Le Foodcub mitonne les futures pépites de la restauration (avec une recette pour durer)

Porté par plusieurs structures économiques et sociales à Marseille, cet incubateur culinaire a vocation à faire émerger des entreprises solides dans le secteur de la restauration, un secteur où seules deux entreprises sur dix dépassent le seuil des cinq années d’existence. Sa force : une approche complète qui intègre formation intensive et mise à l’essai en grandeur réelle.
(Crédits : DR)

Il est quatorze heures. Les Docks Village, centre commercial tout en longueur du quartier de la Joliette à Marseille, se vide peu à peu de sa clientèle méridionale. Tout au bout de ce long dédale de boutiques, une grande salle à manger qui fait face à une palette de petits stands de vente à emporter.

On y trouve des kebabs haut-de-gamme. De la cuisine du monde. Des focaccias. Ou encore des plats consignés en bocaux... L'offre est variée. Dégageant un bouquet d'odeurs chaudes et épicées qui laisse peu à peu place aux notes fraîches de produits ménagers. Tandis qu'au brouhaha, se substitue le bruit de la vaisselle propre et encore chaude qui s'entrechoque.

C'est ici que bat le cœur du Foodcub, un incubateur culinaire mitonné par des partenaires qui n'ont a priori pas l'habitude de s'associer : les Docks Village bien sûr, à travers leur gestionnaire Constructa et leur bailleur Amundi immobilier. Les Apprentis d'Auteuil. Le Carburateur - pôle entrepreneurial situé dans le 15e arrondissement de la ville. Ainsi que l'École hôtelière de Provence.

80 % des restaurants ferment avant leur cinquième année

Tous partagent un constat : celui qu'entreprendre dans le secteur de la restauration est un pari risqué. « 80 % des restaurants ferment avant leur cinquième année », assure Cindy Chagouri, directrice des Docks Village. Parce qu'ils ne maîtrisent pas toujours les compétences propres à la gestion d'entreprise. Parce qu'ils peinent à recruter. Ou ne parviennent pas à s'emparer des outils numériques de promotion de leur activité, devenus un levier de survie au moment de l'épidémie de covid-19.

« Au Carburateur, nous voyons souvent des porteurs de projets qui se lancent car ils savent cuisiner et sont créatifs. Mais ils oublient qu'il faut aussi savoir gérer les finances, la communication... Il existe un manque de formation en la matière », observe Lisa Andreotti, qui pilote le Foodcub au nom du Carburateur.

Alors les partenaires du projet tentent de construire la recette d'un démarrage plus sécurisant pour ces entrepreneurs. C'est ainsi que naît le Foodcub, concocté à partir de plusieurs ingrédients.

Le premier est une formation intensive de 300 heures sur deux mois, où tous les aspects de la gestion d'une activité de restauration sont abordés : de l'approvisionnement à la distribution, en passant par l'expérience client, la vitrine digitale ou la comptabilité.

S'ensuit, pour certains d'entre eux, une mise en situation de 10 mois au sein des Docks Village, sous le mentorat d'un chef local. « Nous leur proposons un stand dans un emplacement intéressant, en échange de frais de participation modérés », assure Cindy Chagouri. Une manière « d'amortir le choc de l'entrée au quotidien dans la vie de restaurateur ».

Formation et mise à l'essai de dix mois

Lors de la première promotion, une vingtaine de personnes, demandeuses d'emploi, ont bénéficié de la formation de deux mois - formation qui sera, dès la rentrée prochaine, financée par Pôle Emploi. Sept se sont vus mettre un stand à disposition, sélectionnés au terme d'un concours culinaire mêlant jury professionnel et grand public. « Cela permet de les évaluer non seulement sur leur cuisine mais aussi sur les prix, les emballages, l'histoire qu'ils racontent ... ».

Une façon de promouvoir à la fois des personnes issues de la cuisine et des entrepreneurs issus d'autres domaines, qui auront à aiguiser leurs compétences culinaires mais pourraient apporter des idées de concepts innovants.

C'est par exemple le cas de Bab Klub, un projet porté par deux anciens de Voyage Privé. « Nous proposons des kebabs gourmets », assure l'un des fondateurs. « Nous faisons cuire à la broche des hauts de cuisse de poulet français marinés 24 heures dans un mélange d'épices. Notre pain est artisanal. Les frites et la harissa sont faites maison ».

Pour eux, le Foodcub a été « une opportunité folle de tester notre concept. C'est beaucoup plus simple que d'acheter un local. On attaque le projet avec plus de sérénité ». Si bien qu'ils sont déjà parvenus à recruter deux salariés pour les épauler.

Dans une autre allée, se dresse le stand de Goûts du monde, un concept mêlant insertion et cuisines de plusieurs pays. « Tous les mois, un chef en insertion propose la cuisine de son pays d'origine. Ce mois-ci, c'est un chef vietnamien. Le mois prochain, ce sera le Pérou », explique Yanis, le créateur de l'entreprise. Ces chefs en parcours d'insertion professionnel, il les trouve grâce aux acteurs de l'emploi et de l'insertion : Pôle Emploi, missions locales, Apprentis d'Auteuil. Et parfois grâce au bouche-à-oreille. « Ensuite, j'aide ces chefs à monter leur propre concept ». Jouant ainsi le rôle d'incubateur dans l'incubateur. « Être ici a été un accélérateur. J'ai gagné du temps, de la visibilité ». Son objectif est désormais de dupliquer le modèle ailleurs. « J'aimerais bien avoir deux ou trois autres stands comme celui-ci. Et pourquoi pas un foodtruck ».

15 entreprises créées

En un an, le Foodcub a accompagné la création et/ou le développement de quinze entreprises qui ont réalisé un chiffre d'affaires global de 300.000 euros. Et au-delà de l'activité générée pour les porteurs de projets, « deux emplois ont été créés en dehors des dirigeants ». Un chiffre qui pourrait croître une fois que les entreprises voleront de leurs propres ailes.

Pour la prochaine promotion, une trentaine de candidatures ont été reçues. Sept à neuf porteurs devraient disposer d'un stand aux Docks Village. « Et nous travaillons en parallèle sur d'autres possibilités dans d'autres lieux, pour des projets de dark kitchen », ces cuisines dédiées entièrement à la livraison.

Autre piste de travail : le recours accru à l'apprentissage au sein des cuisines. Pour que la démarche profite au plus grand nombre. Et pour prévenir les pénuries de recrutement des futures brigades.

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