Difficile de se figurer qu'un Français produit en moyenne 580 kg de déchets par an... jusqu'à ce qu'une grève des poubelles nous rappelle, pollution olfactive et visuelle à l'appui, à quelle vitesse se remplissent (et débordent) des poubelles non ramassées.

Nous produisons trop de déchets, qui finissent pour beaucoup dans nos mers et océans. Choqués par de telles images, sensibilisés par des associations ou des collectivités locales, de plus en plus de citoyens essaient de faire évoluer leurs routines quotidiennes pour réduire à leur échelle cette production de déchets. Avec comme horizon un idéal : celui d'une vie zéro-déchet, un terme largement à l'honneur dans certains rayons de librairies.

Mais atteindre cet idéal prend du temps, demande des efforts et peut même, à première vue, s'apparenter à une montagne à gravir. Par où commencer ? Certains préfèrent commencer fort en s'approvisionnant le plus possible dans des magasins vrac par exemple. D'autres préfèrent démarrer en douceur, en substituant d'abord à leur flacon de shampooing en plastique une version solide,  puis en se lançant pourquoi pas dans la confection de lessive maison. Avec chacun sa vitesse de cheminement.

Un catalogue de 22 références

A Marseille, l'entreprise Anotherway a choisi de tendre la main à ces personnes. Soit en leur montrant un sentier qui leur permettra de faire leurs premiers pas dans la voie du zéro déchet. Soit en les aidant à accélérer en démultipliant leurs pratiques de réduction des déchets.

Tablettes lave-vaisselle solides. Essuie-tout lavable. Shampooing, gel douche et déodorants solides. Lessive à diluer... De l'entretien à la maison en passant par l'hygiène, Anotherway s'est positionnée à toutes les entrées de l'univers du zéro déchet grâce à son catalogue de vingt-deux produits, fabriqués en France voire à Marseille. Des produits qui ont un ADN commun : « ils sont faits à partir de matières naturelles et sont faciles d'utilisation », résume Samuel Olichon, fondateur et dirigeant de l'entreprise. « L'être humain est par nature un peu feignant et a besoin de praticité », pense-t-il. La PME tient également à proposer des produits qui soient « jolis », afin que le consommateur soit « attiré » par eux.

BeeWrap : une solution d'autrefois pour aller de l'avant

L'univers d'Anotherway naît en 2018. Samuel Olichon est issu du monde de l'informatique et a depuis quelques temps envie d'entreprendre dans le domaine du zéro déchet. « J'avais monté MyMarius, une entreprise qui proposait un service de distribution et de nettoyage de couches lavables en partenariat avec un Esat ». Mais le concept est très complexe à mettre en place. Il lâche l'affaire. «Je cherchais un autre projet et ma sœur m'a parlé d'un produit qui fonctionnait pas mal en Australie où elle se trouvait ». Un système d'emballage réutilisable qui remplace le papier cellophane qu'on ne sait pas recycler. « C'était en fait un produit de nos arrières grands-parents qui consistait à imbiber des torchons de cire pour mieux conserver les aliments. J'ai trouvé ça génial ».

Il reprend l'idée et la sème sur le territoire français. C'est ainsi que sort de terre BeeWrap, le tout premier produit de l'entreprise. Il s'agit en fait de morceaux de tissus en coton bio, imbibés de cire d'abeille à laquelle sont ajoutées de l'huile de tournesol pour la souplesse et de la résine de pin pour une meilleure adhérence.

D'abord effectuée en Asie, la production est rapidement rapatriée en France, dans un Esat marseillais. La machine qui permet l'enduction du textile est bricolée maison. « Il n'existait pas sur le marché de machine qui permette cette enduction à partir d'une préparation chaude ».

D'abord lancé sur internet, le produit rencontre immédiatement un fort succès. « 700 000 ventes en moins de trois semaines », se remémore l'entrepreneur. « Soit plus de 50 000 euros de chiffre d'affaire réalisé très rapidement ». S'ensuit un lancement auprès de revendeurs, en premier lieu desquels des magasins bio et des jardineries. Et là aussi, « cela a vite pris ». Car de l'avis de Samuel Olichon, le lancement est effectué au meilleur moment possible. « Il y avait une vraie attente d'alternatives au plastique à usage unique. Notre solution était simple, jolie et attirait les gens. Nous avons donc pu nous développer rapidement ».

Dilution gagnante

De sorte que dès 2020, Anotherway étoffe son offre de produits, avec un concept fort qu'elle met en avant dans sa stratégie : la dilution. Cela concerne d'abord sa lessive en poudre, avec une promesse : celle d'alléger non seulement la production de déchets mais aussi le budget. « Avec 250g de notre lessive en poudre [une lessive composée de savon de Marseille, de bicarbonate de soude et de cristaux de soude, ndlr], on peut faire 60 lavages. Cela coûte 3 euros le litre, c'est moins cher qu'une lessive traditionnelle ». Un argument d'autant plus pertinent dans un contexte d'inflation.

Et la dilution a un autre atout important pour Anotherway, elle permet de « ne pas révolutionner les usages », et donc de faciliter le passage à l'action en faveur d'une réduction des déchets. « Nous avons par exemple développé un shampooing qui s'obtient en diluant des pastilles dans un flacon d'eau ». Une façon de faire basculer des consommateurs soucieux de réduire leurs déchets mais peu satisfaits des shampooings solides proposés sur le marché qui n'offrent pas les mêmes sensations. « Cette technique de dilution est clef pour nous, d'autant qu'elle n'est pas encore très connue ». D'autre produits de ce type sont prévus d'ici la fin d'année, tels que du liquide vaisselle ou du dentifrice.

Des engagements certifiés

Dépendant à 85 % de revendeurs dont 55 % de magasins bio, l'entreprise a ressenti l'impact de la crise que ces derniers subissent depuis 2021. Ce qui ne l'empêche pas de continuer de gagner des parts de marché. Elle prévoit par ailleurs de s'ouvrir à d'autres types de distributeurs et à renforcer sa présence dans les jardineries et magasins de type Nature et découvertes où la fréquentation reste bonne.

Face à la PME de 13 salariés et dont le chiffre d'affaire s'élevait à 1 millions d'euros en 2022, les acteurs du zéro déchet sont nombreux, même si l'offre tend à se tasser du fait de l'inflation. « Nos concurrents sont surtout de petites structures qui se positionnent sur du 100% digital. Les gros mastodontes n'y vont pas. Ce sont des paquebots. Ils sont moins agiles. L'écoconception n'est pas leur métier ».

Et face à des consommateurs très soucieux de l'impact de leurs achats, Anotherway peut se targuer de plusieurs titres et certifications qui valident ses engagements sociaux et environnementaux. Entreprise à mission depuis 2021, elle obtient en 2022 l'exigeant label B-Corp octroyé à des entreprises répondant à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public. « Cela nous oblige à rendre régulièrement des comptes et à identifier de nouvelles actions à mener ».

Un engagement qui séduit les clients, mais aussi les salariés. « Les gens, et en particulier les moins de 40 ans, ont besoin de trouver du sens dans leur travail. Notre engagement nous aide à trouver les pépites qui nous permettent de grandir ». Deux recrutements sont d'ailleurs prévus cette année pour poursuivre l'aventure. Et donner à toujours plus de consommateurs l'envie de réduire le poids de leurs sacs de courses et de leurs poubelles. Plutôt pratique quand on a une montagne à gravir.