« Action cœur de ville donne aux collectivités les moyens de concrétiser leurs ambitions » (Alexis Rouque, Banque des Territoires)

« Améliorer la qualité de vie des villes moyennes » et « conforter leur rôle moteur dans le développement des territoires », voilà les ambition du programme Action cœur de ville enclenché en 2018 à destination des villes moyennes souhaitant revitaliser leur centre. Un programme décliné dans treize communes de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Communes qui, au terme d'une première phase de mise en marche de projets structurants, se projettent sur la seconde. Au programme : une prise en compte accrue des enjeux environnementaux mais aussi l'élargissement du périmètre d'action aux entrées de ville et quartiers de gare.
Impactée par le départ de ses casernes militaires, Briançon s'appuie sur le programme Action cœur de ville pour réinventer son centre.
Impactée par le départ de ses casernes militaires, Briançon s'appuie sur le programme Action cœur de ville pour réinventer son centre. (Crédits : DR)

L'appellation est contestée mais ici, on la qualifie volontiers de « plus haute ville d'Europe ». Culminant à 1.326 mètres d'altitude, la ville fortifiée de Briançon, dans les Hautes-Alpes, voit son destin basculer au XIXème siècle. Installation de casernes militaires. Arrivée du train et congés payés qui font d'elle une destination touristique prisée, à deux pas de la station de ski de Serre-Chevalier.

Mais au début des années 2000, cette commune de 12.000 habitants est obligée de se réinventer. En cause, la réforme de la carte militaire qui a vidé ses casernes et avec elles les rues de son centre, ses cours d'école...

« Dans le même temps », complète son maire Arnaud Murgia, « nous avons comme beaucoup souffert de l'essor des supermarchés, d'un habitat devenu vétuste ». S'ajoute à cela une forte irrégularité dans l'occupation de la ville au gré des vagues touristiques.

Mais aujourd'hui, la ville se réinvente. Trois des quatre bâtiments de ses anciennes casernes s'apprêtent à reprendre vie. « Nous allons les réhabiliter pour installer une nouvelle cité administrative et deux projets hôteliers ». À savoir une auberge de jeunesse ainsi qu'un hôtel quatre étoiles. Projets dont la concrétisation doit beaucoup au programme Action cœur de ville.

Remettre les villes moyennes au cœur de la construction du territoire

Initié en 2018 à l'initiative du Ministère de la cohésion des territoires, Action cœur de ville vise à « améliorer la qualité de vie des villes moyennes » et « conforter leur rôle moteur dans le développement des territoires ». Aux côtés de l'État, des acteurs comme la Banque des territoires qui intervient selon plusieurs modalités, comme l'explique Alexis Rouque, directeur régional en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

« Nous finançons l'ingénierie car ces villes ont besoin de ressources pour engager une stratégie qui articule à la fois les enjeux d'aménagement urbain, de logement, d'attractivité, de commerce... » Car la reconquête d'un centre-ville est multifactorielle. Au niveau régional, 3,8 millions d'euros ont été investis à ce titre.

En parallèle, la Banque des territoires a accordé dans le cadre du programme 31 millions d'euros de prêts, « soit grâce à de l'argent des livrets A, soit sur les ressources propres de la Caisse des Dépôts ». Prêts qui ont vocation à « financer l'investissement des collectivités locales ». Enfin, la Banque des territoires a investi directement 33,3 millions d'euros en fonds propres dans des projets lorsque cela était nécessaires pour faire « sortir des opérations complexes ».

Ainsi, ce sont treize communes de la région qui ont été accompagnées. Les collectivités locales étant, comme le précise Alexis Rouque, « les véritables actrices du programme. Les porteuses qui construisent le projet. Action cœur de ville c'est d'abord un ou une maire, avec une vision. Nous, nous sommes là en appui pour faciliter les opérations ».

Redynamisation commerciale

Des opérations qui vise notamment la redynamisation commerciale, avec la mise en place dans plusieurs communes - à des stades plus ou moins avancés à ce jour - de foncières de redynamisation commerciale. « Il s'agit de sociétés que l'on crée pour acheter des commerces et les sortir de la vacance ». Une vacance généralement forte dans les communes intégrées au programme.

« A Manosque », explique le maire Camille Galtier, « la vacance commerciale atteint 20 % en centre-ville ». Une vacance qui va de pair avec une paupérisation du cœur de ville, les deux phénomènes s'auto-entretenant. A Grasse, la vacance commerciale est plus forte encore : 25 %, quant la moyenne nationale est de 12 %.

Mais ces foncières ne peuvent fonctionner que si elles s'inscrivent dans une stratégie globale au service de la qualité de vie dans ces centres souvent construits selon « des plans urbains hérités du Moyen-Âge », comme le rappelle Alexis Rouque, « avec des rues étroites, un stationnement difficile, peu d'espaces verts ». En résulte « un décalage entre les usages urbains des Français d'aujourd'hui et ce que proposent ces villes ». Pas question, évidemment, de remettre en question le patrimoine historique qu'il s'agit plutôt de revitaliser dans de nombreux projets. Mais d'améliorer ce qui peut l'être. En proposant par exemple de nouvelles mobilités, plus douces, comme c'est le cas au fil d'un itinéraire patrimonial et commercial mis en place par la Ville d'Arles. Itinéraire qui propose par ailleurs d'installer des îlots de fraîcheur grâce à la plantation d'arbres. Un sujet qui mobilise également Manosque. « Les problématiques environnementales sont très prégnantes avec des ilôts de chaleur très prégnants », explique ainsi Camille Galtier dont la ville doit se parer de nombreux arbres et d'un jardin dans un cœur de ville voué à devenir beaucoup plus piéton.

Parmi les projets menés dans les treize communes de la région, Alexis Rouque note également bon nombre d'actions ayant attrait au développement de l'offre médico-sociale avec la création d'Ephad ou de résidences pour personnes âgées, dans une volonté « d'accompagner la transition démographique des villes et de créer les conditions pour mieux vieillir là où on veut vivre ».

Autre sujet important : la rénovation thermique des bâtiments publics, qui permet aux villes de réduire leur consommation d'énergie. « Il peut s'agir d'écoles, de piscine municipale ou encore d'éclairage public ».

A Manosque, une vacance commerciale passée de 20 à 10 %

Enclenchés en 2018, les programmes Action cœur de ville ont parfois été retardés par le covid-19. C'est le cas à Manosque ou à Briançon par exemple. Mais déjà, de premiers éléments permettent de tirer un bilan plutôt positif du programme.

Les chiffres sont encore rares. Cependant, à Manosque, ils sont très parlants. « Sur le logement, nous avançons bien », à la fois sur les réhabilitations - 150 logements réhabilités sur cinq ans - et sur la résorption de la vacance résidentielle. « Grâce à la Banque des territoires et à Action Logement, nous pourrons créer une cinquantaine de nouveaux logements sur cinq îlots qui sont inoccupés ». Quant à la vacance commerciale, elle est passée de 20 à 10 % en trois ans. « Nous avons eu 60 ouvertures nettes sur un total de 500 commerces, ce qui est significatif ».

A Briançon, Arnaud Murgia assure que les différents projets enclenchés n'auraient pas pu être mis en œuvre sans le soutien du programme, avec ses « 30 millions d'euros d'investissement public sur la ville ».

 « Une mobilisation de volontés et de moyens »

« Action Cœur de ville permet une mobilisation de volontés et de moyens sur ces territoires qui méritent qu'on s'intéresse à nouveau à eux », pense quant à lui Alexis Rouque. « Beaucoup d'opérateurs ont désinvesti dans ces territoires où il y a très peu de programmes immobiliers neufs et où le risque est important pour les investisseurs. Action cœur de ville peut redonner envie d'y aller en limitant le risque ».

L'exemple de la restauration des casernes de Briançon en est un exemple. « Le financement de la Banque des territoires a permis d'enclencher un tour de table avec une banque privée », relève Arnaud Murgia qui se félicite de la capacité du programme à « mettre tout le monde autour de la table dans un territoire assez loin de tout ».

Une forme de décentralisation qu'il aimerait voir amplifier à l'avenir. D'autant que l'épidémie de covid-19 a provoqué un regain d'intérêt des citoyens pour ces villes moyennes. « A Briançon, avec l'essor du télétravail, on voit de plus en plus de couples qui travaillent à Grenoble mais ont choisi de vivre ici ».

« A court terme, le covid-19 a affaibli ses villes en fragilisant leur tourisme, leurs commerces de proximité »..., observe Alexis Rouque. « Mais à plus long terme, il a ouvert un débat sur la ville du futur. Et les villes moyennes offrent un bon compromis entre accès à la nature, commodités, possibilité de travailler à distance... L'épidémie a rebattu les cartes de l'armature urbaine de la France ». Armature que veut continuer d'équilibrer le programme dont s'ouvrira en 2023 la seconde phase. Une phase qui mettra les sujets environnementaux « sur le haut de la pile ».

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