À Marseille, Jean Castex défend une approche territoriale de la lutte contre l'exclusion

À l'occasion des trente ans de la Fondation Agir Contre l'Exclusion qu'il préside depuis son départ du gouvernement, l'ancien Premier ministre s'est déplacé à Marseille pour un anniversaire mobilisant les nombreux membres du réseau Face, les élus locaux mais aussi des ministres, à l'image de la marseillaise Sabrina Roubache, secrétaire d'État à la Ville, ou du ministre de l'Éducation Gabriel Attal. L'occasion pour celui qui se qualifiait de « Premier ministre des territoires », de défendre le potentiel de ces derniers dans la lutte contre toutes les formes d'exclusion. Convaincu que les solutions innovantes se forgent dans la rencontre entre tissu associatif, collectivités locales et entreprises, au plus près des besoins.
(Crédits : Reuters)

14,5 % de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté en 2021. Soit 9,1 millions de personnes pauvres, c'est 550.000 de plus qu'en 2020, avec un creusement significatif des inégalités, annonce l'Insee en ce mardi 14 novembre. Le même jour, le Secours Catholique publie son État de la pauvreté en France : il confirme une « nette augmentation de la pauvreté ». L'association a accueilli un million de personnes en 2022, les trois quarts vivant en situation d'extrême pauvreté. Et les femmes, en particulier celles élevant seules leurs enfants, sont les plus touchées.

Derrière ces chiffres, des situations d'exclusion complexes, au sein desquelles les facteurs de pauvreté s'enchevêtrent les uns aux autres : santé, mobilité, logement, problèmes administratifs, mal-être, solitude... De sorte que les politiques impulsées par les pouvoirs publics, très souvent pensées en silo, n'ont qu'une efficacité limitée.

Face : une approche globale et ascendante

Pour y faire face, la Fondation Agir Contre l'Exclusion propose une autre approche. Une approche globale et surtout, non descendante. Avec un ancrage territorial fort, ses actions sont menées par 42 clubs locaux, dans lesquels se déroule au quotidien l'accompagnement des publics : femmes victimes de violence, seniors, jeunes décrocheurs, primo-arrivants, personnes en situation de handicap ...

C'est peut-être cet ancrage territorial qui a convaincu l'ancien Premier ministre, présent ce mardi à Marseille, d'en prendre la présidence une fois quitté Matignon. Lui qui, devant le Sénat, avait choisi de se présenter comme « le Premier ministre des territoires ».

Mener les entreprises vers l'action sociale

Née en 1993 sous l'impulsion de Martine Aubry et de treize grands groupes français, Face a vocation, comme l'explique à l'époque celle qui occupe alors la fonction de ministre du Travail, à « convaincre les entreprises qu'elles ne peuvent pas continuer à se développer si les gens ne sont plus en mesure de consommer, s'ils sont découragés ». « En tant qu'élu », dit aujourd'hui Jean Castex de son ton inlassablement enjoué, « j'avais bien conscience du rôle des acteurs de l'insertion, du tissu associatif. Avec Face, je trouvais intéressant de poser la question de ce que peuvent faire les entreprises ».

Entreprises que la Fondation incite à s'engager, que ce soit par des dons, de l'insertion ou encore du mécénat de compétences. En 2022, s'appuyant sur son réseau de 5.804 entreprises engagées, Face est ainsi parvenue à accompagner 291.420 personnes aux situations très diverses, créant du lien social.

À Marseille, « une vitalité et une solidarité concrète»

Trente ans plus tard, l'organisation d'un anniversaire à Marseille sonnait comme une évidence. C'est ici, en 1994, que naît le premier club Face. Club qui, observe Jean Castex, « est resté parmi les plus dynamiques de France ». Un historique qui a sans doute beaucoup à avoir avec les spécificités de cette ville, pense-t-il, lui qui l'a beaucoup visitée alors qu'il était Premier ministre. « Si la ville concentre des quartiers parmi les plus pauvres d'Europe, elle connaît une vitalité et une solidarité concrète que beaucoup lui envient », lance-t-il devant un auditorium du Pharo plein à craquer.

Une vitalité que Face porte aussi partout en France. En témoigne le dense village d'initiatives dans lequel Jean Castex a déambulé une partie de l'après-midi aux côtés de la secrétaire d'État à la Ville, originaire de Marseille, Sabrina Roubache. Dans le Var par exemple, Face porte des projets complets d'accompagnement vers l'emploi des personnes seniors. Elle tend aussi la main aux personnes primo-arrivantes afin de les aider à trouver leur place. Et à l'innovation sociale se mêle parfois une touche d'innovation technologique, puisque le club varois se réjouit d'être le premier à avoir lancé un outil de réalité virtuelle permettant à chacun de vivre les discriminations que subissent certaines personnes en raison de leurs différences. Un outil né d'une rencontre avec l'entreprise toulonnaise C2Care qui opère habituellement sur le champ des thérapies par réalité virtuelle. Preuve que les synergies locales sont porteuses.

Fourmillement de solutions concrètes

Vosges, Bretagne, Alliers, Provence, Occitanie... Partout en effet, les idées fourmillent. Comme cette Régate des possibles soutenues par la Métropole Aix-Marseille Provence, dans laquelle recruteurs et demandeurs d'emploi se rencontrent sur la mer, pour casser les barrières. « Et ça marche ! », assure Jean Castex.

« La RSE », pense-t-il, « aura gagné quand elle ne sera plus une exigence éthique, ni une obligation légale et réglementaire, mais quand les intérêts des entreprises s'aligneront sur elle ». Et de s'appuyer sur les actuelles difficultés de recrutement qui devraient, pense-t-il, encourager les entreprises à se tourner vers ces actions sociales, celles-ci ayant la capacité de remobiliser les équipes, en leur permettant de trouver ce sens tant recherché dans le monde du travail.

Valoriser et faire essaimer

« Pour ceux qui ne croient pas ces discours, je leur dis : regardez vos collègues dans tel territoire, ils l'ont fait, ça marche et ils s'y retrouvent. On doit capitaliser sur ces recettes issues d'expérimentations locales et non de Paris. Inutile d'inventer ce qui existe déjà. Passons à l'échelle les bonnes idées développées localement ». Un sujet sur lequel compte accélérer la fondation Face, en étoffant son maillage territorial, en élargissant son champ d'action à d'autres domaines, à commencer par la transition écologique solidaire.

Car elle en est convaincue : les réponses aux complexes défis de notre temps ne peuvent germer qu'à la racine de ces défis, c'est-à-dire au plus près des besoins, dans les territoires. « Face porte un savoir-faire original qui se nourrit de l'hybridation entre tissu associatif, politiques publiques et entreprises », constate Jean Castex. Il en découle, poursuit-il, « des solutions sur-mesure et innovantes à la fois », « un creuset d'innovation sans commune mesure ». Un creuset d'innovations sur lequel l'échelon national (Fondation Face national, État) doit porter un regard attentif, soigneux, fédérateur. Sa responsabilité étant de faire essaimer des innovations partout, en concertation pour les adapter à tous les terreaux. Afin que leurs fruits profitent au plus grand nombre, et que l'exclusion puisse efficacement être combattue.

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