En Provence, L'Incassable veut être actrice du retour au réemploi du verre

Installée à Marseille, cette association s'attelle à mettre en place une filière du réemploi des bouteilles en verre sur une partie du territoire provençal. Pour y parvenir, elle agit sur plusieurs leviers : de la sensibilisation des consommateurs à l'accompagnement des producteurs, en passant par la multiplication des points de collecte. Avec comme horizon de plus long terme, l'installation d'une station de lavage locale.
(Crédits : DR)

L'objectif est ambitieux. Mettre fin d'ici 2040 aux emballages à usage unique en France. Ce, alors même que le pays fait figure de mauvais élève à l'échelle européenne, avec 23 % seulement de plastique recyclé contre 40 % en Europe. Et moins de 1 % des emballages réemployés, pour un objectif de 10 % en 2027.

Les petits pas risquent bien de ne pas suffire. D'où la volonté du gouvernement d'accélérer, notamment sur le sujet de la consigne en verre abandonnée à partir des années 1960 au profit du plastique jetable, une manne économique qui s'est depuis muée en problème écologique majeur.

C'est ainsi que le 22 juin 2023, la secrétaire d'État à l'écologie Bérengère Couillard annonce le lancement d'une expérimentation sur le sujet. Une annonce qui crispe quelque peu les élus locaux - reprochant au gouvernement un manque de concertation -, mais qui réjouit bon nombre de structures œuvrant depuis plusieurs années au retour de la consigne.

76 % d'émissions de CO2 en moins

Parmi elles, l'association l'Incassable, initiée en 2020. « Cela fait un moment que je considère comme une aberration le fait de détruire des bouteilles, de les refondre pour ensuite les refabriquer », raconte Camille Chanson, co-fondatrice de l'Incassable.

Une intuition déjà vérifiée en 2018 par l'Ademe qui, dans une étude comparative portant sur dix dispositifs de consigne de réemploi, assure que tous ont « une bonne performance environnementale », c'est-à-dire une performance égale ou meilleurs que les autres solutions à usage unique. Se fondant sur des initiatives locales, l'Ademe estime ainsi que « le réemploi du verre consomme 79 % d'énergie en mois que son recyclage, 51 % d'eau en moins, et émet 76 % moins de Co2 », précise Camille Chanson.

Partant de ce constat, elle contacte le réseau national Consigne qui fédère différentes initiatives partout en France. Elle apprend qu'il existe déjà une structure sur son territoire : la Consigne de Provence, mais celle-ci ne propose, à ce moment-là, pas de solution réellement opérationnelle. Et elle n'est par ailleurs pas présente à Marseille, important bassin de consommation.

Camille Chanson décide donc de fonder son association. L'Incassable voit le jour. « À terme, nous avons vocation à évoluer en société coopérative de type Scop ou Scic. Mais pour l'heure, ce statut associatif nous permet de mettre l'accent sur l'utilité sociale du projet même s'il s'agit d'une activité économique. L'enjeu, pour le moment, est de valoriser le collectif, les différentes parties prenantes de la filière ».

Un écosystème à enrichir

Parmi ces parties-prenantes, des brasseries, avec qui l'association noue ses premiers partenariats en 2020-2021. « Les brasseries ont été relativement faciles à convaincre. C'est une typologie de producteurs engagés ».

L'Incassable parvient ensuite à trouver des accords avec des vignerons. « Nous accompagnons les producteurs pour qu'ils utilisent des bouteilles conformes et aptes au réemploi ». Travail que mène également l'éco-organisme Citéo, chargé par l'État de gérer les emballages. « Cette première étape demande une adaptation technique qui peut générer, à court terme, un surcoût. Mais sur du plus long terme, nous nous engageons à ce que la consigne coûte moins cher aux producteurs que l'utilisation de bouteilles à usage unique ».

L'incassable, qui reçoit de ses fabricants partenaires un forfait en échange de l'accompagnement proposé, travaille pour l'heure sur un modèle unique de bouteille pour les bières, et sur quelques modèles pour les vins et jus. Quid des bocaux en verre ? « Nous verrons plus tard car les formats sont très différents et il est plus difficile de les standardiser ».

En plus de ces producteurs, l'association tisse un réseau de partenaires de collecte : des magasins chargés de vendre les bouteilles consignées -agrémentées d'une petite étiquette jaune pour être reconnaissables- puis de les récupérer en vue de leur réemploi. « Nous travaillons avec une cinquantaine de magasins : beaucoup de magasins bio, des épiceries, des lieux de vente de producteurs, des caves à vin... ». Des magasins qui paient une cotisation pour contribuer au développement de la filière.

Une fois collectées, les bouteilles usagées sont récupérées par des transporteurs. Une tâche réalisée par une entreprise d'insertion et, dans les zones à faibles émissions, par des sociétés de cyclo-logistique.

L'enjeu du lavage des bouteilles

Reste enfin l'étape du lavage, qu'il faut pour l'heure sous-traiter à des sociétés installées à Valence et à Montpellier. « Pour l'instant, nous nous appuyons sur ces outils qui sont encore en sous-capacité. Mais à terme, l'idée est de développer un outil de lavage en  Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pour cela, il faudra que nous collections des volumes suffisants de bouteilles ». D'autant que, comme le souligne l'Ademe, la viabilité de ces projets repose en partie sur la présence d'une station de lavage à moins de 400 kilomètres des points de collecte. Autres facteurs clés de réussite de ce type d'initiatives mis en avant par l'Ademe : une consommation en eau maîtrisée et un nombre important de réutilisations pour chaque bouteille.

Ce qui implique un travail de sensibilisation afin de remettre le réemploi au cœur des habitudes de consommation. Travail que mène évidemment L'incassable, qui revendique pour l'heure, moins de six mois après la mise en place de la consigne sur son territoire, « un taux de retour de 50 % ». Elle mise notamment sur la consigne monétaire pour améliorer ce résultat. Et vise un objectif de 2 millions de bouteilles collectées et réemployées d'ici cinq ans, contre 75.000 prévues pour 2023.

Parmi ses autres priorités : poursuivre l'accompagnement des producteurs, de même que la multiplication de ses points de collecte. Une fois son activité et son modèle économique consolidés, elle pourra se muer en société coopérative, et peut-être se lancer dans son projet d'installation d'une station de lavage en région.

Soutenue par l'Ademe et les collectivités locales (Région Sud, Métropole Aix-Marseille Provence), l'Incassable espère ainsi contribuer à la transformation des pratiques de production et de consommation. Avec la conviction que les problèmes globaux ne pourront être résolus sans solutions locales. Profondément ancrées aux écosystèmes territoriaux.

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