France 2030 et l’effet décentralisation territoriale

Deux ans après son lancement par Emmanuel Macron et doté d’une enveloppe de 54 milliards d’euros pour 5 ans, France 2030 irrigue aussi sa dynamique dans les territoires. Une forme de décentralisation qui sert le fondement même de ce grand plan d’investissement dont l’objectif est de développer la compétitivité industrielle et les innovations de rupture. Une ambition qui ne peut se réaliser sans les territoires, insiste celui qui co-pilote pour CCI France l’identification et l’accompagnement des TPE/PME. Et l’enjeu va au-delà, il doit aussi, dit-il, servir sur le terrain la concrétisation des élans insufflés par l’Etat, ce qui signifie notamment lever les freins administratifs.
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L'ambition est à la hauteur des objectifs donnés : redessiner la compétitivité industrielle française, développer les technologies d'avenir et donc favoriser l'émergence des innovations de rupture. Avec sa super enveloppe dotée de 54 milliards d'euros pour 5 ans, France 2030 - qui suit ce qui a été initié par France Relance - vise à redonner à l'Hexagone une souveraineté forte. En deux ans, selon le point d'étape fait par le gouvernement, 21 milliards d'euros sont déjà engagés, correspondant à 40.000 emplois directs, créés ou maintenus.

Mais la reconquête industrielle et technologique de la France ne peut se passer des territoires, là où foisonnent les entreprises innovantes, des TPE et PME compétitives, engagées, souvent partenaires de rang 1 ou de rang 2 des ETI et grands groupes. Autrement dit, difficile de segmenter qui peut prétendre à France 2030 tant le tissu économique est une véritable chaîne à plusieurs maillons interdépendants.

Mettre les TPE et PME dans le scope de la labellisation

Ces sujets-là, Daniel Margot les connaît parfaitement. Président de la CCI des Alpes de Haute-Provence dans le Sud, premier vice-président de la CCI Provence Alpes Côte d'Azur, il est aussi le co-pilote du totem « France 2030 » pour CCI France. Les chambres de commerce et d'industrie, qui s'inscrivent de fait dans le dispositif d'identification des pépites - toutes tailles confondues - susceptibles de prétendre à une labellisation France 2030, font partie de la dream team dont la Région est leader, chargée dans les territoires de rendre France 2030 visible et lisible pour les TPE PME. Un engagement des CCI signifié d'ailleurs par une convention passée avec les SGAR (secrétariat général pour les affaires régionales, NDLR).

« Notre rôle est d'identifier les entreprises éligibles, celles qui peuvent prétendre au financement de France 2030 et de ne pas les lâcher ensuite, lorsqu'arrive l'étape du dossier à remplir, sachant que les appels à projet sont souvent pointus. Pour cela, nous avons formé des collaborateurs au process France 2030, 250 au niveau national dont dix dans le Sud », détaille Daniel Margot.

En Provence Alpes Côte d'Azur, plus de 1.000 entreprises ont été visitées permettant la pré-identification de 500 d'entre elles pour qu'au final, 69 aient été retenues. « Toutes ne sont pas labellisables », précise Daniel Margot et pour l'heure 34 entreprises sont dans les clous de la labellisation. Daniel Margot qui rappelle le nécessaire travail d'équipe avec les autres acteurs économiques, dont les pôles de compétitivité - plus précisément celui destiné aux énergies, Capénergies et celui dédié à la naturalité, l'agro-alimentaire et la cosmétique Innov'Alliance - afin d'améliorer encore et de peaufiner les dossiers rendus. « Si les CCI constituent le premier kilomètre, les pôles de compétitivité constituent le dernier kilomètre ».

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Car avec un tissu économique composé à 90% de TPE PME, c'est la main du dirigeant qu'il ne faut pas lâcher en cours de route. « La majorité des petites et moyennes entreprises disposent d'un effectif de moins de 5 salariés. Ce chef d'entreprise n'a pas le temps pour remplir des appels à projets », note encore le co-pilote CCI France.Et si le sujet de l'accompagnement est central, c'est que France 2030 s'est rajouté des ambitions. « L'Etat nous a demandé d'ajouter 200 entreprises supplémentaires aux objectifs initiaux », indique Daniel Margot, ce qui signifie, pour le Sud, 20 entreprises nouvelles. « France 2030 ne s'est pas arrêté au 31 janvier ». Le message est clair.

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France 2030, mais pas que...

Si France 2030 constitue une sorte de Graal, il n'est pas non plus l'alpha et l'oméga de la réindustrialisation de la France. Un point sur lequel Daniel Margot insiste, rappelant qu'en matière de réindustrialisation précisément, Territoires d'industrie 2 a également un rôle primordial à jouer, précisément parce qu'il valorise la plus-value de chaque territoire et qu'il permet d'apporter un accompagnement aussi bien en financement qu'en ingénierie.

« Nous devons travailler tous ensemble, avec l'Etat et la Région dont le bras armé est risingSUD (l'agence de développement économique et d'attractivité, NDLR). Nous devons être en proximité avec le territoire ».

risingSUD qui dispose de dispositifs d'accompagnement ciblés, dont certains sont tournés vers l'industrie décarbonée ou encore la croissance, contribuant donc aussi à faire grandir des entreprises prometteuses.

Pour le co-pilote CCI France et vice-président de la CCI régionale, l'enjeu ne se situe pas moins au niveau des filières qu'il s'agit parfois de renforcer. « Nous devons travailler sur les filières existantes, certes, mais aussi sur les filières émergentes ».

Le mentorat pour renforcer le lien ETI-PME

Mais France 2030 peut avoir aussi des vertus connexes. Notamment dans le lien grands groupes/PME. « Les ETI n'auront probablement pas de difficultés à être labelisées. Nous aimons que celles qui le seront accompagnent les TPE qui figurent dans leur écosystème de sous-traitance à être labellisables. C'est donner à ces petites entreprises encore plus de chance de l'être. Cette sorte de mentorat doit servir le recours aux compétences, les ETI pouvant aider les TPE dans leur phase de recrutement », détaille Daniel Margot.

Et puis, d'un point de vue plus large encore, l'un des effets possibles serait de donner une autre forme au dialogue entre les entreprises et l'Etat. « France 2030 peut être une façon de détricoter la difficulté des entreprises à discuter avec l'Etat. Parfois, entre ce qui est annoncé par le gouvernement et la réalité, le chef d'entreprise peut se trouver confronté à des méandres administratifs ».

A côté des ambitions de réindustrialisation, de souveraineté technologique et d'encouragement à l'innovation, redonner une autre forme au rapport entre le monde économique et l'Etat serait la savoureuse cerise sur le gâteau. Où on en revient à une certaine demande de simplification...

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Commentaires 3
à écrit le 01/02/2024 à 15:40
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Rien de mieux que de diviser pour mieux régner, il en va des populations comme des Etats !

à écrit le 31/01/2024 à 18:54
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Quand on veut affaiblir une nation, on la décentralise suivant les désidératas d'un centralisateur qui n'est autre qu'une coalition Bruxelloise !

le 31/01/2024 à 19:09
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C'est exactement le contraire. Les nations les plus centralisés sont les plus inefficaces, sclérotisés, ingouvernables et impuissantes (voir la France par rapport à l'Allemagne).

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