Réindustrialisation dans le Sud  : l'Ademe s'intéresse à l'opportunité d'un écosystème industriel low-tech

Comment répondre aux enjeux de souveraineté industrielle en même temps qu'à ceux de la transition écologique et de sobriété ? C'est à cette question que l'innovation low-tech tente d'apporter des réponses, en proposant, comme le définit l'Ademe, « un modèle productif fondé sur une durabilité forte, une résilience collective et une transformation culturelle profonde ». Un principe qui pourrait être appliqué à des écosystèmes entiers, notamment en Provence-Alpes-Côté d'Azur, et plus particulièrement au sein de la métropole d'Aix-Marseille, comme l'explique l'Agence dans un récent rapport sur le sujet. Une transition dans laquelle les PME du territoire pourraient jouer un rôle crucial.
(Crédits : DR)

Le terme s'est évidemment construit en opposition à un autre : celui de high tech. Le concept de low tech - que l'on peut traduire par technologie douce - porte en effet une contestation. La technologie, d'accord. Mais pas à tout prix. Pas au détriment de l'emploi et des équilibres naturels. Seulement la juste dose pour répondre à des besoins jugés prioritaires.

Dans une « Etude sur l'opportunité du déploiement d'un écosystème low-tech en Provence-Alpes-Côte d'Azur » de septembre 2023, l'Ademe explique ainsi que le concept d'innovation low-tech « ne vise pas à remettre en question ni la formidable inventivité humaine, ni les moyens considérables de recherche et développement, publics et privés, dont nous disposons actuellement. Mais plutôt à repenser l'innovation, l'orienter vers l'économie de ressources, la préservation critique vis-à-vis du techno-solutionnisme, il peut l'être tout autant vis-à-vis de ceux qui rêvent d'un monde dans technologie ». Et de préciser que ce qui importe dans cette démarche, ce n'est pas tant le moyen mais le résultat. L'objet de la démarche devant être «fondamentalement utile, résilient, sobre, robuste et accessible ».

Une démarche qui se pense difficilement autrement qu'en écosystème, tant la coopération entre parties prenantes divers est essentielle à la mise en place de ce type de concept. Dès lors, l'Ademe définit un écosystème low-tech comme une « approche low tech de la réindustrialisation des territoires en se se focalisant sur l'appareil productif ». Approche qui vise « le renforcement de la souveraineté territoriale à travers la mobilisation de trois principes de l'économie circulaire ». À savoir : une mutualisation de moyens de production entre plusieurs entreprises, une modernisation des équipements au moyen de réemploi, du rétrofit ou du recyclage, et une maîtrise locale de la conception et de la fabrication.

Secteur des machines industrielles et PME comme portes d'entrée


Dans la mise en place de tels écosystèmes, l'Ademe estime que le secteur des machines industrielles - dont le renouvellement trop fréquent génère une consommation importante de ressources et d'énergie - « représente un point d'entrée stratégique pour la mobilisation de concepts et de pratiques issus de la démarche low-tech permettant de contribuer à la transition de l'industrie territoriale ».

Elle met aussi en avant le potentiel des PME dans la mise en œuvre de cet écosystème, en particulier en Provence-Alpes-Côte d'Azur, région où l'industrie, bien que moins présente qu'au niveau national, se montrer relativement résiliente. Et où les PME sont, davantage que les grandes entreprises, indépendantes des multinationales, et donc plus agiles. « Elles pourraient être susceptibles de s'engager dans le développement d'une activité inscrite dans un écosystème industriel facilitant le partage et la mutualisation ». Par ailleurs, c'est au sein de la Métropole Aix-Marseille Provence que le potentiel expérimentation semble, de l'avis de l'Ademe, le plus fort sur ces sujets, du fait de sa densité démographique, des inégalités sociales qui y ont trait, et de la forte place de l'industrie (38,1 % de la valeur ajouté ajoutée industrielle régionale y était produite en 2015).

Des initiatives déjà nombreuses

Mais l'étude ne se contente pas de théories puisqu'elle met aussi en avant des projets déjà inscrits dans ce type de démarche à l'échelle régionale. Différents réseaux sont ainsi cités, à l'image du réseau Preci (Ademe, Région Sud, Etat, CCI régionale, Chambre de métiers et de l'artisanat régionale, Banque des territoires) qui regroupe une cinquantaine d'initiatives d'économie circulaire, des démarches d'écologie industrielle et territoriale qui consistent en la mise en commun de ressources par des acteurs économiques, « en vue des les économiser ou d'en améliorer la productivité ». L'étude cite aussi le réseau d'entreprises Cap au Nord Entreprendre, désormais renommé Marséa.

Sont également identifiés plusieurs dispositifs comme Parcours Sud Industrie 4.0 porté par la Conseil Régional, ou encore les Pôles territoriaux de coopération économique, soutenus par la Chambre régionale d'économie sociale et solidaire afin d'encourager, là encore, les coopérations entre acteurs locaux.

L'Ademe s'attarde aussi sur des cas particuliers d'entreprises ayant entamé un parcours dans le sens de l'innovation low-tech. A l'instar de Steripure, entreprise installée à Gardanne qui intervient dans le champ de la stérilisation, et qui a fait le choix d'internaliser la conception, la fabrication et la maintenance de son parc de machines. Ou encore de Lemon Tri qui s'est lancée dans le rétrofit en interne de ses machines de tri de déchets, avec le choix d'un fournisseur de proximité (Pellenc ST). Elle se penche également sur De Vinci Aero qui s'intéresse à la fabrication en interne de ses simulateurs d'avions, et sur Ici Marseille, manufacture urbaine qui a opté pour le réemploi de machine et la mutualisation d'équipements industriels.

Opportunité et potentiels

Dans les quatre cas ainsi étudiés, l'Ademe observe que c'est d'abord une motivation économique qui guide ces choix. « La politique de gestion des équipements est ici dictée par une volonté d'économie de coûts directs et indirects, et par une volonté d'améliorer la maîtrise des outils de production, avant la considération des impacts environnementaux de l'entreprise ». Elle ajoute malgré quelques difficultés au démarrage des projets étudiés, ceux-ci ont été menés en relative autonomie, même sans « expertise interne notoire en conception de machines industrielles ». Un accompagnement aurait donc pu les aider à aller plus loin dans leurs démarches, et à monter en compétences.

A l'image de ces exemples, « développer cet écosystème industriel low-tech sur le territoire » pourrait, selon l'Ademe, « présenter une opportunité pour les PME du territoire en matière de souveraineté industrielles, et de potentiels bénéfices économiques, sociaux et environnementaux », par exemple à travers une moindre consommation de ressources et d'énergie, moins de déplacements, la création d'emplois et une montée en compétences des salariés.

Des pistes pour passer du local au régional

Pour développer cet écosystème, l'étude se focalise sur trois pistes d'action prioritaires : l'étude de la faisabilité d'initiatives s'inscrivant dans cette démarche, pour des PME industrielles, voire pour des couples de PME - la circularité ne pouvant se passer de coopération - ; la création d'un Pôle territorial de coopération économique (PTCE) qui serait porté par une association ou une structure coopérative ; et enfin, l'étude de l'opportunité et de la faisabilité de la création d'un centre industriel de ressources expérimental, un espace physique qui pourrait proposer une manufacture de proximité dont les équipements seraient mutualisés, mais aussi des événements culturels capables de fédérer des acteurs divers.

Essentiel pour mettre en œuvre une coopération. Cette dernière nécessitant « un engagement fort, des savoir-faire, des compétences diversifiées et un soutien institutionnel ». De même qu'un ancrage local important. « Cet écosystème industriel low-tech ne pourrait voir le jour qu'à travers une approche ascendante ». Preuve supplémentaire, s'il en fallait, du rôle majeur que les territoires ont à jouer dans la transformation de l'économie et plus largement de la société, à l'aune des enjeux sociaux, écologiques et économiques

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Commentaire 1
à écrit le 05/11/2023 à 11:45
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l' Ademe s'auto saisi de tous les sujets qui lui permettent de grossir et d'imposer ses dicktats. ça me rappelle un reflexion de M. Gallois du temps de l Aerospatiale. Pour les gens d'un siége plus vous mettez de monde, et plus ils se trouveront du ...

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