“Au moins la moitié des financements du plan France 2030 a vocation à soutenir les acteurs émergents” (Lise Alter – Agence de l’Innovation en Santé)

Rattachée au Secrétariat Général pour l’Investissement, sous l’autorité de la Première Ministre, l’Agence de l’Innovation en Santé (AIS) a été créée fin 2022 pour favoriser et suivre le pilotage des actions et crédits du volet santé du plan France 2030. Soit, une enveloppe de 7,5 milliards d’euros qui vise à permettre le développement d’innovations de façon optimale et à leur assurer un accès aux patients et professionnels. Entretien avec sa directrice qui a achevé le 30 mars, à Sophia Antipolis, la première étape de son tour de France consacrée à la région Sud.
(Crédits : DR)

La Tribune - A quels grands enjeux répondent l'Agence de l'Innovation en Santé et l'enveloppe de 7,5 milliards d'euros qui y est associée ?

Lise Alter - Le plan santé est orienté autour de trois grandes stratégies qui représentent autant d'enjeux pour la France en matière d'innovation en santé. Les biomédicaments, notamment les médicaments de thérapies innovantes, et la bioproduction d'abord, dotés d'une enveloppe de 800 millions d'euros. Les maladies infectieuses ensuite, et les menaces NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique), pour 753 millions d'euros. L'objectif étant ici de préparer le système de santé à faire face aux crises et pathogènes possiblement émergents. Et le numérique en santé, une stratégie qui a déjà beaucoup avancé depuis le lancement de France 2030 en 2021 et qui bénéficie d'un budget de 718 millions d'euros. Enfin, un plan secondaire sur les dispositifs médicaux innovants est également lancé afin de travailler sur les enjeux liés à la robotique, au bloc opératoire de demain, aux prothèses et implants. Le montant des crédits associés est en cours d'arbitrage.

Est-ce suffisant au regard des ambitions présentées par le gouvernement, dont la finalité est de redonner à la France sa position de leadership en matière d'innovation en santé ?

C'est déjà énorme. Des investissements majeurs sont mis en œuvre dans le cadre de France 2030. Ceci-dit, il faut avoir en tête que dans le domaine de la santé, les enjeux ne sont pas seulement financiers. C'est pour cela que l'AIS a été créée, pour lever tous les freins qui aujourd'hui entravent les porteurs de projets. D'ailleurs, les discussions que j'ai pu avoir à Marseille et à Nice le montrent. Dans la grande majorité des cas, les difficultés et besoins remontés par les entreprises et petites entreprises innovantes en santé concernent les freins réglementaires et administratifs qu'il s'agit de lever pour gagner du temps, avoir de la visibilité, de la prévisibilité, et in fine se développer.

Comment comptez-vous procéder pour lever ces freins ?

L'agence est organisée en trois pôles. Le premier est dédié à la prospective et à la veille en santé. Il a une double mission, celle d'anticiper l'arrivée des innovations pour préparer au mieux leur intégration dans le système de santé, et par effet miroir, celle d'identifier les besoins médicaux non ou insuffisamment couverts pour les décliner en priorité de recherche. L'idée étant de structurer une stratégie commune entre les ministères de la Santé et de la Prévention, de la Recherche et de l'Enseignement supérieur, et de l'Industrie.

Le deuxième pôle est consacré à l'accompagnement des porteurs de projets innovants prioritaires, une centaine par an, notamment en négociant avec les autorités de santé des process accélérés pour obtenir, dans le cadre d'essais cliniques par exemple, des autorisations plus rapidement. Il ne s'agit pas d'interférer dans leur évaluation, mais d'éviter aux startups particulièrement de perdre trop de temps sur la partie réglementaire. Il s'agit ensuite de travailler à une évolution du cadre réglementaire, juridique ou financier pour les projets dits hors cadre, c'est-à-dire ceux qui sont tellement disruptifs que le cadre actuel n'est pas adapté. Enfin, il y a un volet passage à l'échelle qui s'adresse aux projets déjà sur le marché, qui ont fait la preuve de leur bénéfice, mais qui doivent bénéficier de conditions favorables pour permettre leur déploiement dans le système de santé, voire à l'international.

Et le troisième pôle ?

C'est le pôle accélération-transformation. Lui aussi vise à identifier et lever les freins systémiques pour accompagner des projets innovants prioritaires. Des premiers travaux dans le domaine de la recherche clinique ont d'ailleurs été lancés, notamment sur les nouvelles méthodologies qui permettent de gagner du temps en matière de développement clinique, mais aussi sur la décentralisation et la digitalisation des essais afin d'inclure de plus en plus de patients. L'idée étant d'en faire des recommandations auprès des autorités de santé.

Comment les entreprises et porteurs de projets peuvent-ils candidater ?

Pour chaque grande stratégie, des appels à projets ou à manifestation d'intérêt sont lancés, opérés par Bpifrance ou l'Agence nationale pour la recherche (ANR) et consultables sur le site du gouvernement / France 2030. Pour bénéficier d'un accompagnement de l'agence, une démarche de référencement simplifiée en ligne a été mise en place sur le site innovation-santé.fr.

Y a-t-il dans ce plan Santé une place particulière pour les biotechs auprès desquels de plus en plus de grands groupes pharmaceutiques "sous-traitent" la recherche alors que celles-ci rencontrent des difficultés à capter les financements ?

Le plan France 2030 a vocation à consacrer au moins 50% de ses financements aux acteurs émergents, et porte un regard particulier et bienveillant sur les biotechs, notamment dans le cadre de la stratégie biomédicaments, afin d'assurer une complétude de la filière en matière de bioproduction. Nous savons bien qu'il faut des industriels, de gros industriels même, mais il faut aussi tous ceux qui interviennent en amont, tous ces maillons tels que la recherche, les plateformes de production de lots cliniques, les CRO (Contract Research Organization) et CDMO (Contract Development Manufacturing Organisations) qu'il convient de mieux connecter.

Après un passage à Marseille le 29 mars, vous achevez à Sophia Antipolis la première étape de votre tour de France. Quel regard portez-vous sur l'innovation dans le Sud ?

Je trouve qu'il y a un écosystème extrêmement dynamique, beaucoup de motivation et des entreprises innovantes assez impressionnantes dans de nombreux domaines, à l'image de ImCheck Therapeutics à Marseille, une biotech issue de la recherche française contre le cancer, aujourd'hui en pleine phase d'expansion. A Sophia Antipolis, le domaine de la biotechnologie est très actif et très inspirant. Cela montre bien l'élan, la créativité et l'engagement des entrepreneurs, cet aspect très foisonnant de l'innovation dans la région. D'où l'intérêt de garder le lien avec tous nos partenaires, nationaux et locaux, et de travailler de concert pour que ce caractère foisonnant puisse se traduire par de vraies innovations ayant accès à la fois aux soignants et aux patients.

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