Comment la startup mexicaine Biomitech veut s’enraciner en Provence

Née au Mexique, cette startup développe des solutions de décarbonation et de dépollution de l’air s’appuyant sur des micro-algues. Alors que son concept s’est implanté dans le milieu urbain sur le continent américain, elle veut accélérer dans le traitement de l’air en milieu industriel. Un axe qu’elle entend développer en Provence, choisie pour la richesse de ses écosystèmes entrepreneuriaux, universitaires et industriels.
(Crédits : DR)

C'est au Mexique que Biomitech sort de terre. Carlos Monroy est microbiologiste. Sa spécialité, ce sont les microalgues, ces algues microscopiques que l'on utilise généralement dans les cosmétiques et compléments alimentaires. Mais ce qui l'intéresse, c'est un autre usage possible de ces algues.

Comme les arbres, celles-ci ont, pour grandir, besoin d'absorber du dioxyde de carbone qu'elles transforment ensuite en dioxygène. Ce qui leur permet de grandir, et d'absorber encore plus de dioxyde de carbone. Une propriété que l'entrepreneur veut exploiter pour décarboner l'air ambiant, et ainsi contribuer à lutter contre l'effet de serre et le réchauffement climatique qu'il génère.

Pour obtenir un maximum d'efficacité, l'entreprise sélectionne les micro-algues les plus gourmandes en CO2 et les croise afin d'obtenir « des bêtes de course », explique Franck Schanaerts, associé français de Carlos Monroy. De sorte que les micro-algues utilisées sont, en matière d'absorption du carbone, « cinq fois plus efficaces qu'une micro-algue classique ».

Ces petits algues avides de CO2 sont ensuite placées au sein d'une colonne dans laquelle l'air est absorbé avant d'être traité. La biomasse générée peut ensuite être utilisée pour la fabrication d'hydrogène ou de biogaz.

Ces colonnes « puits de carbone », l'entreprise en a imaginées trois modèles en fonction des marchés qu'elle cible.

Puits de carbone et dépollution

La première colonne, dénommée BioUrban, s'adresse, comme son nom le suggère, aux milieux urbains. « Elle mesure 4 mètres de hauteur et 2 mètres de diamètre ». Elle est en mesure d'absorber 80 % du CO2 présent dans l'air. Soit la capacité d'absorption de 300 à 3.000 arbres en fonction de leur taille. Mais pas question « d'opposer notre solution aux arbres », ceux-ci nous apportant d'autres services tout aussi essentiels que l'absorption de CO2. « Notre solution est pertinente dans des environnements déjà fortement artificialisés et pollués. Comme par exemple des rocades ».

BioUrban a déjà été implantée en Amérique du Sud et devrait prendre plus d'ampleur grâce à un appel à projet de l'ONU remporté par l'entreprise. « Nous allons installer 200 colonnes dans 35 capitales d'Amérique du Sud ».

Mais les micro-algues de Biomitech ne se contentent pas de capter du CO2. Elles sont aussi en mesure de traiter des polluants parmi lesquels les composants organiques volatiles (COV) que l'on retrouve particulièrement autour des lieux de stockage et de distribution d'hydrocarbures. C'est là l'objet de la seconde offre de l'entreprise : BioCov. Des prototypes ont été installés au Mexique et aux États-Unis où des législations obligent les pétroliers non seulement à capter leurs COV, mais aussi à les traiter, ce qui n'est pas le cas en Europe.

Le choix d'Aix-Marseille comme tremplin vers le marché des industriels

Enfin, l'entreprise s'adresse aux industriels en leur proposant de traiter leurs émissions grâce à une troisième solution pas encore mise sur le marché : BioFilter 1000. Cette dernière est censée traiter des volumes beaucoup plus importants d'air. « Avec BioUrban, on capte 60 tonnes d'air par an. Avec BioFilter 1000, ce sera 1 à 25 tonnes, mais par heure ». Et c'est avec cette solution que la valorisation de la biomasse en hydrogène ou biogaz pourra prendre une ampleur significative.

Pour mener à bien cet ambitieux projet, l'entreprise, qui avait jusque là constitué une société de recherche et développement en Angleterre, a choisi de s'implanter à Aix-en-Provence, au sein du Technopole de l'Arbois. « Nous avions plusieurs possibilités en Europe, mais c'est ici que notre installation avait le plus de cohérence », explique Franck Schanaerts, originaire de la région de Montpellier. « Il nous fallait des synergies avec le monde universitaire ». Or l'Université d'Aix-Marseille offre des perspectives intéressantes. « Nous avons déjà établis de premiers contacts mais n'avons pas encore développé totalement notre vision. On aimerait mettre en place des projets avec l'Université », notamment au travers de thèses Cifre. Parmi les sujets sur lesquels pourraient porter de telles coopérations : « la capacité des algues à produire de l'hydrogène ».

L'entreprise a également jugé opportun de s'installer à proximité du bassin industriel de l'étang de Berre où sont présentes de nombreuses entreprises de la chimie et de la pétrochimie qui pourraient être intéressées par ses solutions de dépollution.

Enfin, ce sont l'accueil et l'écoute du Technopole de l'Arbois qui ont fini de la convaincre.

Un enracinement en plusieurs étapes

Pour réussir son implantation, Biomitech prévoit dans un premier temps d'installer des colonnes BioUrban sur le territoire. « Nous sommes en discussion avec plusieurs sites. Nous espérons avoir des nouvelles dans les prochains mois ». Une fois ces premières  installations effectives, s'ensuivra pendant un semestre une phase d'études menée par un bureau de contrôle indépendant. Gage de crédibilité.

En parallèle, « nous travaillerons sur nos projets futurs et essaierons d'installer un premier pilote de BioFilter 1000 dans le courant de l'année ». Un projet pilote a d'ores et déjà été dessiné, mais il devra s'adapter aux demandes des clients.

« Dans un second temps, nous pourrons embaucher des personnes localement ». De sorte que d'ici deux ans, « nous aurions une dizaine de salariés en France ». Contre six personnes à ce jour à l'échelle mondiale, Franck Schanaerts étant le seul de l'équipe sur le territoire français.

Enfin, une fois l'activité bien enclenchée sur le territoire, se posera la question de la fabrication des colonnes. « Nous privilégions une production locale car il serait aberrant de vouloir absorber du carbone et de trop en émettre dans nos process ». Aucun partenaire n'a clairement été identifié pour le moment. « Mais nous savons de quels corps de métiers nous aurons besoin ». Reste l'assemblage : l'entreprise ne sait pas encore si elle le prendra elle-même en charge ou si elle l'externalisera.

La présence de l'entreprise à Aix-en-Provence est-elle aussi motivée par une volonté d'avoir un point d'ancrage en Europe pour mieux cibler les pays voisins ? « Nous avons déjà des demandes en Espagne ou au Danemark mais nous freinons. Nous voulons avant tout montrer notre implication sur le territoire provençal ». L'enracinement plutôt que la dispersion.

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