Emballages : ce Zéro Carbone nommé désir

Industrie, textile, alimentation, transport… la volonté d’une carbonation la plus neutre possible titille les esprits, passionne les équipes de R&D, sollicite les esprits innovants, inquiète et galvanise tour à tour les entrepreneurs. L’emballage – qui se retouve dans à peu près tous les gestes et objets du quotidien – n’échappe au questionnement. Nombreuses sont les initiatives et les startups qui expérimentent, tentent, testent… Mais entre les solutions – qui existent vraiment – et l’adoption par certains industriels eux-mêmes, il y a encore un grand pas qui doit être franchi. Ou comment la notion d’acceptabilité ne se trouve pas toujours là où on l’imagine.
(Crédits : DR)

L'emballage zéro carbone, mythe ou réalité, serait presque la question à se poser. Entre les bonnes volontés affichées, l'adoption pleine et entière de solutions existantes, les vraies-fausses bonnes idées... il y a encore des notions d'acceptabilité et des freins - divers - à lever comme l'a démontré le débat qui s'est tenu lors du dernier Transition Forum, à Nice, fin septembre.

« Nous sommes dans une économie linéaire : je produis, je consomme puis je jette » pose Martin Calmettes, co-fondateur et co-dirigeant d'Eco In Pack, « ce n'est pas soutenable et c'est pour cela qu'il faut changer la façon de faire ». Spécialisée dans le recyclage des bouteilles en verre, Martin Clamettes enfonce peut-être une porte ouverte mais une donnée - parmi d'autres - pose le sujet : la consommation annuelle est de 4 milliards de bouteilles en verre, rien que pour la consommation de vins et spiritueux. Sachant que la bouteille en verre pèse 70% de l'impact environnemental de ce qui est acheté par le consommateur. Pas question pour autant de jeter la pierre au verre - « matériau durable et réutilisable » - mais c'est bien sur ce dernier point que des efforts doivent être consentis. C'est à cela que contribue d'ailleurs la Eco In Pack, startup originaire de Cognac, en Nouvelle-Aquitaine, : la réutilisation du verre. Sachant que le réemploi, c'est « -76% de consommation d'énergie, -33% de consommation d'eau car laver des bouteilles d'eau consomme moins que de fabriquer des bouteilles neuves, avec au final, -79% d'émissions de gaz à effet de serre ».

Où le fond est la réindustrialisation

« Imaginer le plastique autrement et autrement qu'à base d'énergies fossiles » c'est le sujet qui préoccupe Wenael Regnier. Ce chef d'entreprise se pose la question lorsqu'il rachète une entreprise originaire de Monaco et équipementier automobile. S'ensuit une phase de R&D, où le plastique serait à base de canne à sucre pour réduire de façon « drastique » l'émission de Co2 de l'emballage traditionnel. Lequel emballage traditionnel de 25g, produit 70g de CO2. Sempack continue de rechercher toujours, des solutions vertueuses, à base d'algues ou de champignons. Mais il fallait aller plus loin, car « depuis 1960, l'industrie de l'emballage n'a pas produit d'innovation hormis le Doypack », souligne Wenael Regnier qui s'est mis à imaginer un nouveau type de packaging, « à mi-chemin entre un flacon de ketchup, un tube et un Doypack, qui permette une consommation jusqu'à la dernière goutte pour répondre à la problématique du gaspillage alimentaire et de l'émission de CO2 ».

Des solutions qui répondent aux besoins environnement et de sobriété, que celle-ci soit alimentaire ou énergétique. Mais en filigrane, il y a bien le sujet de la réindustrialisation. Ou d'une industrialisation souveraine. « Il faut se poser les bonnes questions », souligne Wenael Regnier. « On évoque souvent la logique de prix de revient, mais pas de celui du coût. Or si on travaille sur le coût complet, si l'on travaille sur l'évolution, sur les process, on se rend compte que l'on peut faire la même chose qu'avec des matériaux fossiles ». Sempack a par exemple travaillé sur les machines - les créant de A à Z - sur les matériaux - qu'ils soient plastiques ou papier. « Quand on fait l'analyse du cycle de vie, on se rend compte que nous avons un emballage qui va générer 260 grammes de CO2 d'économie. On peut faire des économies, mais tendre vers le zéro... »

Logique de la chaîne de la valeur

La question du juste emballage c'est aussi le sujet des entreprises qui défendent elles-mêmes le Made in France ou l'éco-conçu. Exactement le positionnement de Noliju, la marque d'activewear originaire de Sophia-Antipolis dont les collections et les vêtements de sports sont fabriqués à partir de fibres recyclées. Comment poursuivre la logique de l'éco-conçu jusqu'au bout, jusqu'à la livraison ? Où on se rend compte qu'entre la volonté et la disponibilité de solutions matures, il y a un pas. « Il est important d'être cohérent d'un bout à l'autre de la chaîne », défend Norah Luttway, sa fondatrice et dirigeante. Qui n'a pas toujours la solution idéale face à ses exigences. « Il y avait beaucoup de carton dans l'e-commerce. Il y en a encore beaucoup. J'ai voulu trouver une solution par rapport à cela. Aujourd'hui, je dispose de deux options. Soit je livre dans un packaging gratuit, élaboré à partir de fécule de maïs et donc compostable, soit j'utilise les packagings de Hipli, une startup basé au Havre, réutilisables jusqu'à 100 fois. Un packaging payant pour lequel je propose une charge partagée, à 1€ de la part Noliju et 1€ par nos clientes. Et généralement, les clientes sont d'accord pour payer le packaging payant ». Pas à 100% cependant et la dirigeante de la startup basée à Sophia-Antipolis d'expliquer que l'effort de communication est indispensable pour mieux faire connaître les solutions durables existantes, et cela, de la part des marques elles-mêmes.

Chez le Slip Français, on connaît bien le sujet aussi. Avec 600.000 produits fabriqués par an, vendus à 70% via le site e-commerce et 150.000 livraisons annuelles, autant dire que la question d'un emballage tout autant respectueux de l'environnement que les sous-vêtements de la marque s'est très vite posée. D'autant que dans un souci de bien faire, la startup propose dès le départ une jolie boîte bleue fabriquée à Paris dans une cartonnerie. Sauf que les clients conservant ce bel emballage se retrouvent vite avec beaucoup trop de boîtes estampillées le Slip Français. Changement de braquet pour un packaging papier... Si la startup a un temps collaboré avec EcoPack, la fin de parcours de celle-ci l'oblige à trouver une autre solution. Qui serait d'intégrer ce service en interne. En utilisant « des fins de rouleaux qui sont restés sur l'étagère, ce qui nous permettrait de refaire un packaging secondaire », explique Guillaume Gilbt et « peut-être proposer ce service à d'autres marques ».

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Emballe Zéro Carbone Transition Forum

Zéro carbone, rêve (éveillé) ou réelle possibilité ?

Si les bonnes volontés sont évidentes, dans la réalité, un emballage zéro carbone est-il vraiment possible ? « Tendre vers le zéro carbone n'est pas facile car le packaging n'est pas que là pour faire beau, il a une fonction de protection, de transport. Nous travaillons aussi sur des packs à base de dérivés d'algues. Le zéro est difficile à atteindre ».

Ce que confirme Martin Calmettes, qui rappelle que tout sujet de durabilité doit prendre en compte « l'analyse du cycle de vie ». Et que s'il est important de regarder la neutralité de l'emballage, il est tout aussi essentiel « de regarder dans sa supply chain, comment faire en sorte que les cartons envoyés pour la livraison seront réutilisés ».

Prévoir donc en amont est nécessaire mais reste le sujet de l'acceptabilité du côté de l'industriel lui-même. Comment convaincre, quand on est inventeur et dépositaire d'une solution la plus sobre possible ? La problématique n'est pas étrangère à Wenael Regnier. Pour le dirigeant de Sempack, « l'emballage est la dernière roue du carrosse, il nécessite des investissements industriels importants. C'est ce que l'industriel va changer en dernier... Et nous sommes sur des cycles de décision très longs. Il faut donc faire évoluer les mentalités et cela prend du temps. Nous, startup industrielle, sommes confrontées à des problématiques de moyens, de financement. Il y a un vrai marathon pour faire notre place ». Le changement de mentalité est aussi un des freins à lever, confirme Norah Luttway qui le dit bien « pour une partie de la population, cela change mais pour une autre partie, non. Tous les clients ne sont pas prêts à payer pour un emballage plus durable ». « La filière du recyclage doit aussi accélérer », ajoute Wenael Regnier, qui plaide pour un investissement commun, de tous les maillons de la chaîne. « C'est toute la supply chain qui va falloir mobiliser pour se mettre dans une démarche d'économie circulaire » redit Martin Calmettes, ce qui nécessite un management du changement, donneurs d'ordre et fournisseurs dans un même mouvement.

L'aiguillon, l'accélérateur pourrait bien venir du contexte actuel, entre coûts de l'énergie, des matières premières, du transport, avec un score environnemental qui arrive sur les produits... « cela aide à passer le cap », espère Guillaume Gibault.

Mais comme le veut l'adage, le mieux est l'ennemi du bien et la tentation est grande de passer d'une solution possible à une autre. Avec parfois de fausses bonnes idées, « comme le cuir vegan, qui est un dérivé de plastiques », note le dirigeant du Slip Français. Un biais que confirme Wenael Regnier qui pointe, par exemple, l'engouement pour le packaging papier « qui est mélangé à du plastique et sera encore moins bien recyclage qu'un plastique traditionnel », pointant donc les fausses-vraies bonnes solutions parfois elles-mêmes enrobées de marketing, « ce qui permet de vendre ». Guillaume Gibault qui répète une vérité pleine de bon sens, selon laquelle le packaging vertueux est celui que l'on n'utilise pas. Plus facile à dire qu'à faire. Il faut donc rationnaliser. Utiliser quand c'est nécessaire... « Il faut donner envie et faire de la vraie innovation, qui soit désirable. Ce qui est vrai pour une marque doit être vrai pour un procédé ».

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