Comment l’innovation énergétique s’opère à Fos-sur-Mer

Des biocarburants aux éoliennes offshore flottantes en passant par l’hydrogène vert et une future giga-usine de panneaux solaires... Les projets de production d’énergie décarbonée foisonnent désormais dans le grand port industriel. Revue de détails lors du forum Transformons la France, organisé le 27 juin à Marseille.
(Crédits : Marseille-Fos)

Nom de code : Syrius, pour Synergies régénératives industrielles du Sud. Mission : accélérer la décarbonation de l'industrie grâce à des projets d'envergure permettant de réduire les émissions de carbone dans la zone portuaire de Fos-sur-Mer. Ce projet, porté par la Plateforme industrielle et d'innovation du Caban-Tonkin (Piicto), qui réunit une quarantaine d'industriels, est lauréat, aux côtés de Dunkerque, de l'appel d'offres « zones industrielles bas carbone » (ZIBaC), qui s'inscrit dans le plan France 2030.

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Au programme, « l'encadrement d'une vingtaine d'études, pour un montant total de 8 millions d'euros, co-financé à 50 % par l'Ademe », indique Nicolas Faisse, responsable de sites industriels EJL/calcaires régionaux et trésorier de l'association Piicto. Puis, « un rendu des études, à l'horizon fin de l'année prochaine, pour continuer ensuite à mettre en œuvre des actions concrètes chez tous les industriels », précise-t-il. Les objectifs affichés : -80 % de gaz à effet de serre d'ici à 2050, l'émergence de nouvelles filières industrielles et le développement d'infrastructures. Tout un symbole dans ce bassin industriel réputé polluant...

L'écosystème accélère

Plus largement, dans la mue verte entamée par le territoire, l'innovation énergétique, en particulier, joue un rôle clé. Sur le terrain, l'écosystème a d'ores et déjà accéléré...

« A La Mède, nous produisons une molécule qui s'appelle HVO, pour huile végétale hydrotraitée. Cette biomolécule biosourcée est la copie conforme du diesel, et peut être utilisée en remplacement de celui-ci sans aucun investissement sur le véhicule », affirme Jean-Michel Diaz, directeur Provence-Alpes-Côte-d'Azur Corse de TotalEnergies.

Une innovation qui, dans le même temps, a permis d'abaisser l'empreinte carbone de l'usine « de 1,2 million à 250.000 tonnes », note-t-il. Fabriquée à partir de déchets tels que des huiles alimentaires usagées et des graisses animales, avec un complément d'huile végétale, la molécule produite à la bioraffinerie de La Mède s'inscrit dans l'économie circulaire. « D'ici  2024, nous devrions atteindre 100 % de déchets recyclés », assure-t-il.

Autre volonté de TotalEnergies, « nous développons actuellement un projet de production locale d'hydrogène bas carbone qui va remplacer en partie l'hydrogène fossile sur ce site. Nous allons ainsi encore diminuer son empreinte carbone de plus de 5.000 tonnes par an », poursuit Jean-Michel Diaz. L'éolien est également étudié. « Dans cette région, l'éolien offshore flottant a des capacités de production significatives ». Installées loin des côtes, où « il y a toujours du vent, les éoliennes peuvent tourner en permanence ». Et se voient à peine...

S'il y a du vent, la région attire aussi des ambitions dans l'énergie photovoltaïque. Ainsi, la société industrielle lyonnaise Carbon prévoit d'y mettre en service, d'ici fin 2025, une giga-usine, d'une capacité de production annuelle de 5GW de cellules photovoltaïques et 3,5 GW de modules. Une première en France, à l'heure du monopole chinois sur le solaire.

La giga-factory de Carbon côtoiera ainsi à Fos une aciérie d'Arcelor Mittal, qui vient d'être mise à l'arrêt temporairement par l'inspection du travail après l'exposition de ses salariés à des produits toxiques. Un paradoxe ? « Arcelor Mittal a un plan d'action en cours qui a reçu un avis favorable au dernier CSE extraordinaire la semaine dernière », nuance Jean-Michel Diaz, également président du Groupement industriel maritime de Fos. D'ailleurs, « les émissions des industriels sur ce territoire ont été réduites de 80 % sur les vingt dernières années. Il y a un progrès permanent dans ce domaine », insiste-t-il.

Doubler la consommation électrique

 Toujours est-il qu'il reste du chemin à faire... Dans le cadre de Syrius, précisément, « le rôle d'Enedis est de réfléchir aux modalités d'alimentation des gros industriels mais aussi des TPE et des PME qui gravitent autour du projet », explique Jacques Nicoli, directeur régional d'Enedis Provence-Alpes-Côte-d'Azur. « Sur le plan de la consommation électrique potentielle, ce sont 6 GWh qui seront nécessaires pour l'alimentation de ce projet d'ici un certain nombre d'années ». Autrement dit, l'enjeu est de « doubler les capacités pour permettre cette consommation ».

Face à ces futurs besoins colossaux d'électricité, Enedis entend investir dans le réseau. « Pour Enedis, en Région Sud, c'est 360 millions d'euros par an, et cela ne cesse d'augmenter. De même, la construction de douze postes sources (ndlr : un ouvrage électrique industriel qui se trouve à la jonction des lignes électriques de haute et moyenne tension) à construire dans la région d'ici une dizaine d'années, pour 160 millions d'euros », précise-t-il.

Développer la méthanisation

 De son côté, le gaz, énergie carbonée, fait encore partie de l'équation énergétique, même si sa consommation devrait à l'avenir diminuer. « Aujourd'hui, on consomme environ 430 térawattsheures de gaz en France. Selon les scénarios, on vise en 2050 entre 160 et 320 TWh. On a donc besoin de gaz. Mais il est aussi vecteur de décarbonation », analyse pour sa part Olivier Bresson, directeur adjoint GRDF Sud-Est en charge de la région Provence-Alpes Côte d'Azur. Pour ce faire, GRDF mise sur le verdissement du gaz. L'enjeu étant de « substituer progressivement du gaz naturel par le biogaz, qui sera produit localement à partir de biodéchets du territoire ».

Près de 600 méthaniseurs injectent ainsi à ce jour du gaz dans le réseau sur le territoire national. Mais ils restent peu nombreux dans le Sud... « Nous sommes dans une région qui dispose chaque année de deux millions de tonnes de déchets méthanisables », pointe Olivier Bresson, qui planche sur leur valorisation avec des acteurs locaux. Exemple, dans les Alpes-Maritimes, avec le syndicat des producteurs de parfums Prodarom, pour produire du biogaz à partir des résidus d'extraction des végétaux, appelés les drèches.

Former les jeunes

 Pour avancer sur la route de la décarbonation, cependant, encore faudra-t-il résoudre la problématique des nécessaires compétences et de la formation, qui plus est en cette période de tensions sur le marché du travail. De quoi inciter les entreprises à lancer des initiatives nouvelles.

« Nous avons accompagné depuis deux ans dans la région la création de quatre écoles de production, destinées à des jeunes de 14 à 18 ans en rupture avec les autres systèmes de formation », relève Jean-Michel Diaz, de TotalEnergies.

Tout l'enjeu étant désormais de trouver des moyens pour séduire les jeunes talents et, pour ce faire, changer leur regard sur une industrie voulant aujourd'hui projeter l'image d'un secteur qui, loin du vieux cliché des cheminées polluantes, innove et se verdit.

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