« Le financement participatif diffuse une culture du lien social » (Arnaud Burgot - Ulule)

Créée en 2010, la plateforme s'est imposée dans le domaine du financement participatif, d'abord dans le milieu de la culture, puis dans la solidarité et l'entrepreneuriat. À cette activité se sont ajoutées une boutique, de la formation ainsi que de la mise en relation entre petites structures et grands groupes. Des activités au travers desquelles l'entreprise à la chouette prône une consommation plus responsable sur les plans sociaux et environnementaux.
Certifiée Bcorp et membre du réseau Impact France, la plateforme de financement participatif veut défendre une consommation plus responsable. Et à travers cela contribuer à rendre l'économie plus solidaire et plus soutenable.
Certifiée Bcorp et membre du réseau Impact France, la plateforme de financement participatif veut défendre une consommation plus responsable. Et à travers cela contribuer à rendre l'économie plus solidaire et plus soutenable. (Crédits : DR)

Comment valoriser la cohésion sociale ? La préservation de la biodiversité ? La beauté ? Voilà une question à laquelle notre économie a souvent du mal à répondre, laissant parfois, avec peu de moyens, ceux qui portent des projets en ce sens.

C'est à cela que veut remédier Ulule, plateforme de financement participatif devenue l'une des plateformes incontournables en France. L'entreprise, qui emploie 50 personnes et réalise un chiffre d'affaires de 6 millions d'euros, a pour emblème une chouette et ce n'est pas un hasard.

« La chouette voit loin, explique Arnaud Burgot, directeur général de l'entreprise. Elle voit dans le noir. Elle voit ce que les autres ne peuvent pas voir ». Comme elle, Ulule s'attelle à repérer des projets solidaires et écologiques qu'elle met en lumière auprès d'une communauté de citoyens. Citoyens qui peuvent choisir de soutenir ces projets en les finançant - avec ou sans contrepartie en nature - en fonction de leurs valeurs et de leurs passions.

L'idée germe dans les années 2000. Alexandre Boucherot - qui deviendra plus tard le cofondateur d'Ulule - crée Fluctuat.net, un webzine culturel où l'on trouve du contenu gratuit. En réponse à une demande de ses visiteurs, le site se dote de nouveaux services : en échange de leur souscription, on peut désormais permettre à des créateurs de fabriquer de nouveaux contenus auxquels on aura dès lors accès. « Les gens pouvaient payer en ligne mais c'était encore peu développé. Alors Fluctuat.net recevait beaucoup de chèques. C'est là qu'Alexandre s'est rendu compte que les gens étaient prêts à financer des choses via internet, dans le but de leur permettre d'exister » .

Ulule

Arnaud Burgot, directeur général d'Ulule @DR

« Nous avons digitalisé la love money »

Puis Flucuat.net est achetée par Doctissimo, qui est elle-même incorporée au groupe Lagardère Active. C'est là qu'Alexandre Boucherot rencontre l'autre cofondateur d'Ulule, Thomas Grange.

L'arrivée des réseaux sociaux, en 2008, sonne comme le déclic. « L'idée d'une plateforme de financement participatif est revenue à Alexandre car les réseaux sociaux sont un outil utile pour propager, créer des communautés, faire des gens des ambassadeurs ».

En juillet 2010, la première version d'Ulule voit le jour. Arnaud Burgot s'est joint aux deux associés. « Nous avons reçu un très bon accueil auprès de certains publics, en particulier le secteur culturel ». La musique, mais aussi l'audiovisuel et le spectacle vivant. « Beaucoup de projets proposés étaient le fait de jeunes qui sortaient d'écoles et avaient besoin d'argent pour faire leurs preuves ».

Alors qu'ils auraient auparavant fait appel à leurs proches pour collecter les fonds nécessaires, ils ont désormais face à eux « une plateforme standardisée très facile à diffuser. Nous avons digitalisé la love money. C'est une pratique qui a toujours existé mais qui se limitait à un cercle restreint et qui nécessitait d'avoir une certaine gouaille ».

Ici, plus de monde peut être mobilisé, pour un don moyen de 50 euros. « Les profils des contributeurs sont très variés. On pourrait penser qu'il s'agit d'un public jeune. Mais ce sont plutôt des personnes de plus de 35 ans, bien installées dans la vie. On trouve également beaucoup de retraités ». Parmi les principales motivations évoquées par ces contributeurs à l'occasion d'une étude d'impact : le soutien à une personne de l'entourage plus ou moins direct, l'affinité d'un projet avec leurs valeurs et passions, tandis que la contrepartie n'arrive qu'en troisième position.

Avec le temps, Ulule prend de l'ampleur, s'étendant au champ de la solidarité puis de l'entrepreneuriat. « Les premières années, la culture représentait 70 % des financements collectés. Aujourd'hui, c'est environ 25 %, autant que la solidarité ».

La moitié restante repose sur le financement d'activités entrepreneuriales. Des activités portées en grande majorité par des petites et moyennes entreprises qui recherchent, en plus d'un financement, à muscler leur notoriété. Ulule fait ainsi de plus en plus souvent figure de rampe de lancement pour de jeunes sociétés.

« 70 % des entreprises qui proposent des campagnes de financement le font pour accompagner leur création. 30 % le font pour lancer un nouveau projet ou une nouvelle marque ».

Pour financer son fonctionnement, l'entreprise prélève une commission de 8 % sur les montants collectés, en cas de succès uniquement. « Nous ne voulons pas mettre de barrières à l'entrée ». Et le financement participatif n'est qu'un des quatre piliers de son modèle économique.

En plus du financement participatif, une boutique et de la formation

Depuis 2021, s'ajoute en effet à son activité une boutique de produits sélectionnés pour leurs vertus sociales et environnementales. Une boutique qui propose 10.000 références, et qui a été quelque peu chamboulée par l'épisode d'inflation.

« Parce qu'ils sont plus vertueux sur les plans environnemental et social, les produits de notre boutique coûtent en moyenne 20 à 50 % plus cher que les autres. Alors comme tout le secteur de la consommation responsable, nous avons souffert du resserrement des budgets des ménages ».

Preuve en est : sur les 340 vendeurs présents sur sa plateforme, une cinquantaine a dû mettre la clé sous la porte. « Mais nous continuons car nous sommes convaincus que la consommation responsable est un sujet de long terme, qui va dans la bonne direction ».

Ulule dispense aussi depuis 2020 des formations à distance. Façon de compléter l'accompagnement proposé aux porteurs de projet. « Chaque année, nous recevons 25.000 propositions de projets de financement participatif et seuls 5.000 à 7.000 se lancent. Parmi ceux qui n'y parviennent pas, beaucoup ont envie mais manquent de maturité pour passer à l'action ». En 2023, 700 personnes ont ainsi été formées par Ulule. Qu'il s'agisse de marketing digital, de perfectionnement en matière de financement participatif ou de bilan de compétence.

Enfin, si les petites structures sont largement dominantes dans les campagnes de financement participatif et dans la boutique d'Ulule, l'entreprise entretient également des relations avec de grands groupes à travers Ulule partenaires. « Nous travaillons avec des entreprises comme Engie, Intersport ou la Maif sur la mise en place de bourses participatives autour de diverses thématiques. Nous sourçons les projets passés par Ulule ou dans notre réseau et nous leur proposons de candidater à ces bourses qui peuvent prendre la forme de dotations financières ou de gain de visibilité ». Vingt à trente partenariats sont ainsi conclus chaque année.

Modifier les comportements d'achat pour transformer l'économie

Treize ans après sa création, Ulule n'est évidemment plus seule sur le marché des financements participatifs. « Il y a eu plusieurs vagues de créations de plateformes de ce type. Beaucoup ont émergé entre 2013 et 2018, dont certaines se rapprochaient fortement de notre modèle ». Un phénomène qui se tasse ensuite, les porteurs de projet privilégiant les plateformes les plus fréquentées. « Cela n'a pas de sens d'avoir des porteurs obligés de s'inscrire sur huit plateformes différentes ». Les acteurs se spécialisent. Certains sites prospèrent grâce à leurs fonctionnalités d'abonnement ou de souscription. Fonctionnalités que prévoit d'ailleurs de développer Ulule.

L'essor de ces plateformes est-il vecteur de transition vers une économie moins inégalitaire et plus respectueuse des équilibres naturels ?

« Intrinsèquement, le financement participatif diffuse une culture du lien social. Les gens donnent sans intérêt financier. C'est un acte altruiste, et en cela c'est positif ».

Néanmoins, toutes ces plateformes ne sont pas nécessairement vigilantes quant au contenu de des campagnes de financement qu'elles permettent. « À Ulule, nous éliminons d'emblée tous les projets dont les porteurs tiendraient des propos xénophobes, complotistes ; ou qui feraient de la désinformation ». Un travail pas toujours aisé, car « les influenceurs d'ultra droite savent jouer sur les zones grises ».

Et au-delà de ces situations, la plateforme cherche à faire la promotion d'une consommation plus responsable. Notamment au moyen de sa newsletter envoyée chaque semaine à un million de personnes. « Nous avons de fait un rôle de média. Notre mission est de donner des ailes à celles et ceux qui agissent pour un monde plus créatif et plus durable ».

D'où l'obtention de l'exigeante certification Bcorp, Ulule faisant partie des vingt-cinq premières entreprises françaises à l'avoir obtenue. « Nous sommes également membres du mouvement Impact France ». Avec l'idée de sortir de ce qu'Arnaud Burgot qualifie « d'enfance du capitalisme », à savoir un système économique dans lequel la première finalité des entreprises serait la réalisation de profits. « Si on ne sort pas de ce modèle-là, on continuera d'avoir des entreprises qui cherchent à payer leurs salariés sans cesse moins cher, à délocaliser, à acheter des matières premières produites dans des conditions néfastes pour les humains et la planète. C'est un nivellement par le bas ». Pour en sortir, la créativité sera essentielle. De même qu'une bonne dose de solidarité. Et sans doute la vision à toute épreuve d'une chouette.

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