Evolutive Agronomy : quand les acariens viennent à la rescousse des plantations maraîchères

Fondée en mai dernier par trois chercheurs de l’Inrae Sophia Antipolis, l’agri-tech spécialisée dans les solutions de biocontrôle pour protéger les plantations mise sur les acariens, prédateurs du sol, pour préserver les cultures maraîchères des nuisibles.
(Crédits : DR)

Il est des chiffres qui parlent d'eux-mêmes. Comme celui de la production agricole perdue chaque année en raison des espèces nuisibles par exemple, qui selon l'Organisation des Nations Unis pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) atteint les 40% de la production mondiale. En pièces sonnantes et trébuchantes, l'estimation flirte avec les 70 milliards de dollars annuels, alors que le dérèglement climatique a tendance à amplifier le phénomène. Dans ce contexte, la solution des intrants chimiques a longtemps tenu le haut du pavé avant de se faire challenger par les solutions de biocontrôle qui font appel aux organismes vivants et autres substances naturelles pour protéger les cultures des ravageurs et préserver les sols. Ce marché progresse doucement, sûrement. D'après le dernier baromètre de l'association française des entreprises de produits de biocontrôle, IBMA France, le secteur a généré 278 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022, contre 266 millions d'euros en 2021. Il occupe selon les années entre 10 et 13% du marché total des produits phytopharmaceutiques en France. Certes, les 30% visés à échéance 2030 par les professionnels paraissent encore loin, mais ils ne sont pas complètement inatteignables.

L'alternative des acariens prédateurs

Il faut dire que les initiatives innovantes se multiplient. Dans les Alpes-Maritimes, l'hérault du sujet se nomme Mycophyto et fait la part belle à la mycorhization, à savoir les interactions entre les plantes et les champignons mycorhiziens pour créer des alternatives naturelles aux engrais et pesticides. L'entreprise a levé début 2023 une enveloppe de 4 millions d'euros pour accélérer son passage à l'échelle industrielle. Un parcours remarquable qu'entend bien suivre Evolutive Agronomy, jeune pousse fondée par trois chercheurs de l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) de Sophia Antipolis, Lucie Monticelli, Antoine Pasquier et Nicolas Desneux. Labellisée deeptech par Bpifrance, accompagnée par le Village by CA Côte d'Azur, l'agri-tech azuréenne se focalise sur les acariens prédateurs du sol, ennemis naturels des insectes nuisibles et plus particulièrement des nématodes qui s'attaquent aux racines des plantes, notamment maraîchères. "Ce sont plus de 200 espèces de plantes qui sont ravagées par ces vers. Les pertes de production se comptent en centaines de millions d'euros", explique son président Antoine Pasquier.

50 hectares en 2024 ?

Créée en mai 2023, Evolutive Agronomy s'appuie sur deux années de recherche durant lesquelles des essais en laboratoire, en serre puis en condition réelle ont permis d'identifier une solution de protection efficace. Deux premiers contrats avec des maraîchers ont été signés, l'un dans les Alpes-Maritimes, l'autre dans le Maine-et-Loire. "Ce type de solutions est très bien reçu de la part des agriculteurs car, sur le sujet des nématodes nuisibles, ils sont dans une impasse technique depuis 2018 et l'interdiction de certains produits chimiques", relève Lucie Monticelli, directrice générale de la deeptech. Laquelle est capable de traiter à ce jour deux hectares de plantation. L'objectif étant de monter en puissance pour couvrir cinquante hectares dès 2024. A cet égard, une campagne de crowdfunding sur la plateforme Mimosa a été lancée afin de récolter 30.000 euros pour soutenir les premières étapes de la production de l'agent de biocontrôle. Cette somme, si elle est réunie, viendra s'ajouter aux différentes subventions obtenues par la jeune pousse via des dispositifs de prématuration, la bourse FrenchTech Émergence ou encore le concours d'innovation i-lab. Au total, Evolutive Agronomy a ainsi mobilisé 530.000 euros pour soutenir sa R&D et va renforcer son équipe de 3 personnes supplémentaires au cours du premier semestre 2024. Car si "les produits de biocontrôle, comme les acariens prédateurs, sont déjà utilisés sur les parties aériennes des plantes, il y a très peu de connaissances sur la partie sol, ce sur quoi l'entreprise souhaite se spécialiser", précise la dirigeante. Avec l'ambition de consolider les passerelles entre les chercheurs, ceux qui ont la connaissance, et les agriculteurs, qui ne sont que 40% en France à utiliser des produits de biocontrôle.

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Commentaire 1
à écrit le 22/12/2023 à 15:56
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Comment apprécier la subtilité de la chose naturelle si l'on impose pas l'aspect financier ? :-)

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