« Nous sommes en train de réussir notre stratégie sur le marché brésilien » (François de Canson, CRT Sud)

Pays au potentiel avéré, considéré comme pionnier en matière de biodiversité, le Brésil est aussi le pays du tourisme, du Carnaval, par excellence. Il partage néanmoins avec la France et le Sud, plus que les images d’Epinal et tout autant des sujets d’étalement de la fréquentation touristique, de tourisme de filières et de tourisme responsable. Entrés en phase de séduction mutuelle, le Sud et le Brésil semblent (re)construire des liens durables.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Pourquoi le CRT Sud s'intéresse-t-il au Brésil ?

FRANÇOIS DE CANSON - Le Sud est un petit pays de 5 millions d'habitants, doté de trois marques monde - Provence, Alpes et Côte d'Azur - c'est la première destination à l'international après Paris et en termes de fréquentation, c'est la seule région de France et peut-être d'Europe à avoir fait mieux, en termes de résultats, qu'en 2019. Nous avons retrouvé la clientèle française, la clientèle européenne aussi. Au niveau du grand international, nous voyons les clientèles américaine, canadienne, brésilienne revenir également. Les Brésiliens, avec 1,2 million de personnes qui viennent en France, avec un fort pouvoir d'achat, dépensent entre 800 euros et 1.000 euros par jour hors billets d'avion sont aujourd'hui en troisième position sur le marché français, la démarche est logique de venir en Amérique du Sud, rencontrer ces Brésiliens dont les tour-opérateurs. C'est une volonté de nos professionnels - ce sont eux qui créent l'offre, avec une montée en gamme financée par la Région Sud - de travailler ensemble ce marché. La présence du CRT Sud au Brésil se fait dans une démarche de promotion. D'ailleurs des marchés ont déjà été signés avec des tour-opérateurs américains. Oui, il existe la possibilité d'améliorer les chiffres. Nous savons que 40% des Brésiliens ont envie de partir en vacances hors-saison. Dans le Sud, nous cherchons à désaisonnaliser. Nous ne menons plus d'actions de promotion pour la période juin-juillet-août, et cela depuis quelques années. Les Brésiliens sont donc notre cible.

Les Brésiliens « consomment-ils » aisément la France et le Sud ?

7% des Brésiliens viennent en Provence Alpes Côte d'Azur et les Brésiliens contribuent pour 10% du chiffre d'affaires réalisé par les hôtels haut de gamme, 4 étoiles et 5 étoiles. Nous devons pousser le curseur plus loin, d'autant plus que la clientèle moyen de gamme a envie aujourd'hui de partir en vacances dans le Sud. Les Brésiliens sont sensibles au phénomène de mode et le Sud est une destination tendance, il y a donc un nouveau marché qui s'ouvre. D'autant que nous avons fait découvrir à cette clientèle qui a envie de ski que le Sud est la deuxième destination montagne de France avec une offre riche de 65 stations. Nous leur avons également présenté notre volonté de créer, avec le Président de la Région, Renaud Muselier, notre volonté de créer les Jeux Olympiques 2034. Le Brésilien fan de sport est également une cible. Je rappelle que nous accueillons dix matchs de la Coupe du monde de rugby du 8 septembre au 28 octobre. Le Sud sera the place to be et pour le Brésilien, c'est important. Et ce le sera à nouveau pour les JO en 2024, une ambiance particulière que le Brésilien connaît bien. Sans oublier en 2025, l'arrivée du Tour de France à Nice. Du côté des tour-opérateurs, tout cela provoque des réactions positives.

Vous avez mené, avec Rising Sud, une mission à Rio en mai dernier avec pour objectif de définir des synergies à déployer...

Ce que l'on peut retenir de cette mission c'est que tous les interlocuteurs rencontrés au Brésil nous ont accueillis à bras ouverts, contents de revoir des Français et nous sommes la première région de France à venir les voir. D'un point de vue économique, nous avons fait, avec Bernard Kleynhoff, le président Rising Sud, l'agence d'attractivité et de développement économique, des rencontres particulièrement intéressantes. Très vite, une délégation de la mairie de Rio va venir nous voir avec des sujets d'innovation, de technologie sous-marine, d'entretien des bateaux militaires, de santé, l'énergie. Le MEDEF local nous a accueilli les bras ouverts et lorsqu'on évoque le sujet du Carnaval, il existe de leur part une volonté de travailler ensemble. Mon idée d'organiser une semaine de la Gastronomie française autour du Carnaval de Rio et une semaine de la Gastronomie brésilienne autour du Carnaval de Nice permet de construire un échange culturel. Seuls 20% d'étrangers viennent au Carnaval de Rio et le Carnaval de Nice rencontre la même problématique. Organiser une Route des Carnavals pourrait être un moyen de créer des synergies. Nous avons la route de l'histoire, la route de la culture, celle du pèlerinage religieux... Est-ce qu'une association réunissant la Région Sud, la Région de Venise et la Ville de Rio n'aurait pas de sens ? On peut rêver, en tout cas, la porte est ouverte et l'envie de travailler ensemble est bien là.

Lire aussi« Le Sud est pour le Brésil une bonne porte d'entrée sur la Méditerranée » (Patrick Sabatier, CCI France-Brésil)

Le Brésil est présenté, notamment par le président de la CCI France-Brésil comme le pays de la biodiversité. La Région Sud et son président se sont engagés pour avoir « une COP d'avance ». Cela facilite-t-il les échanges ?

Dans le Sud, nous n'opposons pas écologie et économie. Je rappelle que la Région dispose du premier budget 100% vert d'Europe. Chez nous aussi, nous voulons préserver cet environnement. Et quand on voit Rio, ce paysage vert en centre-ville, on sait que les Brésiliens sont très sensibles au sujet de l'écologie et de l'économie durable. Nous avons l'ensemble des paramètres qui semblent parfaitement correspondre au marché brésilien. Nous avons développé depuis toujours des filières, c'est l'un des points qui nous a sauvé durant la crise sanitaire, nous sommes capables de porter un tourisme à l'année. Lorsqu'on regarde cela, ça correspond aux Brésiliens. Nous avons l'œnotourisme - 1ère région de rosé dans le monde -, la gastronomie, le tourisme religieux - on sait l'importance de la religion pour les Brésiliens -, visites d'entreprises, cyclo-tourisme. Ce qui leur plaît c'est lorsqu'on décline les caractéristiques de cette région. Certes, il y a le côté vert, béni des Dieux des paysages avec 60% d'espaces protégés, 1.000 km de côtes, 9 parcs naturels régionaux, 4 parcs nationaux mais il y aussi le fait que nous sommes première région du nautisme et de la croisière, 945 festivals et carnavals, 400 musées dont 5 nationaux... Tout cela, travaille à l'attractivité de notre région. J'ai l'impression que les Brésiliens nous attendaient... Nous l'avons clairement mesuré lors de nos échanges avec la Ferjan. Ou lors de nos échanges avec l'adjointe à la Ville de Rio... Nous avons également des ambassadeurs sur place, dont font partie les chambres de commerce. Des liens sont déjà tissés, c'est un travail de longue haleine. Nous n'aurons peut-être pas les résultats dès cette année, bien que des contrats aient été signés. Je reste persuadé qu'au bout d'un an, le curseur aura augmenté. Après le Covid, nous sommes revenus sur le marché français avec une campagne de promotion « Nous avons tous besoin du Sud » et nous avons été la première région de France en termes de résultats sur le marché français. Nous avons travaillé également avec Atout France. Il y a un alignement des planètes. Nous sommes en train de réussir notre stratégie sur le marché brésilien.

Ceci est une question davantage pour le président d'Atout France. On évoque souvent le tourisme de proximité, le tourisme durable. Comment l'intégrer dans la stratégie ?

Nous avons lancé, avec l'ensemble des CRT de France, le comportement des Français a changé après la crise sanitaire et c'est la règle des 3 R qui s'applique : rupture - malgré l'inflation, les Français veulent partir en vacances - se retrouver, ressourcement - ce retour à la terre, vers la nature, ce tourisme expérimental doit provoquer un effet wahou. C'est tout ce que l'on offre. Nous avons compris, bien avant la crise sanitaire, qu'il ne fallait pas faire de promotion pour les mois de juin, juillet, août. En haute saison, nous avons tous les atouts pour que les touristes nous choisissent. Le reste de l'année, nous allons chercher une clientèle internationale qui a un fort pouvoir d'achat et qui apporte un plus sur notre territoire.

Le consommateur est-il prêt à payer plus cher pour un service plus durable ?

Oui ! C'est mesuré, il l'affiche, il le dit... Après, va-t-il toujours au bout de la démarche ? Je n'en suis pas convaincu... Mais la volonté s'affiche. Et nous, nous affichons notre volonté de tourisme durable, responsable. Nous régulons les flux touristiques depuis des années. Nous essayons de mettre le touriste dans des conditions excellentes. Et puis il y a cette montée en gamme, aidée par la Région, nous avons la chance d'avoir la grotte Cosquer qui est apparue sur le marché français. Le Sud est un petit pays au sein duquel on se déplace facilement. Nous sommes également la première industrie avec 13% du PIB, 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Lorsqu'on parle de surtourisme on se trompe. On peut parler de pics de fréquentation, mais n'oublions pas tout ce que le tourisme apporte à la région, en termes économiques, en termes d'emplois.

Hormis le Brésil, d'autres pays sont-ils plus particulièrement ciblés ?

Nous avons mené une mission en Israël, nous sommes allés au Japon... N'oublions pas que nous n'avons jamais laissé tomber le marché asiatique. Car, lorsque ce marché va se rouvrir, nous devrons être les premiers. C'est cela la force du CRT : toujours considérer tout le monde, ne jamais laisser tomber une piste. Cela exige énormément de travail, mais les professionnels sont sensibles à cela.

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