Comment Raediviva veut bâtir une filière régionale du réemploi des matériaux de construction

Si le réemploi des matériaux de construction était autrefois une pratique courante, celle-ci disparu au profit du tout jetable, de sorte que moins de 1 % des matériaux sont réutilisés désormais en France. Néanmoins, des initiatives naissent ci et là. Des lois commencent à encourager le réemploi. Reste à créer du liant entre tous les acteurs, et à reconstruire des savoir-faire oubliés. En Provence-Alpes Côte d'Azur, c'est l'association Raediviva qui s'y attelle.
(Crédits : DR)

« À l'heure actuelle, assure l'Ademe, seulement 1% des matériaux de construction sont réutilisés après un premier usage. Bien qu'une grande partie des éléments soient techniquement sujets au réemploi, ils finissent trop souvent mis en décharge ou recyclés, entraînant un impact environnemental et une perte de valeur économique »

On estime ainsi que sur 100 tonnes de déchets produits annuellement en France, 70 proviennent du secteur du bâtiment, soit 227 millions de tonnes. Parmi eux, 50 millions de tonnes seraient jetés dans la nature.

Or la fabrication de nouveaux matériaux émet du carbone et demande d'exploiter toujours plus de ressources non renouvelables comme la pierre, le sable ou le gravier. Mais aussi du bois, de l'eau... Au risque de dérégler les équilibres naturels. Quant au recyclage, couramment pratiqué, il est très consommateur d'énergie. À l'inverse, le réemploi n'exige pas d'extraire de ressources, et son impact carbone est considéré comme nul.

Une pratique qui remonte (au moins) à l'Antiquité

Une aberration. D'autant que le réemploi a longtemps été une pratique courante. C'est ce qu'explique Benoît Campion, président de Raediviva. Un nom qui ramène justement à ce type de pratiques. « Raediviva est le nom donné par les Romains au réemploi de pierres ». Preuve de l'antériorité du réemploi. « Cette pratique s'est perdue il y a une cinquantaine d'années au profit de la société de consommation qui n'a pas épargné le secteur du bâtiment ». Extraire, consommer, jeter. Sans fin.

De sorte que des savoir-faire ont été perdu. Les bâtiments n'ont plus été conçus pour être réemployables. Et les coopérations entre parties prenantes du réemploi ont été rompues.

Des initiatives éparses, mais pas de filière

Malgré cela, urgences environnementales obligent, quelques initiatives ont vu les jour. C'est le cas de l'entreprise Raedificare, ancienne association qui a laissé sa place à Raediviva pour répondre à des demandes commerciales croissantes. « Il y a de plus en plus d'acteurs qui ont envie de faire des choses. Des maîtres d'ouvrage qui ont envie de faire du réemploi. Des entreprises qui veulent réutiliser leurs matériaux, des ressourceries qui s'intéressent à ces matériaux ... ». Reste que ces intiatives demeurent « disparates. On n'a pas encore de filière du réemploi structurée ». Filière que Raediviva s'attelle justement à la rebâtir.

Pour cela, l'association - qui a signé une convention financière avec l'Ademe en lien avec la Région Sud, mise sur une certaine forme de neutralité, essentielle pour faire travailler ensemble des acteurs peu habitués à le faire, voire concurrents. Raediviva, qui dispose de deux salariés, s'appuie ainsi sur un conseil d'administration de onze membres voulus représentatifs de la filière. On y trouve des cabinets d'architecture, des acteurs de la formation, des entreprises spécialisées dans l'économie circulaire comme R+Eveil ou Néo-Eco, ou encore le Groupe Sols, spécialiste de l'aménagement urbain et paysager ...

Et au-delà de ce noyau, l'association compte une quarantaine d'adhérents. Elle organise par ailleurs une série d'événements ouvert à un large public, dans le but de créer une communauté locale autour du réemploi. Essentiel pour que chacun sache où trouver les matériaux de réemploi dont il aurait besoin, ou à qui proposer ceux qu'il génère.

Le pouvoir des imaginaires

En plus de fédérer, Raediviva se charge de promouvoir et communiquer sur le réemploi, en valorisant par exemple des projets exemplaires. Une manière de bousculer certains préjugés. « On a tendance à croire que les matériaux emplois sont de moins bonne facture que des matériaux neufs. Mais parfois, c'est l'inverse. On trouve par exemple des tommettes qui sont de très bonne qualité ». Et de créer de nouveaux imaginaires. « Il y a quelques années, on valorisait une architecture plutôt immaculée. Aujourd'hui, les jeunes générations voient des images que je ne voyais pas ». Avec une quête de plus d'authenticité, de caractère esthétique. Et Tiphaine Guélou, directrice de la structure d'ajouter : « Le réemploi permet un rendu moins aseptisé, moins standardisé ».

Une vision défendue aussi au travers des missions d'information et de formation de Raediviva. D'autant que les formations sont encore peu nombreuses, alors que le réemploi exige de nouvelles compétences. À la place des bulldozer : des yeux, des mains et des cerveaux pour identifier les matériaux réemployables, pour les remettre en état si besoin, puis pour les réutiliser. « Mais toute cette matière grise doit être valorisée », pense Safa Ben Kheder, doctorante et vice-présidente de l'association. De quoi défaire l'opposition entre conceptualisation et exécution dans ces métiers, et peut-être leur redonner l'attractivité qui leur manque ...

Enfin, Raediviva ne s'interdit pas de s'adonner à quelques expérimentations, en lien avec ses adhérents. Histoire d'esquisser de nouveaux possibles, de créer du lien... Parmi les partenariats en cours en ce sens : un projet avec l'AR HLM Paca qui sera lancée à l'occasion d'une réunion le 19 octobre à destination de tous les bailleurs sociaux.

Un contexte législatif potentiellement porteur

Autant d'actions grâce auxquelles l'association espère impulser la filière au niveau régional, portée par des lois (Agec notamment) favorisant le réemploi des matériaux de construction, et la création de filières à responsabilité élargie des producteurs. Dispositifs qui concerneront tous les acteurs, notamment les fabricants de matériaux.

Pour profiter de ces évolutions qui pourraient « créer de nouveaux emplois non délocalisables et mettre en lien divers métiers », l'association espère accueillir de nouveaux adhérents. Elle pointe aussi l'enjeu du foncier, alors que le réemploi nécessiterait de pouvoir stocker du matériel. Et d'espérer que les aménageurs - Soleam, Euroméditerranée - prendront leur part dans ces sujets.

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