Industrie  : Alto Solution veut « lever les barrières à l'adoption de la chaleur renouvelable »

Installée au sein du Technopole de l'Arbois à Aix-en-Provence, cette startup a développé une technologie qui lui permet de fabriquer de la chaleur solaire capable de remplacer 50 % à 80 % du gaz utilisé dans l'industrie, et ce, à un prix compétitif. Après avoir signé un premier partenariat avec l'entreprise agroalimentaire Le Coq noir, Alto Solution a entamé des discussions pour équiper d'autres industries de divers secteurs, en France comme en Espagne.
(Crédits : DR)

Tout remettre à plat. Voilà ce qu'a tenté de faire Alto Solution en se lançant sur le marché des centrales solaires à concentration. Avec l'ambition de décarboner efficacement l'industrie.

Car si l'électrification est souvent évoquée sur ce sujet, celle-ci ne permet pas de fournir aux industries la chaleur (de 100°C à 400°C) dont elles ont très souvent besoin. Que ce soit pour sécher, cuire et stériliser dans l'industrie alimentaire, dans les cosmétiques, ou la pharmacie. Ou encore pour blanchir du textile ou fixer des couleurs. « Les industries consomment trois fois plus de chaleur que d'électricité, explique Mehdi Berrada, cofondateur d'Alto Solution. La chaleur représente 51 % de l'énergie qu'elles utilisent, contre 17 % pour l'électricité. Si on veut avoir de l'impact, il faut donc agir sur la chaleur ».

D'autant que les solutions font défaut. « Il y a le biogaz, mais il est coûteux et génère des problèmes d'approvisionnement. Il y a la biomasse, avec le même type de contraintes. Et enfin le solaire à concentration qui permet de diviser par 12 les émissions de gaz à effet de serre par rapport au gaz naturel ». Sauf que cette technologie, bien que connue dès les années 1970, a été éclipsée au profit de l'énergie photovoltaïque, moins coûteuse à court terme, mais dont les capacités de stockage sont moindres. « Il existe encore des projets dans ce domaine. Notamment des projets publics. Mais nous avons choisi de nous positionner sur des projets à plus courte échéance, dans l'industrie ». Avec un mantra : celui de « lever les barrières à l'adoption de la chaleur renouvelable ».

Frugalité technologique...

Pour ce, Mehdi Berrada développe avec son associé, le docteur en sciences Mauro Pedretti, une technologie nouvelle. Au cœur de celle-ci, des « demi cylindres - auges paraboliques - qui concentrent les rayons du soleil dans un tube contenant un fluide caloporteur », capable de transporter la chaleur.

Pour fabriquer cette centrale : des matériaux relativement simples et accessibles. Alto Solution fait ainsi le pari du béton à la place de l'acier. « Par rapport à l'acier, le béton peut résister à des vents trois fois plus rapides. L'autre avantage de ce matériau est que le poids est réparti sur l'ensemble de la structure, ce qui nous permet de nous passer de fondations au sol ». Le démantèlement est ainsi plus aisé, et que l'infrastructure ne contribue pas à l'artificialisation du sol.

Au béton, il faut ajouter un peu de tuyauterie et du verre pour les miroirs optiques. De sorte que dans son ensemble, cette technologie utilise moins de matériaux que ses concurrentes directs. Elle se passe en outre « de silicium et de terres rares dont l'approvisionnement peut être sous tensions ».

alto solution techno

...pour une meilleure compétitivité prix

Autre détail et pas des moindres : pour la fabrication de ses miroirs, utilisés pour capter l'énergie solaire, Alto Solution a opté pour une technologie de cintrage à température ambiante, quand ses concurrents sont coutumiers des hautes températures. « Cela nous permet d'optimiser la qualité des miroirs et de réduire de 30 % leur coût ».

Autant d'ajustements dont découle une compétitivité-prix significative, et une maîtrise des coûts sur le long terme.

« Depuis la guerre en Ukraine, les industries sont par ailleurs sensibles aux enjeux d'indépendance énergétique ». Et sur ce point, Alto Solution leur offre également une garantie puisque les centrales sont installées sur les sites de production des industriels, ou tout du moins dans un rayon de 10 kilomètres.

De l'agroalimentaire à la pharmacie, en passant par le textile ou le papier

Parmi les secteurs d'activités que cible la startup : l'agroalimentaire, la chimie, la pharmacie, le textile, la cosmétique ou encore la fabrication de papier. « Dans ces secteurs, la chaleur représente 60 à 80 % de l'énergie utilisée ».

Et c'est dans l'agroalimentaire que s'effectue le premier pas d'Alto Solution sur le marché, grâce à un partenariat signé avec l'entreprise agroalimentaire le Coq noir, installée à l'Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse. Partenariat rendu possible par l'entremise des collectivités locales, et plus particulièrement de la Communauté de communes Pays des Sorgues-Monts de Vaucluse. Pour le Coq Noir, ce partenariat permettra de remplacer un peu plus de 70 % de sa consommation en gaz par de la chaleur renouvelable. « Le permis de construire est en phase de finalisation ». La mise en service est prévue d'ici l'été 2024.

Avec ce projet, Alto Solution entend s'offrir une vitrine et faire la preuve de l'intérêt de sa solution. Dès lors, elle espère signer des contrats pour des centrales « trois fois plus grandes » afin de réaliser des économies d'échelle. « Une quinzaine de discussions sont déjà en cours », assure Mehdi Berrada. Dans les différents secteurs visés par l'entreprise, en France, mais aussi en Espagne. « Ce pays nous intéresse parce qu'il est très proche, parce que l'ensoleillement y est idéal et aussi parce qu'historiquement, le solaire à concentration est une technologie bien connue là-bas ».

Un double modèle économique

Grâce à sa technologie, Alto Solution lève les barrières liées au coût de la fabrication de chaleur renouvelable et aux températures que peut atteindre cette chaleur. Mais elle veut aussi lever les freins en matière de financement de ce type de technologie grâce à un modèle économique reposant sur deux piliers.

« Nous proposons soit de vendre clé en main notre technologie aux industriels qui veulent l'acquérir et l'exploiter eux-mêmes, soit de passer un contrat dans lequel nous vendons l'énergie produite aux industriels. Cela dépend du choix du client, de sa capacité à s'endetter, de sa volonté d'être propriétaire de l'actif et de l'exploiter ». Dans le cas du Coq noir, c'est l'option vente d'énergie qui a été choisie, au travers d'un contrat de vingt ans.

Pour l'heure, Alto Solution s'appuie sur cinq salariés et trois consultants, et elle prévoit de recruter un chef de projet pour suivre le partenariat avec le Coq Noir.

Devrait s'ensuivre, d'ici fin 2024-2025, une levée de fonds de série A pour amplifier son essor commercial. Et par là même, son impact dans la décarbonation de l'industrie.

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