« Le territoire Nord de Marseille suscite une forte affection chez les entrepreneurs et acteurs qui y travaillent » (Diana Bajora, Marséa Nord Développement)

Officiant dans les quatre arrondissements nord de Marseille, l'association Cap au Nord Entreprendre, qui milite pour le développement de ce territoire en fédérant entreprises, habitants et intermédiaires de l'emploi, s'appellera désormais Marséa Nord Développement. Un changement de nom qui annonce sa mue en agence de développement économique, pour changer le regard porté sur ceux que l'on appelle couramment les quartiers Nord de Marseille. Une mission qu'incarnera notamment la nouvelle présidente de l'association arrivée en avril, Diana Bajora.
(Crédits : DR)

Marseille en Grand. Nouvelle station de métro. Projets d'aménagements structurants portés par Euroméditerranée. Nouvelle donne sur le marché du travail. Transition écologique... En quinze ans, le nord de Marseille a bien changé. Il fallait donc bien que Cap au Nord Entreprendre fasse sa mue, concrétisée par son récent changement de nom au profit de Marséa Nord Développement. Un changement qui fait suite à l'arrivée comme présidente de l'association, en avril dernier, de Diana Bajora, visage assez symbolique de ce que peut l'entrepreneuriat dans ce territoire atypique.

Née en Roumanie pendant les années Ceaușescu, Diana Bajora rejoint à 7 ans le Maroc, poursuivant sa scolarité entre ce pays et la France.

En 2017, elle débarque à Marseille où elle cofonde Dev-ID, startup à l'origine d'un réseau de créateurs de produits digitaux innovants - allant de la réalité virtuelle à la 3D en passant pas les objets connectés ou la blockchain -, qui choisit de s'installer au Caburateur, pépinière d'entreprises du 15e arrondissement de la ville.

Très vite, Diana Bajora est séduite par ce territoire de 250.000 habitants et 4.500 entreprises, et plus largement par Marseille dont elle admire « la capacité à innover », dit-elle, « à la fois socialement, technologiquement, économiquement ... ». Une sorte de stratagème de la débrouille généralisé, probablement causé par «les spécificités de ce territoire et ses fractures sociales ». Preuve en est, « énormément d'acteurs se positionnent dans les solutions d'inclusion ». Y compris Dev-id, sa société.

Après avoir repéré, au moyen d'une recette maison, « les gens qui ont une tête faire pour le code », Dev-ID les forme en interne, selon une logique inspirée du compagnonnage. « Cela nous permet d'avoir trois fois plus de femmes sur les postes de développement », bien à rebours de ce secteur, largement masculin. Et parmi les personnes qui fréquentent son institut de formation, « la moitié vient de quartiers prioritaires de la ville ». Un public qui représente par ailleurs un quart de l'effectif de l'entreprise.

Besoin de liant

Des initiatives nombreuses donc. Mais qui, de l'avis de Diana Bajora, manquent de liant les unes aux autres.

Un avis partagé depuis 2008 par l'association Cap au Nord Entreprendre, par ses douze salariés et 350 adhérents, qui s'attellent à créer des passerelles entre entreprises, acteurs de l'emploi, habitants, mais aussi milieu scolaire, structures de la santé, associations...

De sorte que Dev-Id entretient rapidement des liens étroits avec l'association. Des liens facilités par la proximité géographique puisque toutes deux sont voisines de pallier au sein du Carburateur, et le seront encore en déménageant vers l'Épopée, récent tiers-lieu du 14e arrondissement, dédié à l'innovation éducative. « Cap au Nord et Dev-id partagent la même envie de faire rayonner les quartiers de Marseille dans leur totalité. De faire en sorte que la population soit concernée par le développement économique de ce territoire ». Un développement économique voulu « plus positif, plus durable, plus inclusif ».

Adhérente de Cap au Nord Entreprendre depuis son arrivée à Marseille, Diana Bajora - qui occupe aussi la fonction de vice-présidente au sein d'Aix-Marseille French Tech- intègre en 2021 son conseil d'administration. Deux ans plus tard, en avril 2023, elle en devient présidente.

Une présidente qui a pour mission de poursuivre les missions historiques de l'association : fédérer les acteurs du territoire, transformer ce dernier, ou encore influencer les décideurs, notamment sur l'épineux sujet de la mobilité, particulièrement entravée sur ce vaste territoire, réduisant fortement les perspectives d'insertion économique et sociale de ceux qui y vivent, compliquant dans le même temps les recrutements.

Agence de développement économique territorial

Mais elle porte aussi une nouvelle mission qui va de pair avec un changement d'identité. Désormais, Cap au Nord Entreprendre s'appelle Marséa Nord Développement. Et se pose en agence de développement économique territorial. « Avec ce nom, nous avons voulu donner un coup de jeune à notre association ». Il s'agit aussi de mieux refléter la diversité des acteurs du réseau. « Historiquement, nos adhérents étaient des entrepreneurs. Mais aujourd'hui, nous nous sommes élargis à d'autres acteurs ». Dans ses rangs, des structures de l'emploi, des associations, mais aussi l'AP-HM. Autant d'acteurs voués à œuvrer dans la transformation du territoire, en coopération.

Une agence de développement qui mènera un travail de « marketing territorial ». « Le but sera de braquer les projecteurs sur ce territoire, son développement économique, ses réussites entrepreneuriales, ses habitants, les initiatives qui y existent ... Nous voulons donner de l'espoir ».

Et qui dit agence de développement, dit besoins accrus. Notamment pour le passage à l'échelle de diverses expérimentations enclenchées par l'association. « En matière d'emploi, nous avons porté plusieurs initiatives ». Parmi elles, « nous avons mené des centaines d'entretiens avec les entreprises pour recueillir leurs besoins. Nous avons mis en relation plus de 500 personnes avec des entreprises qui avaient des projets de recrutement ». S'y ajoutent des événements autour du recrutement sans CV, inversé, ainsi que des actions de découverte des métiers maritimes. Avec l'ambition de recréer du lien entre jeunes et employeurs, en cassant les préjugés de chaque partie, et en leur apprenant à mieux communiquer, en s'écoutant davantage.

Marséa Nord Développement est aussi active sur le front de la transition écologique. Et en particulier sur le sujet du réemploi. « Cette année, nous avons lancé notre Lab du réemploi ». L'idée : identifier et récupérer parmi les adhérents de l'association les déchets qui pourraient servir de ressources à d'autres, le tout au moyen d'une cartographie et de la mise en place d'un « véhicule commun pour centraliser tout cela ». Les détails techniques restent à définir. « Nous sommes en phase d'idéation, en lien avec le groupe Rive neuve », qui accompagne les organisations dans leur transition écologique.

Un territoire complexe et attachant

Comme les expérimentations menées en matière d'emploi, celle-ci pourra s'appuyer sur les forces du territoires. À commencer par l'immense diversité de ses acteurs. Et Diana Bajora d'égrainer : « on trouve le secteur maritime, l'alimentation, de l'industrie, de l'artisanat, de l'économie sociale et solidaire, des services à la personne... » Idéal pour qui veut capitaliser sur des complémentarités.

Mais Diana Bajora croit aussi en un autre atout du territoire. Moins palpable, certes. Mais capital. « Ce qui m'impressionne le plus, c'est l'attachement de nos adhérents à l'association et au territoire. Il y a vraiment une dynamique pour transformer les choses de l'intérieur. Les entreprises sont volontaires, elles donnent du temps, de l'énergie pour agir sur des causes qui les dépassent. Le territoire Nord de Marseille suscite une forte affection des entrepreneurs et acteurs qui y travaillent. Il faut que l'on capitalise sur cet attachement pour progresser ensemble ».

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