Quel modèle de transition énergétique pour l'Afrique ?

Forte de ses ressources naturelles en énergies et en matières premières, l'Afrique est prête à jouer un rôle central dans les transitions mondiales. Pour les acteurs du Forum Europe-Afrique, organisé ce 7 mai à Marseille par La Tribune et La Tribune Afrique, l’Europe peut coopérer à ces transformations qui doivent aussi bénéficier à l’économie locale et aux habitants. Posant ainsi la question d'un modèle plus décentralisé que centralisé.
(Crédits : DR)

Dans la province de Ouarzazate, au Maroc, un complexe solaire inauguré en 2016 connaît depuis plusieurs phases d'agrandissement successives. Un projet qui incarne les ambitions de l'Afrique pour devenir un lieu clef de la production d'énergies renouvelables pour les prochaines années. « Le potentiel est énorme », avance Nasser Kamel, secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée, lors du forum Europe-Afrique organisé par La Tribune et La Tribune Afrique. Pour le solaire, l'argument de l'ensoleillement est évident, mais c'est loin d'être le seul pour le diplomate égyptien qui évoque des coûts de main d'oeuvre moins élevés et une importante disponibilité des terrains.

Des atouts qui n'échappent pas aux pays de ce continent puisque certains visent une forte part des ENR dans leur mix énergétique à venir. « 50% pour le Maroc et 45% pour l'Égypte », illustre Nasser Kamel. Un tableau idyllique, mais qui peine encore à prendre forme sur le terrain. « Il manque le petit truc en plus », lâche Elisabeth Moreno, présidente de l'association Leia Partners et présidente de Ring Africa. L'ancienne ministre sous le gouvernement Castex constate que les financements européens pour soutenir ce développement ont du mal à arriver. « Plusieurs pays situés à plusieurs milliers de kilomètres de l'Afrique viennent investir, mais pas l'Europe alors qu'il n'y a que 14 kilomètres qui séparent les deux continents (au détroit de Gilbraltar, NDLR) », regrette-t-elle en écho à la présence affirmée de capitaux asiatiques. Elle rappelle qu'en 2009 puis 2015, l'Union européenne avait déjà promis des enveloppes conséquentes pour l'Afrique. « Nous nous posons encore la question aujourd'hui, nous connaissons les réponses mais l'argent n'est pas là », tacle Elisabeth Moreno.

Des fonds anglophones

La situation est le fruit de multiples facteurs comme celui des a priori négatifs à propos de la transparence, l'instabilité politique ou la corruption. Le contexte mondial a aussi changé. « L'Europe a pris le choc de la guerre en Ukraine et s'adapte désormais pour être auto-suffisante ce qui empêche le départ important d'investissements et de transferts de technologies », juge Nasser Kamel. Face à ce vide, le secteur privé prend le relais. Aujourd'hui, les fonds d'investissements qui viennent en Afrique « sont plutôt anglophones », observe Elisabeth Moreno. Et donc plutôt orienté vers le Nigeria, le Kenya ou l'Afrique du Sud plutôt que sur la partie francophone du continent.

Pour lancer le mouvement, Elisabeth Moreno espère que les « gouvernements donneront des règles claires » afin de favoriser la venue d'investisseurs. Une position que rejoint Gianmarco Monsellato, CEO de Deloitte en France et en Afrique francophone. « Il faut une fiscalité lisible et stable », présente-t-il, appelant l'Europe à profiter du potentiel de l'Afrique face à la concurrence de pays des autres continents. « Pour l'Afrique, elle doit faire attention à ne pas trouver des partenaires qui viennent seulement récupérer des ressources », ajoute-t-il.

Electrifier l'Afrique

Tout l'enjeu pour le continent africain est de bénéficier des besoins croissants de la transition écologique. « L'Afrique peut engager son rattrapage économique sur la décarbonation, c'est un avantage considérable », défend Christian Yoka, directeur Afrique de l'agence française de développement (AFD). Y parvenir nécessitera de répondre à l'enjeu de l'électrification. « Le lien entre consommation d'énergie et croissance du PIB est établi », enchaîne Christian Yoka qui pointe un sujet « fondamental » pour le développement économique et « pour répondre aux besoins premiers humains ».

« 70% de la population urbaine en Afrique utilise du gaz à pétrole liquéfié qui utilise des ressources de plus en plus rare et subit la volatilité des prix. De nombreux ménages se trouvent en difficulté et ne peuvent plus utiliser leur bouteille de gaz pour cuisiner », illustre Nadia Benalouache, géographe, chercheuse et spécialiste des énergies renouvelables des université d'Aix-Marseille et de Sfax en Tunisie. Où quand les grands projets sont certes nécessaires mais quand répondre aux besoins les plus fondamentaux est l'enjeu-clé.

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