dû se créer ses propres défenses contre les agressions extérieures ».

À partir de ces diverses poudres qu'elle peut combiner à sa guise, l'entreprise a conçu trois gammes de produits : les biscuits salés Cracomalt pour l'apéritif, les cookies Brewkies pour le goûter, ainsi que les Origin'o, des « pétales de fruits séchés » réalisés avec quasiment 100 % de coproduits contre environ 70 à 80 % pour les autres.

Si la fabrication relevait au départ d'Ipsago elle-même lors de sa phase de test, elle est désormais de plus en plus déléguée à des sous-traitants, afin que l'entreprise se concentre sur son cœur de métier qu'est la recherche de coproduits et l'élaboration de procédés et de recettes pour les valoriser.

Mettre les bouchées doubles

Commercialisés depuis 2022, les produits ont trouvé place dans une centaine de points de vente : magasins bio, épiceries fines, brasseries... Essentiellement dans le sud de la France. « L'accueil a été très bon. Nos clients apprécient le côté différenciant de notre offre ». Car si les biscuits anti-gaspillage ne sont pas totalement une nouveauté, ceux d'Ipsago se distinguent par la diversité des coproduits utilisés et par l'utilisation de farines, plus faciles à incorporer aux recettes et à gérer d'un point de vue logistique.

Côté prix, « on est équivalents à des produits du même type ». Car si les coûts d'achat des matières premières sont moindres, l'investissement demeure lourd, tant sur la mise en place de nouveaux procédés que sur la logistique et la gestion des aspects réglementaires liés au fait d'utiliser des produits non initialement destinés à être consommés.

Deux ans après sa mise en route, Ipsago aimerait désormais franchir un nouveau cap, passant d'une centaine à 500 magasins distributeurs, non plus seulement dans le sud mais dans toute la France.

Pour y parvenir, la startup aimerait s'associer à plus gros qu'elle. « Notre ambition est de nous rapprocher d'un groupe alimentaire bio pour nous améliorer sur les aspects logistiques et commerciaux, mais aussi pour investir en recherche et développement et faire des économies d'échelle en produisant de plus gros volumes ». Des pistes sont à l'étude, l'entreprise espère obtenir de nouvelles propositions dans les prochains mois afin d'avoir « l'embarras du choix ». Avec ce partenariat, elle aimerait pouvoir doubler ses effectifs sous deux ans, passant ainsi de cinq à une dizaine de salariés. Avec l'ambition de « démocratiser le réemploi de toutes ces ressources trop peu voire pas exploitées ».

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