Ce que l'Institut Montaigne et les patrons disent du potentiel (et des freins) de la Côte d'Azur

Dépendance au tourisme, vieillissement démographique, mobilité, secteurs stratégiques, fragmentation du territoire... Conduite par l’Institut Montaigne, une étude prospective s'appuyant sur les avis d'une centaine de patrons pointe les atouts des Alpes-Maritimes, les opportunités qui se présentent à elles, mais aussi les faiblesses qu'elles devront surmonter pour répondre aux grands défis du siècle. A commencer par la transition écologique.
(Crédits : DR)

Les patrons de la Côte d'Azur prennent la parole. Durant plusieurs mois, une centaine d'entre eux, sous l'égide de l'Institut Montaigne, du cabinet Stan et de l'Union pour l'entreprise (UPE) 06, a planché pour dessiner le visage du territoire des Alpes-Maritimes de demain, les défis à relever, les contraintes à contourner, les opportunités à saisir, les solutions à déployer... L'idée : permettre un développement équilibré, engager une structuration du territoire à long terme, esquisser un horizon ambitieux. "Cela fait longtemps que le monde économique azuréen ne s'était pas autant fédéré pour se projeter, estime Pierre Ippolito, président de l'UPE 06. Trop souvent, nous avons laissé les acteurs politiques prendre le leadership sur les sujets économiques alors qu'ils n'ont ni notre compétence, ni notre légitimité pour en parler. Nous venons avec cette étude apporter de l'eau au moulin de la réflexion prospective."

Une population vieillissante

Indépendante, non partisane, issue des réflexions d'un collectif multidisciplinaire membre de la société civile, l'étude baptisée "Territoire azuréen : Ambitions 2040" pose donc les termes de l'équation à résoudre à travers 120 pages et 21 recommandations. "De ce rapport émanent quatre convictions majeures qui représentent autant les faiblesses que les atouts de ce territoire", explique Baptiste Larseneur, chargé d'études des questions de développement territorial à l'Institut Montaigne.

La première, sans surprise, tient à la réalité démographique du lieu, avec une population vieillissante d'une part et des actifs déserteurs de l'autre, faute notamment de logements à coût modéré.

D'où la nécessité, selon l'étude, de conduire une politique attractive pour les étudiants et les actifs via, entre autres, une densification de l'offre de formation, un travail sur l'image à destination des 18-30 ans et des actions volontaristes quant à l'accès aux logements. A cet égard, "les actifs et les entreprises sont en concurrence avec les résidents secondaires, les retraités, les investisseurs locatifs, les touristes et même les bénéficiaires de logements sociaux. A tous les coups, ils sont perdants", regrette Pierre Ippolito. Lequel prône, entre autres, la possibilité de leur réserver des logements intermédiaires en fonction des besoins des entreprises, ou encore celle de déroger à la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain), en les intégrant dans le calcul des quotas.

Diversifier l'activité économique

Deuxième point, l'omniprésence du tourisme, qui représente ici 15% du PIB contre 7% à l'échelle nationale. Une dominante économique qui, dixit Baptiste Larseneur, "expose le territoire davantage aux chocs sectoriels et conjoncturels". Il s'agit donc de travailler à la diversification de l'activité en s'appuyant évidemment sur les filières d'excellence déjà existantes (tourisme, arômes et parfums, énergies renouvelables...) qu'il conviendra de rendre plus durables, et en en soutenant d'autres. Le rapport en identifie trois : la silver économie, la cyber sécurité pour laquelle les contributeurs à l'étude appellent à la construction d'un campus dédié afin de structurer cette filière à haute valeur ajoutée, et la culture.

Là aussi, le territoire fait preuve de paradoxes. Deuxième place muséale de France après Paris, le département des Alpes-Maritimes est loin - très loin - d'être identifié comme tel. On le voit dans les retombées liées au patrimoine et à la culture qui représentent seulement 6% des retombées touristiques globales, alors que celles-ci pèsent 15% à l'échelle régionale. Pour y remédier, le rapport insiste sur la nécessité de jouer collectif et de sortir d'un système de régie municipale pour privilégier le niveau départemental en créant une structure de coopération dédiée qui dépasserait les frontières intercommunales.

Faire fi des querelles de chapelles

Car, et c'est la troisième conviction du rapport, ce département pâtit d'une "véritable fragmentation territoriale" qui pèse fortement sur son développement. "C'est selon moi notre principal frein, relève Pierre Ippolito. Il y a un manque de coopération et de coordination institutionnelles entre les différentes intercommunalités sur tout un tas de problématiques comme la mobilité, les déchets, le logement... Lesquels relèvent plus des sujets de société que des sujets administratifs".

"Les défis institutionnels sont extrêmement forts et les défis en termes de résilience, de promotion du territoire, de mobilité supposent des évolutions", poursuit Baptiste Larseneur. Qui admet : "Une fusion décidée au niveau national par la loi ne permet pas à elle seule de garantir une collectivité cohérente et fonctionnelle dès lors que vous avez des oppositions politiques fortes en interne". D'où la volonté de placer le curseur sur et uniquement sur les secteurs stratégiques qui font consensus (attractivité du territoire, culture et tourisme, transport, résilience alimentaire et énergétique) pour y développer des structures de coopérations renforcées.

L'exemple de la mobilité

"Il existe aujourd'hui six autorités organisatrices de la mobilité à l'échelle du territoire azuréen, assurément c'est trop", reprend le chargé d'études de l'Institut Montaigne, dont le rapport met en évidence la nécessité d'en créer une à l'échelle départementale, non partisane et capable de décider et d'organiser le financement des projets à mettre en œuvre. Parmi eux, la ligne de métro Monaco-Nice qui viserait à répondre aux problématiques d'entrée sur le territoire monégasque et de congestion des flux. "C'est la seule solution logistique structurante crédible aux flux de passagers et de marchandises", assure le dirigeant de l'UPE 06.

Un premier axe qui, anticipe-t-il, en ouvrirait d'autres vers Cannes ou encore Carros. "La principale problématique du territoire en matière de mobilité tient au fait que les personnes n'habitent pas là où elles travaillent. Penser que nous pouvons les rapprocher n'est pas réaliste, dès lors, travaillons sur un moyen de rendre accessibles les zones de travail." Et le dirigeant de s'interroger : "Nous sommes capables de mobiliser des centaines de millions d'euros et de construire des stades pour une compétition sportive, à juste titre. Pourquoi ne pourrait-on pas avoir l'ambition sur ce territoire de mobiliser des centaines de millions d'euros dans des infrastructures alternatives structurantes répondant à une vision de long terme, dans une logique de transition écologique ?" La question est posée !

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