Le Club des entrepreneurs du Pays de Grasse veut faire la démonstration d'une « post-croissance réussie »

Créé en 1998, le Club des entrepreneurs du Pays de Grasse a toujours eu vocation à associer entreprises et collectivités locales au service d'un développement durable de son territoire. Actif de longue date sur les sujets de RSE, il veut, à l'heure des ses vingt-cinq ans, franchir un nouveau cap et incarner un autre modèle d'économie. Un modèle de post-croissance, dans lequel le développement des entreprises ne serait pas mesuré qu'à l'aune de leurs résultats financiers, mais prendrait aussi en compte des indicateurs sociaux et environnementaux.
(Crédits : DR)

Sommes-nous en train de foncer vers un mur ? Depuis les années 1970 et la sortie du rapport Meadows, les scientifiques s'époumonent à le répéter : une croissance infinie est incompatible avec les limites de la planète.

Un danger sur lequel les scientifiques ne sont plus les seuls à lancer l'alerte. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à se faire entendre. Les entreprises également. De même que quelques-uns de leurs représentants, à l'image du Club des entrepreneurs du pays de Grasse. Club dont la réflexion concernant la conciliation entre économie et écologie semble particulièrement avancée.

Avancée car dès sa création en 1998, le Club se distingue déjà par sa volonté de promouvoir « un développement durable des territoires », explique sa président Charlotte Daeffler. Un enjeu qui, d'emblée, associe les entrepreneurs locaux à ce qui deviendra la communauté d'agglomération du Pays de Grasse. Et qui se traduit par diverses actions dans le champ de la responsabilité sociale des entreprises.

Des groupes de travail

Pour travailler sur ces enjeux, le Club a une méthodologie bien à lui. Chaque projet est conçu et mené par un groupe de travail, « qui intègre toutes les parties prenantes et va vraiment au fond des sujets ». On compte actuellement onze ateliers de ce type, sur des thématiques très variées, avec une forte représentation des enjeux écologiques. « Nous avons par exemple un atelier d'écologie industrielle et territoriale qui s'appelle Resoorce, et qui vise à optimiser les ressources du territoires », qu'il s'agisse d'eau, de déchets, d'énergies ... au travers d'une approche systémique inspirée des écosystèmes naturels, dans lesquels rien ne se perd et tout se transforme.

Avec cette méthode et ses liens avec les collectivités locales, le Club - qui compte 175 adhérents et 6 salariés permanents - est parvenu à être impliqué de façon significative dans bon nombre de projets structurants pour le territoire. « Nous faisons par exemple partie des fondateurs de la Plateforme Initiative Terre d'Azur. Nous avons également contribué à l'essor du terme de naturalité dont on parle beaucoup ici désormais ». Le Club est en outre animateur de la communauté French Tech sur son territoire et a, dans ce cadre, « lancé une communauté de startups tournées sur l'impact. Dans l'agriculture, la transition écologique ou sociale ».

Neutralité carbone et impact des entreprises

Mais avec un telle pluralité d'actions, pas facile de résumer en quelques phrases ce qu'est le Club. C'est pour cette raison qu'à son arrivée comme présidente du Club en 2022, Charlotte Daeffler demande à un groupe de travail de trouver une manière de définir ce qui fait l'essence du club pour mieux pouvoir en parler.

Pour ce faire, on se plonge dans les archives de la structure. On cherche des informations auprès de ses fondateurs. On fait le bilan des réalisations en matière de RSE. Puis on se dit que si des avancées ont certes été permises, il faut aller encore plus loin. « Si on veut avoir plus d'impact, il faut que les modèles économiques changent. Et l'urgence est telle que nous n'avons plus le temps d'attendre », résume Charlotte Daeffler.

C'est ainsi que naît l'envie de bâtir une économie régénérative, capable de réparer ce qu'elle a détruit par le passé, à commencer par les écosystèmes naturels. « La neutralité carbone ne suffit pas. Il faut que les entreprises aient un impact positif ». Ce, en considérant l'entreprise comme partie d'un tout, dans une approche systémique.

C'est tout le sens du dernier groupe de travail mis en place par le Club : Régénérazur. « L'idée est d'intégrer le vivant dans les modèles économiques ». En privilégiant des process naturels plutôt que chimiques par exemple, comme la phyto-épuration. « Pour nous, les entrepreneurs sont les moteurs de l'urgente mise en œuvre collective des transformations de l'économie du territoire vers une post-croissance choisie et réussie », récite scrupuleusement Charlotte Daeffler, car dans cette définition, « chaque mot compte » assure-t-elle.

Parmi ces mots, celui de post-croissance peut interroger : « On a atteint la plupart des limites planétaires. On ne peut plus se développer en considérant une croissance infinie. On doit plutôt intégrer les limites de la terre dans nos modèles économiques ». Avec trois piliers qu'elle énumère : « les modèles de gouvernance, le recours à des indicateurs de performance autres que financiers, qui évaluent l'impact social et environnemental », de même que « l'intégration de l'humain et de l'environnement dans les modèles économiques ».

La post-croissance, un nouveau modèle d'économie à co-construire

Un projet très ambitieux que le Club entend conduire sur trois ans, avec une première année consacrée à la recherche et à la réflexion. « Nous avons constitué un groupe de 80 personnes issues de la société civile : des salariés, des associations, des fonctionnaires, des politiques, des entrepreneurs... » Mais aussi des experts de ces sujets comme le centre de recherche et de formation dédié à l'entreprise régénérative Lumia, à Mouans-Sartoux. Ou le cabinet d'études sociologiques Change it.

Une fois ces réflexions faites, « toutes les activités du club devront tourner autour du concept de post-croissance. Je pense qu'il nous faudra un an pour avoir une feuille de route précise et des indicateurs».

Et l'enjeu est aussi d'inspirer au-delà. Car si l'échelon local est un très bon terreau pour l'émergence d'initiatives porteuses, l'action globale est essentielle pour avoir un impact significatif, surtout lorsqu'il s'agit d'enjeux environnementaux. « Nous organiserons une conférence sur la post-croissance à la rentrée. Et également un défi de la post-croissance dans lequel nous consulterons le monde économique - au-delà du club- pour voir ce qui existe autour de ce sujet ». Et éventuellement créer des synergies pour permettre à l'économie de changer, aussi vite que possible, de trajectoire.

« Nous voulons être un modèle de ce qu'est une post-croissance réussie ». Une ambition que résume très explicitement le tout nouveau slogan du club : « Pays de Grasse, Pays de la post-croissance ».

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