Benoit Payan n'y va pas par quatre chemins. "Il n'y a plus d'argent dans les caisses", explique le maire de Marseille. Un constat que l'élu tient après un audit sur les finances de la Ville réalisé par le cabinet Deloitte. "Le rendre public était notre première promesse de campagne", rappelle l'édile. Dans ce document de 79 pages, on y apprend que l'épargne nette de Marseille en 2019, dernière année où les comptes ont été clôturés, est de 13 millions d'euros. L'épargne nette, désigne la somme qu'il reste après les dépenses de fonctionnement (salaires, subventions, factures...) et en prenant en compte la dette. Autrement dit, l'argent qu'il reste pour auto-financer ses investissements ou rénovations. Seule Nice fait pire avec seulement deux millions d'euros. "Mais quand on s'y promène on voit que la dette a servi, si elle est bien investie elle peut s'assumer mais ce n'est pas le cas ici", tacle Benoit Payan qui parle d'une "dette cachée, celle de l'abandon du service public". Des écoles délabrées au manque d'équipements sportifs les exemples ne manquent pas.
"En dessous de 3% le taux d'épargne nette est jugé préoccupant", note Deloitte. Il est de 0,8%. "Pour 2020, cette épargne sera négative", prévient Benoit Payan. La Ville ne sera donc plus capable de rembourser sa dette. Le Premier Magistrat fustige des choix politiques et de gestion de son prédécesseur : d'un bail de 1,2 million d'euros dans un immeuble tertiaire vide qui n'a pas été résilié à la patinoire de 50 millions d'euros dans le quartier de la Capelette en passant par la rénovation du stade Vélodrome et son loyer. A cette situation s'ajoute la Covid-19 qui a coûté 100 millions d'euros à la Ville. "Nous ne présentons pas ça pour nous trouver des excuses pour ne pas tenir nos engagements", prévient toutefois Jean-Marc Coppola, adjoint en charge de la culture.
La chasse au gaspillage
La prochaine étape de la nouvelle municipalité est de présenter un budget au conseil municipal. Pour se donner une marge de manœuvre, Benoit Payan explique vouloir lancer ses projets, notamment pour les écoles et le milliard d'euros promis lors de la campagne électorale, mais en lissant les investissements. Pour réduire les frais, il compte renégocier la dette. "Nous avons demandé à la Banque des territoires, qui n'est pas le seul établissement auquel nous devons des remboursements, ils sont d'accord. Personne ne leur avait demandé jusqu'à présent", détaille Joël Canicave, adjoint aux Finances.
Certaines dépenses vont également être revues. La facture de l'épreuve de voile des Jeux olympiques est par exemple dans le viseur. "Nous allons faire la chasse au gaspillage" pour "fabriquer des économies à grande échelle", prévient Benoit Payan. "Il y a beaucoup de marge de manœuvre sur la rationalisation des dépenses", embraie Mathilde Chaboche, adjointe à l'urbanisme. Elle évoque par exemple 70 immeubles qui appartiennent à la Ville, et lui coûte, sans raisons apparentes.
Un appel du pied à l'Etat et l'Europe
Le sujet des effectifs est lui rapidement évacué. Les 17 500 agents municipaux sont décrits comme "une force" pour cette réorientation qui passe notamment par une réorganisation. "Il faut développer leurs compétences, les former, jusqu'à présent il n'y avait aucune stratégie de recrutement ou de carrière", note Olivia Fortin, adjointe en charge de la modernisation, du fonctionnement, de la transparence et de la coproduction de l'action publique.
Pour trouver des fonds une augmentation des impôts n'est pas exclue. Benoit Payan en appelle aussi à l'Europe et l'Etat. "Demander ne marche pas, il faut présenter des projets", avance-t-il. Le maire évoque un projet d'écoles modernes qui sont réfléchies par rapport à leur intégration dans un quartier, qui utilisent des matériaux différents ou qui peuvent servent à autre chose après les heures de cours.
Les pistes sont nombreuses mais doivent se concrétiser par des financements. "Ce qui nous arrive, c'est l'histoire de Marseille qui est une ville résiliente", positive Benoit Payan. Le maire y va de la métaphore footballistique : "C'est une ville qui a été menée 4 à 0 à la mi-temps avant de gagner le match 5 à 4, ce sont les larmes de Bari puis la victoire en 93. C'est ça Marseille". Attention toutefois, quand l'OM n'a plus d'argent dans les caisses c'est souvent synonyme de grave crise.
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