La stratégie des Alchimistes Provence pour mieux valoriser les biodéchets

Appartenant au réseau national des Alchimistes, cette entreprise de l'ESS installée à Marseille assure la collecte de biodéchets de diverses entreprises. Biodéchets qu'elle envoie ensuite vers une plateforme de compostage partenaire. Une tâche qu'elle prévoit néanmoins d'internaliser avec la création imminente d'une plateforme en propre, à condition de trouver le terrain nécessaire.
(Crédits : DR)

Onze heures. Le ballet des Alchimistes provençaux est déjà bien entamé.

Non loin de la station de métro Gèze, dans un quartier appelé, après des années d'abandon, à se moderniser dans le cadre du projet d'aménagement Euroméditerranéenne, des dizaines de poubelles sont vidées puis rangées avant d'être envoyée dans un hangar. Des poubelles de 35 ou 120 litres, récupérées chez les clients des Alchimistes, soit en camion, soit en vélo. « On vide leur contenu dans une grosse benne », explique Gaetan Quaresma, chef de projet. Un contenu qui est trié à la main, et soigneusement évalué. « On vérifie qu'il n'y a pas de microplastiques par exemple. Et on fait un retour au client sur la qualité du tri ». Mieux ses déchets sont triés, moins il paiera.

S'ensuit un voyage en camion jusqu'à une station de compostage partenaire, à Ensuès-La-Redonne, à une trentaine de minutes d'ici.

Quant aux poubelles, elles sont rendues à l'expéditeur, qui les renverra sitôt remplies.

Voilà quatre ans que cette mécanique est huilée. « Les Alchimistes Provence ont été créés en 2019 par Lorraine Guers », explique Gaëtan Quaresma. L'entreprise ne naît pas de nulle part. Au niveau national, existe un réseau des Alchimistes à qui il est possible d'acheter une licence de marque. C'est ce que fait Lorraine Guers en créant cette entreprise à Marseille. Une ntreprise relevant de l'Économie sociale et solidaire, revendiquant un agrément d'Entreprise solidaire d'utilité sociale (Esus). Une façon d'affirmer le double engagement de l'entreprise. Sur le plan environnemental, comme sur le plan social.

Impact social et environnemental

Sur le plan social d'abord, Les Alchimistes Provence veut offrir à des personnes issus de parcours d'insertion un premier emploi pérenne. « Nous avons dix salariés en contrat impact ». Des profils plutôt jeunes, issus de quartiers prioritaires de la ville.

Sur le volet écologique ensuite, les Alchimistes Provence ont une ambition. Celle de mieux valoriser les biodéchets. Un enjeu important alors que cette valorisation est faible chez les acteurs classique du déchet. « Ces gros acteurs collectent les déchets avec d'énormes camions et les emmènent loin des villes ». Avec toutes les émissions de gaz à effet de serre que génère de tels transports. De plus « leur taux de valorisation est relativement bas ». Si, dans une benne, des micro-plastiques se sont glissés entre les déchets alimentaires, l'ensemble est enfoui ou incinéré. « Nous avons pris le contre-pied de cette approche en nous rapprochant des bassins de production de déchets en centre-ville, avec des solutions plus agiles ». Vélos et petits camions pour les zones urbaines. Et au départ de l'aventure, Les Alchimistes Provence prévoient même de localiser leurs plateformes de compostage au cœur de la ville. Trop ambitieux. « C'était trop compliqué à mettre en place. Ce n'était pas rentable ». À la place, l'entreprise opte pour une autre solution, provisoire. « C'est une structure partenaire qui assure le compostage. Nous sommes la seule antenne des Alchimistes à ne pas le faire en propre car ici, la pression foncière est trop forte ».

Vers une internalisation du compostage

Mais cette anomalie devrait être corrigée d'ici l'an prochain avec l'ouverture d'une plateforme de compostage en propre. Reste à trouver le terrain idoine : 10.000 mètres carrés dans les Bouches-du-Rhône. Ce qui permettra de réaliser des économies.

Parmi les clients des Alchimistes Provence : des restaurants, des hôtels, des entreprises de l'agroalimentaire, des maisons de retraite ... Certains ont été poussés à trouver une solution du fait de la loi Agec qui imposait, dans un premier temps, aux entreprises produisant plus de dix tonnes de biodéchets de les trier. « À ce moment-là, nos clients n'étaient pas nombreux à être concernés. Mais nous avons pu compter sur des restaurateurs engagés, des épiceries bio ». Puis la loi a élargi son champ d'application aux entreprises produisant plus de cinq tonnes annuelles de biodéchets en 2023. Et à tous, particuliers y compris, en 2024. Un marché que ne devrait pas couvrir les Alchimistes Provence, la Métropole d'Aix-Marseille ayant décidé de s'en charger.

Déploiement en vue

D'ici là, l'entreprise se prépare à un déménagement de sa plateforme marseillaise vers un autre site du 14e arrondissement de la ville. 1800 m² contre 600 m² aujourd'hui. Et une ergonomie améliorée. Qui devrait lui permettre de passer de 1500 tonnes de déchets traités par an à une fourchette allant de 5000 à 10.000 tonnes. L'entreprise dispose par ailleurs depuis 2023 d'une seconde plateforme de tri à Aix-en-Provence. Et prévoit d'en ouvrir une à Avignon entre 2024 et 2025.

Des perspectives qui permettent à l'entreprise d'envisager une équipe d'une trentaine de personnes d'ici 2024, avec un chiffre d'affaires qui passerait de 360.000 à 500.000 voire 600.000 euros. De quoi peser plus lourd pour l'entreprise qui entend bien faire changer les pratiques. Et faire es Provençaux de bien meilleurs élèves du tri. D'où de nombreuses actions de sensibilisation auprès d'écoles, d'entreprises. Et une action de plaidoyer au niveau national.

Parmi les messages clés du réseau des Alchimistes : celui de la nécessaire préservation des sols, malmenés par l'usage d'engrais azotés. Ceux-ci émettent ainsi du protoxyde d'azote, un gaz à effet de serre environ trois cent fois plus polluant que le CO2.

À l'inverse, l'ancestrale pratique du compostage permet de préserver ces sols. Et elle se montre plus résiliente face aux tensions du marché. « Du fait de la crise énergétique, il est devenu difficile de produire de l'azote et certaines des plus grandes usines qui en fabriquaient ont été contraintes de fermer. Le compost a subi des hausses de prix, mais l'impact est moindre ».

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.