Dans les Alpes-Maritimes, le BTP se prépare à entrer en récession

Pour la Fédération du Bâtiment et des Travaux Publics des Alpes-Maritimes, la récession n’est plus une option. En dépit d’un décalage dans le temps avec les tendances nationales, 2024 s’annonce bel et bien comme une annus horribilis, avec une crise du logement neuf qui entraîne dans son sillon les autres segments du marché de la construction.
(Crédits : Pixabay)

Bombe économique, déflagration sociale et sociétale... Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier la crise du logement qui s'ancre progressivement et durablement dans le paysage français. Les dernières données Altarès sur les défaillances d'entreprise en 2023 en attestent : le secteur de la construction concentre 24% des faillites et tous les segments sont concernés, le gros œuvre (4.140 ouvertures de procédure, soit +44,1%) comme le second (6.850 ouvertures, +38,9%). Quant aux agences immobilières, ce sont elles qui enregistrent la pire tendance avec une poussée des procédures de +116,7%. Le chiffon rouge que la filière - promoteurs en tête - agite depuis de longs mois, prévoyant la destruction de 150.000 emplois directs, commence à se matérialiser. Dans les Alpes-Maritimes, la Fédération du BTP azuréenne (FBTP 06) prévoit une perte de 1.500 à 2.000 emplois pour 2024, de 2.800 à 3.000 sur deux ans, intérim compris, sur un effectif total de 27.400 personnes. Les défaillances d'entreprises y ont augmenté de 30% sur un an glissant, de plus de 40% si l'on compare les seuls trimestres 2023 et 2022. Et comme souvent, ce sont les PME les premières touchées.

Trompe-l'œil

Pourtant, qui se promène dans les rues azuréennes, de Nice à Cannes, peut légitimement s'interroger face aux nombreuses grues érigées ici et là. L'année 2023 s'achève même sur une note positive avec des mises en chantier de logements neufs en progression de +4,5% (sur 12 mois à fin novembre) alors que la tendance nationale chute de -7,8%. "Ce sont des chiffres en trompe-l'œil, portés par les opérations déjà en cours", précise Patrick Moulard, le président de la FBTP06. Qui ne veut surtout pas crier victoire, rapprochant le total de logements mis en chantier en 2023, 4.800 donc, à celui de 2019, plus de 8.000 ! Quant au segment TP, poussé par les vallées depuis la tempête Alex d'octobre 2021 et les travaux structurants comme le raccordement à Nice de la voie rapide Mathis et l'A8, il s'inscrit sur une courbe ascendante (+8%) qu'il convient là-aussi de relativiser : la progression réelle s'établirait autour de 2% en tenant compte de l'inflation. Et le président de la fédération de rappeler "le décalage habituel de la Côte d'Azur", qui fait que "nous rentrons dans la crise après le national, nous en sortirons malheureusement aussi après".

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Récession en vue et cellule de crise

Dès lors, "la récession est inévitable" et "le logement sera le segment le plus en souffrance en 2024", prévient Patrick Moulard. Car les difficultés ne concernent plus seulement l'offre, problématique structurelle de longue date dans le département. La demande s'écroule désormais, ce qui fait la spécificité de cette crise. Les réservations de logements ont ainsi chuté de 33% sur un an au troisième trimestre 2023, les mises en vente, de 27%, et les ventes, de 25%, sur la même période. "Cet effondrement qui touche d'ores et déjà de plein fouet les promoteurs immobiliers aura des conséquences directes sur l'activité de nos entreprises probablement vers la fin du premier semestre 2024", avance le président. Pire, le recul des droits de mutation - représentant une perte d'environ 150 millions d'euros rien que pour le Conseil départemental des Alpes-Maritimes en 2023 - va forcément impacter les ressources des collectivités locales et donc leur capacité d'autofinancement. Ce qui inquiète grandement Pierre Mario, vice-président FBTP 06, chargé des travaux publics et routiers, lesquels dépendent à 70% de la commande publique : "Dans ces cas-là, l'arbitrage nous est souvent défavorable". L'exemple de l'abandon du projet de téléphérique entre Nice et Saint-Laurent du Var par la Métropole Nice Côte d'Azur l'illustre. De même, "moins d'immeubles, c'est moins de génie civil, donc moins de réseau routier". Le cercle vicieux s'enclenche.

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Alors certes, les segments non résidentiel, entretien-rénovation et TP devraient probablement se maintenir à flot en 2024, mais à un niveau insuffisant pour compenser la chute du logement neuf. D'où la création par anticipation, dès novembre dernier, d'une cellule de crise dédiée, afin "de prendre le pouls des besoins, de faire émerger l'espoir" dans un contexte morose illustré par une enquête menée en janvier 2024 auprès des adhérents de la FBTP 06. Dont 70% des répondants indiquent avoir un carnet de commande inférieur à six mois.

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Commentaires 2
à écrit le 31/01/2024 à 12:06
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je ne vais pas pleurer sur un secteur qui sous-traite à la pelle (sic) à des entreprises étrangères ou françaises avec une main d'oeuvre étrangère. Faites le tour de n'importe quel chantier...

à écrit le 31/01/2024 à 8:49
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Attendez faut voir les prix démentiels de l'immobilier là bas aussi hein, tout ça pour vivre 6 mois de l'année dans le noir avec la climatisation à fond ! C'est n'importe quoi.

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