Les Cop régionales, modèles de décentralisation ?

Impliquer les collectivités locales dans la stratégie nationale de transition écologique, c'est l'objectif affiché avec la création de COP régionales, dont le concept a été lancé à Marseille, après Metz, avant d'être enclenché dans les autres régions. Un dispositif qui propose de faire remonter des territoires des solutions adaptées aux particularités locales, en vue de répondre à des objectifs fixés au niveau national autour de trois axes que sont la baisse des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité et l'adaptation au changement climatique. Solutions dont le financement restera à définir.
(Crédits : iStock)

Tapis rouge. Lumières feutrées. Salle bondée d'élus locaux et de représentants du monde économique local... C'est au siège de la Région Sud que le Ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, accompagné de la secrétaire d'État à la Ville Sabrina Agresti-Roubache, a choisi, lundi 27 novembre après-midi, de sonner le coup d'envoi des « Cop régionales », dans une région pour qui « Une Cop d'avance » a longtemps été un slogan avant de se muer en budget 100 % climat dès 2023, comme le rappelle en introduction son président Renaud Muselier.

« En juin 2017, lorsque Trump a décidé de se retirer de l'accord de Paris, nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire, nous, la Région, pour trouver des solutions car nous avons besoin de prendre soin de notre planète. Alors nous avons commencé avec un premier plan climat qui représentait 20 % du budget. Puis nous sommes passés à 30, 40 jusqu'à 100 % du budget en 2023. Ce qui signifie que pas un euro de la région ne va à un projet qui ne prendrait pas en compte l'un des cinq axes que nous avons définis : l'air, la mer, la terre, l'énergie, les déchets ».

En Région Sud, une avance et des efforts à amplifier

Avec des résultats qu'énumère longuement Renaud Muselier : une première ligne de car 100% électrique, deux millions d'arbres plantés, 10% des déchets ménagers recyclés, la création de deux parcs naturels régionaux, des surfaces de forêts incendiées divisées par deux, un Plan Or bleu pour réduire le gaspillage de l'eau et favoriser la réutilisation des eaux usées... Moyennant l'obtention significative de fonds européens sur ces sujets.

Pas de chiffres néanmoins sur l'impact effectif des mesures engagées sur les émissions de CO2, ni sur la biodiversité. L'Insee relevait, quant à elle, en 2022 que les émissions de la région avaient chuté de 1,6 % par an, soit autant que la France, précisant que cette « trajectoire était insuffisante » par rapport aux attentes de l'accord de Paris.

D'ailleurs, Renaud Muselier reconnaît que ce qui a été fait « ne suffit pas ». La Cop régionale doit ainsi permettre d'accélérer.

Les collectivités à la mise en œuvre de la transition écologique

En quoi consistent concrètement ces Cop ? La forme semble encore assez floue. Mais l'enjeu est d'impliquer davantage les collectivités locales dans les enjeux de transition écologique. Y compris - et peut-être surtout - celles pour qui ces enjeux ne seraient pas suffisamment pris en compte. « Les collectivités locales sont le réseau de mise en œuvre des politiques de la transition écologique », assure ainsi Christophe Béchu.

Si la Région aura vocation à animer cette Cop, les villes joueront également un rôle majeur. Car, pense le Ministre, « elles sont le creuset par lequel on peut embarquer les associations et les citoyens ». Ce, autour de « trois défis majeurs qui se touchent et s'amplifient mutuellement », à savoir la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité - parfois oubliée au profit du climat malgré les interactions ténues entre le deux et le risque de déplacement de problèmes -, ainsi que l'adaptation à un dérèglement climatique déjà à l'œuvre, qui pose notamment des questions sur la gestion de l'eau.

Au niveau national, le Ministre assure l'existence de 52 leviers d'action différents. « Mais les choses ne se passent jamais comme on les imagine. Ce c'est pas en appuyant sur un bouton depuis Paris qu'il se passe ce que l'on veut ». Les Cops régionales reposent dès lors sur l'idée que « nous avons besoin d'allier les territoires avec l'échelon national ». Le second ayant pour rôle de « fixer les règles du jeu et le budget », les premiers d'assurer « la mise en œuvre ». « On ne vous impose rien », garantit ainsi le Ministre. « On vous donne des objectifs, et on pense que vous êtes largement capables de savoir quels sont les meilleurs moyens de les atteindre », en fonction des réalités propres à chaque territoire. « Peut-être que vous irez plus loin sur certains sujets que sur d'autres, comme le bio, la mobilisation sur des zones industrielles bas carbone, la mobilité ... » Avec en ligne de mire, au niveau régional, d'importants efforts à conduire sur le pan industriel, l'industrie émettant ici davantage de gaz à effet de serre que le transport, contrairement à la tendance nationale.

Un semestre pour faire remonter les idées

Quid des financements accordés pour mener ces actions ? Difficile à dire précisément. « On lance la démarche aujourd'hui. Et le premier semestre permettra de faire descendre la Cop dans tous les territoires pour en faire remonter les idées. L'été, au moment de l'élaboration d'un budget de l'État, nous regarderons si la somme des propositions permettra d'atteindre les ambitions ».

Parmi les objectifs évoqués : un développement de la voiture électrique dont le nombre doit passer, assure le secrétaire général à la Planification écologique Antoine Peillon, de 40.000 à 400.000. Une augmentation de la surface des haies en milieu rural. La réduction du chauffage au fuel. Des enjeux de renaturation. Une meilleurs mise en œuvre de la loi Egalim, qui exige 20 % de produits bio dans la restauration collective, contre 7 % en pratique. Ou encore une meilleure gestion de l'eau.

Parmi l'assistance, plusieurs intervenants, dont le président de la CCIAMP Jean-Luc Chauvin s'interrogent sur la réglementation à l'œuvre, pas toujours propice, pensent-ils aux solutions innovantes en matière d'écologie. « Comment expérimenter, comment sortir des sentiers battus de la réglementation du monde d'avant pour faire dans le monde d'aujourd'hui ? »

Crainte de la radicalité

Sébastien Barles, l'adjoint du Maire de Marseille en charge de la Transition écologique s'inquiète quant à lui de certains projets qu'il qualifie de "climaticides", à l'image du contournement autoroutier de la Camargue ou encore du projet d'installation de panneaux photovoltaïques dans la Montagne de Lure, entraînant des dégâts sur la biodiversité. « Il faut solariser sans artificialiser », assure-t-il. « Il existe un potentiel sur des sites déjà artificialisés comme les autoroutes », citant une expérimentation à venir à Marseille.

Mais pour le Ministre, fidèle à sa posture face à l'opposition au projet d'autoroute A69 entre Toulouse et Castres, « l'écologie, ce ne doit pas être d'interdire et de ne plus faire de projets ». Au risque, croit-il, « d'augmenter le nombre de personnes opposées à la transition écologique de façon proportionnelle au nombre de personnes que nous devons convaincre ». Un refus de la radicalité qui passe par un refus d'interroger notre modèle économique fondé sur la croissance du PIB, quand bien même le monde scientifique - Giec notamment - a démontré à plusieurs reprises que le découplage entre la croissance et ses externalités négatives sur l'environnement était impossible. Un monde scientifique dont le rôle dans ces Cop régionales n'a pas été évoqué par le Ministre, qui, interrogé sur le sujet, reconnaît tout de même l'importance de la science au niveau national pour mesurer les impacts des mesures, et « éviter le techno-solutionnisme ou les solutions relevant de la mal-adaptation ».

Il n'empêche, certains territoires ont d'ores et déjà engagé une réflexion poussée sur le modèle économique global. À l'instar du Pays de Grasse dont le Club des entrepreneurs s'active afin d'embarquer son territoire vers une post-croissance choisie. Faisant reposer sa prospérité sur d'autres indicateurs que la création de valeur ajoutée, avec la volonté de faire germer cette idée au-delà de ses frontières. Preuve qu'en matière de transition écologique, les territoires ont, souvent, bel et bien une longueur d'avance.

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