Marseille et le monde économique  : je t’aime moi non plus  ?

ETI et grands groupes en locomotives, PME et startups en activateur d’innovation, qualité de vie, image revalorisée… la Cité phocéenne attire et ce regain d’intérêt de la part des entreprises, toutes tailles confondues, est bien moins récent qu’il n’y paraît. Mais si la deuxième ville de France plaît, l’effet d’attraction ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt de freins parfaitement connus mais qui ne sont pas (encore ?) levés. Des freins qui gênent, à moyen ou long terme, le développement du potentiel reconnu pourtant unanimement. Et la raison est plus politique, qu’économique.
(Crédits : DR)

Sa présence lors de l'assemblée générale de l'UPE13 ce 5 juin a tout de même constitué un petit événement. Car, même s'il estime dans l'entretien accordé à La Tribune que ses liens avec le monde économiques sont « bons », on ne peut pas dire que Benoît Payan soit le plus prolixe en matière économique. Pourtant, son premier discours de maire de Marseille semblait poser un cadre, sinon une volonté, évoquant avant tout autre thématique, celle de l'attractivité des investisseurs. Un discours qui semblait avoir vocation à rassurer le monde économique.

De fait, l'attractivité de Marseille est réelle. Entamée bien avant la période de crise sanitaire qui a totalement fait passer le télétravail dans les mentalités et les us, elle n'a eu de cesse de se renforcer. « Aujourd'hui, on trouve tout à Marseille. Il y a une diversité folle. Et le côté multiculturel qui était perçu avant comme un biais est maintenant mis en avant », se félicite Émilie Mercadal, fondatrice de l'entreprise Rofim qui œuvre dans le domaine de la santé, et également vice-présidente d'Aix-Marseille French Tech. « Pour nous, le fait d'être à Marseille est vraiment un atout pour recruter ».

Les données publiées par Provence Promotion en attestent - 80 projets accompagnés en 2022 -, le territoire - qu'il faut considérer dans son ensemble - attire.

Mais faire venir d'ailleurs n'est pas le seul point de référence : le bien-être des entreprises nées et implantées sur le territoire est également un élément d'analyse. Si donc, tout va plutôt bien, la Ville de Marseille contribue-t-elle au développement économique ?

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Pousser le dialogue entamé

On serait tenté, par exemple, de penser que l'économie sociale et solidaire soit particulièrement accompagnée, elle qui représente par ailleurs 19% de l'économie marseillaise. "La Ville a conscience de la réalité forte de l'ESS et a créé un service dédié qui travaille sur ce sujet et réfléchit à la manière de favoriser l'installation et le développement d'entreprises de l'économie sociale et solidaire à Marseille. Il y a une volonté de faire quelque chose pour le développement de l'ESS", souligne Denis Philippe, le président de la chambre régionale de l'ESS. Ce dernier indique par ailleurs que Laurent Lhardit, l'adjoint en charge de l'économie, n'hésite pas mentionner régulièrement les chiffres de la CRESS. Pourtant, aucune convention n'a été signée entre la Ville et la Chambre régionale. La loi oblige en fait cette dernière à conventionner avec l'État et la Région - avec laquelle la CRESS a de très bons rapports - mais pas avec les métropoles et les villes. Ce qui peut néanmoins se faire, à l'initiative des collectivités. Et qui aurait tout son sens à Marseille, où se trouve le siège de la CRESS. "Nous avons fait une proposition à la Mairie : d'une part sur la recherche de locaux voire de foncier pour installer notre maison de l'ESS [un projet d'ampleur pour faire rayonner les structures de l'ESS et que la chambre régionale aimerait installer à Marseille, ndlr], d'autre part, nous lui avons proposé de s'engager à nos côtés, comme l'État et la Région, sur la signature d'une convention. La balle est dans le camp de la ville", indique Denis Philippe.

Au cœur des sujets que porte le Plan Marseille en Grand, les quartiers nord font face notamment au manque de transport et à un développement économique complexe. Des sujets que porte l'association Cap au Nord Entreprendre, qui fait état de liens réguliers avec la Ville, avec une écoute mutuelle des besoins de part et d'autre. Les échanges portent principalement sur trois priorités que sont l'attractivité, l'emploi et la transition écologique.

"Nous sommes écoutés. Sur la transition écologique par exemple, nous avons été une bonne force de proposition dans le cadre des 100 villes neutres en carbone, un sujet essentiel pour l'attractivité de la ville. On travaille aussi ensemble sur la mobilité dans le cadre de Marseille en Grand. Et la ville regarde de près notre projet de Lab' du réemploi", détaille Alexandre Fassi, le secrétaire général de l'association. Ce dernier observe en outre que sur la fracture Nord/Sud, "des choses se passent. Des connections se font et on le ressent. Les élus de la ville sont présents sur le territoire Nord et ils ont la volonté de développer son attractivité. Mais nous attendons des choses encore plus ambitieuses et impactantes".

Quand le politique l'emporte sur l'économique

Le sondage Ifop/Public Sénat pour La Tribune indique par ailleurs que les habitants ont plutôt un bon ressenti du développement économique de Marseille, à 58%. Mais à la manœuvre de l'attractivité générale du territoire se trouve plutôt la Région Sud. La stratégie d'attractivité, la mise en avant des filières est le propre de Rising Sud, l'agence d'attractivité et de développement économique, bras de fer de la Région, qui est, rappelons-le, chef de file de l'économie, s'appuyant sur les acteurs que sont la Métropole Aix-Marseille Provence et la chambre de commerce et d'industrie Aix-Marseille Provence. Un travail de cause commune.

Or, le sujet économique déborde un peu sur le sujet politique. Il n'est un secret pour personne que l'entente n'est pas franchement cordiale entre la Ville et la Région comme entre la Ville et la Métropole. Et si des freins structurels existent, cette mésentente constitue un obstacle supplémentaire.

Car l'attractivité de Marseille c'est aussi l'attractivité du territoire métropolitain. Pour un investisseur Marseille, Aix-en-Provence, La Ciotat ou Fos-sur-Mer il s'agit d'un même terrain de jeu.

L'échelle est forcément métropolitaine. C'est ce souligne notamment le Club Top 20. Cette association qui regroupe les dirigeants des grandes entreprises implantées sur le territoire avait d'ailleurs apporté sa contribution au rapport mené par l'Institut Montaigne en 2020, rapport qui traçait les atouts, les freins et dessinaient les perspectives à 2030. Une étude qui visait à donner les éléments pour « construire une métropole attractive et durable », comme le rappelle le secrétaire général du Club Top 20. Qui reconnaît que Marseille est dans un momentum. « Nous partageons la sensation qu'il se passe quelque chose autour de Marseille », dit Jean-Baptiste Geissler. Et qui dit aussi que le Plan Marseille en Grand a réussi à « aligner tous les acteurs et a répondu à un certain nombre de constats sur l'éducation, la mobilité »... Une mobilité « qui n'est pas à la hauteur d'une métropole européenne ce qui donc, complique le développement ». Et Émilie Mercadal de renchérir : « nous avons souvent besoin de nous déplacer entre Aix-en-Provence et Marseille mais les modes de transport disponibles ne sont vraiment pas pratiques. Il y a une vraie frontière entre ces deux villes ».

Le logement est un autre point noir, car intimement lié à l'attractivité comme au maintien des talents sur le territoire. « Les entreprises n'arrivent pas à loger leurs salariés », souligne Jean-Baptiste Geissler. L'éducation, la formation sont d'autres points qui demandent à être mieux embrassés. « Il manque une école internationale », une remarque partagée par moult acteurs économiques.

Voir encore plus Grand

Sur ce point, l'installation de La Plateforme à Marseille contribue à changer la donne. Imaginée et portée par Cyril Zimmermann, elle ouvre le numérique à des populations éloignées de ces formations. Cyril Zimmermann qui a lui, fait le choix de la Cité phocéenne il y a 15 ans et qui se sent totalement Marseillais. « Marseille est une terre fantastique ». Et La Plateforme, dont le modèle est plébiscité, « répondait à un besoin ». Mais il reste de la place pour de nouvelles offres dit-il aussi. « Il y a des désormais des développeurs sur le territoire, ce qu'il n'y avait pas auparavant », fait remarque Mickael Amar. Lui aussi a fait le choix de Marseille avant tout le monde, lorsqu'il rentre des Etats-Unis. Etabli entre Paris et le Sud, cet entrepreneur et investisseur remarque que la CCI, la Région, la Métropole, les accélérateurs jouent collectif... « L'écosystème se structure et se met en place, les entrepreneurs apportent leur savoir-faire en devenant mentors... » Au global, il ne paraît plus ubuesque désormais qu'un dirigeant fasse le choix de la deuxième ville de France. Même si, dit celui qui évolue dans le secteur de la tech, « il manque des success stories » et « l'émergence d'une licorne changerait encore la donne ». Quant au Plan Marseille en Grand, « c'est la France qui en bénéficiera en grand ».

Demandé par certains acteurs économiques, la marque One Provence a été créée pour servir le marketing territorial. Une couche supplémentaire dans le schéma de l'attractivité ? Les avis divergent. Mais à la direction générale, c'est un Marseillais - parti et qui revient - qui a été nommé. Lionel Flasseur, venu de Lyon, mesure la transformation de sa ville de naissance, mais remarque que l'un des premiers enjeux est de faire savoir ce qu'il se passe à Marseille, qui a « un pied en Europe, un pied en Méditerranée, ce que l'on retrouve un peu à Barcelone ».

Lionel Flasseur qui souligne les ponts à créer, notamment entre les acteurs économiques, politiques, les associations. Ce fameux esprit d'équipe appelé « le chasser en meute » qui a encore du mal à se faire. Mais qui pourtant n'est jamais plus efficace que lorsqu'il se déroule ainsi. L'installation prévue de la première gigafactory solaire dans l'enceinte du Grand Port Maritime de Marseille, on la doit à ce travail en commun, mené par la Région et que salue le CEO de Carbon, Pierre-Emmanuel Martin, lequel ne tarit pas d'éloges sur la volonté et surtout l'accompagnement fait de concert et donc efficace. Pour rappel, Marseille et le Sud étaient dans la short-list où figuraient d'autres territoires possibles.

Regarder ensemble...

Bien sûr, la venue de Benoît Payan à l'AG de l'UPE13 ravit Philippe Korcia « Cela montre que l'économie et les entreprises sont importantes. Nous travaillons avec lui sur la logistique, la sécurité, le tourisme. La Ville a une compétence tourisme et c'est dommage que le monde économique ne soit plus intégré à la gouvernance de l'Office du tourisme. Nous lui avons demandé d'être intégrés au Conseil d'administration et de trouver des solutions pour travailler ensemble. Le tourisme concerne énormément de salariés. Il faut parler et faire des choses », pointe le président du syndicat patronal.

« Le Plan Marseille en Grand a porté un message, indique Mickael Amar, celui de dire que c'est ici que ça va se passer ». A condition de privilégier le (vrai) travail d'équipe et le regard dans la même direction...

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