A Fos, ArcelorMittal fait de la décarbonation un levier industriel... et d'attractivité

Le groupe de sidérurgie, implanté à Fos-sur-mer, va s'appuyer dans un an sur un four à poche lui permettant de réduire ses émissions de CO2 de 10%. Une première étape pour atteindre les 35% de moins d'ici 2030, un seuil qui nécessite le développement d'une nouvelle infrastructure majeure.
(Crédits : DR)

L'ampleur des travaux est proportionnelle à la taille du site. Dans les entrailles d'ArcelorMittal à Fos-sur-Mer, les camions de chantiers se mêlent depuis un an à l'activité existante du site. C'est dans l'aciérie que doit sortir de terre le four poche en 2024. Un outil d'un montant global de 73 millions d'euros, dont 15 millions d'euros obtenus dans le cadre de France Relance, qui doit marquer la première étape de l'évolution vers la décarbonation du producteur d'acier. "C'est une petite révolution", lance Christian Vromen, responsable du projet décarbonation. "Pourquoi petite ?", le coupe Bruno Ribo, PDG d'ArcelorMittal Méditerranée. "C'est une révolution d'un point de vue industriel, nous sommes dans les mêmes ordres de grandeurs que ce qui s'est passé à Fos il y a 50 ans lors de la création de la zone industrielle. C'est un défi générationnel que l'on ne relève qu'une fois dans sa vie", enchaîne-t-il.

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Un enjeu de taille de donc, car l'importance économique du groupe sidérurgique dans les Bouches-du-Rhône - 2.500 salariés auxquels s'ajoutent 1.500 sous-traitants et 4 millions de tonnes d'acier par an - cohabite avec un lourd impact climatique. Un rapport du ministère de l'écologie en 2018 désignait l'entreprise comme "le principal émetteur de polluants dans l'atmosphère" du département. Pour ce qui est du carbone, cela représente "deux kilos de CO2 par kilo d'acier" avance Bruno Ribo. Un rapide calcul donne donc 8 millions de tonnes de CO2 par an pour Fos. D'après l'Insee, dans les Bouches-du-Rhône la moyenne est de 12,2 tonnes équivalents CO2 par habitant -contre 3,5 pour le Var ou 4,1 dans les Alpes-Maritimes - dont 90% issues de l'industrie.

Après le four à poche, le four électrique

L'évolution est donc nécessaire. "Nous sommes le reflet de la société dans laquelle nous vivons", note Bruno Ribo sur ce changement. Pour y parvenir, alors que la demande d'acier devrait rester stable sur ce siècle selon le sidérurgiste, ArcelorMittal fonctionne en plusieurs étapes. D'abord le fameux four à poche. Il doit permettre d'utiliser plus d'acier recyclé plutôt que du charbon. L'acier est en effet très largement réutilisable, mais à Fos cela ne représente que 2% de la "matière première" employée. Car il se heurte à deux freins : sa "pureté" nécessaire pour les produits qualitatifs que produit ArcelorMittal et un aspect lié à la production avec une matière trop froide pour bien l'ajouter dans le process. C'est sur ce dernier point que le four à poche apporte sa plus-value .

En effet, il permet de "chauffer l'acier recyclé et donc d'utiliser moins de fonte liquide ce qui nous fait réduire de 10% nos émissions", détaille Christian Vormen. Pour comprendre le mécanisme, il faut regarder comment se produit l'acier. Pour résumer simplement cela passe par deux étapes. La première consiste à écraser et fondre du minerai de fer. Le résultat est chauffé dans les hauts-fourneaux avec du coke, c'est le nom du charbon pur qui est l'élément très polluant, pour donner de la fonte à savoir du métal liquide. Vient ensuite la deuxième étape, celle où la fonte est transformée en acier. Le four à poche doit impacter la première étape de ce process de production. Elle permet de passer à 10% d'acier recyclé en 2025 et donc mécaniquement à réduire l'usage de fonte.

Cinq ans plus tard, c'est un autre outil qui devrait arriver à Fos. Il s'agit cette fois du four à arc électrique, qui doit remplacer l'un des deux hauts-fourneaux. Il doit permettre de n'utiliser plus que 55% de fonte, contre 98% aujourd'hui et 90% en 2025. "Il n'existe que trois équipements de cette échelle dans le monde", souligne Christian Vormen. Ce qui nécessitera un investissement de "centaines de millions d'euros" auquel le groupe souhaite que l'Etat participe. Un appel du pied qui concerne aussi l'accès à l'énergie, puisque cette installation demande une puissance de 300 MW.

Hydrogène, captation de carbone et énergie nucléaire

Ce nouveau four permettrait à ArcelorMittal de réduire de 35% ses émissions. "C'est comme si toutes les voitures du département passaient à l'électrique", illustre Christian Vormen. Dans ce scénario, l'acier recyclé ne représente que 30% de ce qui sera utilisé, les 15% restants seront du fer de réduction directe. Une matière qui correspond à ce qui est produit grâce à de l'hydrogène, c'est notamment ce qu'ambitionne de réaliser GravitHy. Un acteur que Bruno Ribo voit comme un potentiel "partenaire" si le projet aboutit et propose un produit à un prix compétitif. Le message est lancé.

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L'hydrogène est l'un des points mis en avant par ArcelorMittal pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Il s'agit là aussi de produire du fer de réduction directe. Dernier levier, celui de la captation du carbone. Que ce soit cette méthode où l'hydrogène vert, c'est-à-dire produit à partir d'énergie bas carbone ce qui représente aujourd'hui 2% de la production mondiale, ce sont des process qui aujourd'hui ne sont pas encore mature. Cependant, Bruno Ribo se montre optimiste : "L'hydrogène va arriver et plus vite que prévu". Mais la décarbonation passera bien par l'électricité "nucléaire et des énergies renouvelables qui doivent aussi prendre leur part". Un vaste chantier là aussi.

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