En pleine crise énergétique, Marseille-Fos joue la carte du gaz

Volet largement mis en avant par le gouvernement, la décarbonation de l’industrie passera aussi par le gaz. Une énergie moins consommée en France, mais pas dans le Sud où les centrales de production électrique y ont eu recours.
a contrario de la tendance nationale, le gaz demeure très utilisé par les industriels de la zone Marseille-Fos
a contrario de la tendance nationale, le gaz demeure très utilisé par les industriels de la zone Marseille-Fos (Crédits : GRTgaz/DUREUIL Philippe)

Sale temps pour le gaz. En 2022, la consommation a baissé de 9 % en France par rapport à l'année précédente selon les chiffres de GRTgaz. Le gestionnaire de réseau décrit une diminution à la fois choisie, dans le cadre des appels à la sobriété énergétique de la part du gouvernement durant l'automne et à un hiver doux, mais aussi subie compte tenu de la hausse des coûts liée à la guerre en Ukraine. Le tout sur fond d'une ambition politique de réduire le recours aux énergies fossiles.

Pourtant, le détail des chiffres révèle qu'en Provence-Alpes-Côte d'Azur, où les usages se concentrent quasi-exclusivement sur la zone de Fos-Marseille, la consommation a bien augmenté de 2,6 %.

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« La situation dans la région ne reflète pas ce qu'il s'est passé à l'échelle nationale, il y a bien eu une diminution pour la distribution publique et chez les industriels, mais pas pour les centrales de productions d'électricité à partir de gaz », détaille Bérengère Preault, déléguée territoriale Rhône Méditerranée chez GRTgaz. Les trois sites qui se trouvent à Fos-sur-Mer et Martigues ont donc fait remonter la moyenne. Car suite à la guerre en Ukraine et ses conséquences sur l'approvisionnement russe, la production électrique par le nucléaire et l'hydraulique étaient moindres dans la région, il a donc fallu avoir recours aux centrales thermiques fonctionnant au gaz. Une situation qui pourrait se répéter. « Nous nous y préparons, nous avons la capacité de stocker du gaz et donc nous sommes un outil de sécurité du système énergétique », défend Bérengère Preault.

Des industriels associent électrification et gaz

A l'heure où la France élabore sa programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le gaz veut prendre sa part. La situation de l'hiver dernier rappelle le rôle qu'il peut jouer. « Notre place est nécessaire dans le mix énergétique à condition d'être décarboné », assure Bérangère Preault. Pour le territoire, l'enjeu est d'autant fort pour l'industrie. Il est assez clair qu'au moment où la réindustrialisation est appelée des vœux de tous, la capacité à fournir de l'énergie propre aux projets est plus que complexe aujourd'hui. L'Alliance industrielle pour la compétitivité et l'efficacité énergétique (Allice) estime que l'électrification des procédés thermiques industriels ne sera pas possible avant 2035. Emmanuel Macron voulait d'ailleurs mettre en débat pour la zone de Fos-sur-Mer la solution du nucléaire sur place afin de répondre aux besoins en énergie des différents projets industriels qui s'y développent. Suggestion faite à l'occasion de sa venue à Marseille dans le cadre du Plan Marseille en Grand.

Dans l'industrie, certains acteurs misent déjà sur une alliance entre l'électrification et le gaz pour réduire leurs émissions de carbone. L'exemple le plus frappant est celui d'ArcelorMittal, qui dispose d'un site à Fos. Le géant de la sidérurgie va passer au four électrique mais aussi remplacer le charbon par de la réduction directe du minerai de fer grâce à de l'hydrogène.

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Adapter les infrastructures pour l'hydrogène

En quelques années, l'hydrogène est devenu chez les décideurs le gaz incontournable pour atteindre les objectifs de décarbonation. Encore faut-il se passer d'énergie fossile pour le produire. Pour l'instant, cet hydrogène vert ne représente que 2 % de la production mondiale. « Tout l'intérêt de cette filière est de passer à une production renouvelable ou nucléaire », note Bérangère Preault. A cela s'ajoutent des interrogations sur la compétitivité économique d'un potentiel hydrogène vert très gourmand en énergie.

« Nous y croyons, sinon nous n'investirions pas autant dans ce sujet  », insiste la déléguée territoriale. Plusieurs grands projets sont en effet en cours, à l'image de BarMar ou H2Med qui doit relier la péninsule ibérique à Fos et remonter à terme jusqu'en Allemagne pour assurer l'approvisionnement. Le passage à l'hydrogène nécessite de nouvelles infrastructures. Pour résumer, il faut « créer un réseau dédié » à côté de celui du gaz naturel, et trouver les matériaux pour confiner au mieux cette molécule très volatile.

De nombreux projets en cours sur l'hydrogène

Un grand projet structurant mais qui est loin d'être le seul pour tous les acteurs du gaz. Le gestionnaire de réseau a également obtenu une dérogation pour contribuer au projet pilote de production de méthane grâce à de l'hydrogène, dit méthanation, Jupiter 1000. Cette expérimentation située à Fos-sur-Mer est unique en France. Autre volet de R&D, celui sur la gazéification hydrothermale pour laquelle des études sont en cours. Il s'agit d'un processus similaire à la méthanisation mais avec des déchets humides et une réaction chimique à très haute pression pour que l'eau devienne un agent hyper critique afin de permettre la formation du gaz. Une technique qui présente un bon rendement énergétique. « C'est une filière en pré-déploiement industriel en France mais beaucoup plus mature dans d'autres pays comme la Suisse », précise Bérangère Preault.

Projet plus avancé, celui d'HYnframed à Manosque, dans les Alpes de Haute-Provence consiste à raccorder les producteurs et les consommateurs. Les cavités salines, qui se prêtent à la conversion d'hydrogène, doivent être un lieu de stockage pour permettre de gérer au mieux les quantités de gaz nécessaire. Un appel à manifestation a été lancé en début d'année et les études d'ingénierie vont démarrer pour la connexion de 150 kilomètres entre Fos et les Alpes-de-Haute-Provence. Le gaz n'a pas dit son dernier mot.

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Commentaire 1
à écrit le 14/07/2023 à 12:21
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"mais pas pour les centrales de productions d'électricité à partir de gaz" c'est pas cette partie là de production d'énergie électrique qui crée le prix de l'électricité (donc cher vu le contexte actuel), vu les règles UE ? On nous a demandé de bais...

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