La stratégie de Tossolia, la Scop qui veut végétaliser l'alimentation

Installée à Revest-du-Bion, une commune rurale des Alpes-de-Haute-Provence, cette Société coopérative de production (Scop) fabrique depuis 1990 des aliments végétaux, essentiellement des recettes à base de tofu. Des produits bio, issus de matières premières françaises dans 80 % des cas. À l'heure où l'urgence environnementale doit nous conduire à réduire drastiquement notre consommation de produits d'origine animale, l'entreprise entend bien continuer de séduire ses clients des magasins spécialisés. Et elle identifie des perspectives intéressantes du côté de la restauration.
(Crédits : DR)

C'est l'une des actions les plus simples à mettre en place individuellement pour réduire efficacement nos émissions de gaz à effet de serre. Selon les experts du Giec, réduire notre consommation de viande (pour atteindre 10g de viande de ruminants et 80g de poissons, autres viandes et œufs par jour) permettrait de réduire de 36 % les émissions de l'agriculture et de 8,5 % les émissions totales.

Parmi les alternatives validées par le Giec : la viande de culture mais aussi les protéines végétales issues par exemple de légumineuses. Parmi elles : les lentilles, les pois chiches mais aussi le soja, dont on tire plusieurs mets typiques de la gastronomie asiatique, à l'image du tempeh ou du tofu, de même que l'inimitable sauce soja.

Des produits qui se sont largement mondialisés et que l'on fabrique désormais aux quatre coins de monde, comme à Revest-du-Bion, village de 573 âmes situé dans les Alpes-de-Haute-Provence, où Tossolia fabrique des produits végétaux, tofu en particulier.

Scop artisanale

« Tossolia a été créée par Joël Pichon en 1990 », explique Antoine Graveleau, directeur général de la Scop.

« Après avoir vécu dans la région parisienne avec son épouse, il a voulu changer de vie et est arrivé dans la Drôme. Sa femme, qui était institutrice, y avait été mutée ». Lui cherche un emploi, dans les énergies renouvelables. « Mais à l'époque, c'était difficile car ces énergies n'étaient pas très développées ». À ses heures perdues, Joël Pichon s'amuse à confectionner du tofu pour sa consommation personnelle. Puis un voisin lui propose de s'installer dans sa ferme pour en fabriquer et en vendre sur les marchés. Les deux hommes trouvent leur clientèle. Si bien que Joël Pichon décide de créer une entreprise, ou plutôt une scop. « Il ne voyait pas une entreprise autrement que participative ». Cette gestion participative de l'entreprise constitue ainsi l'un des trois piliers de Tossolia, aux côtés de la production de produits végétaux, et du choix de matières premières issues de l'agriculture biologique.

Avec les années, le tofu est de plus en plus plébiscité par les consommateurs. Tossolia grandit, tout en conservant sa méthode de production artisanale. Elle installe son premier atelier à Sédéron, dans la Drôme, avant de rejoindre Revest-du-Bion où elle demeure encore aujourd'hui, dans son usine de 1.800 m².

« On aurait pu aller à Avignon, les choses auraient été plus simples en matière de logistique. Mais nous pensons que nous avons un rôle à jouer en restant ancrés à notre territoire ». L'entreprise s'attelle aussi à aider de jeunes porteurs de projets agroalimentaires souhaitant se lancer dans l'univers du végétal. « On les accompagne en recherche et développement, ainsi que dans l'industrialisation de leurs recettes. On peut aussi fabriquer pour eux ».

Une gamme diversifiée


Désormais, Tossolia compte 33 salariés, dont une bonne vingtaine sont associés de la Scop. « 
Ensemble, nous parlons stratégie, investissement. Mais pour des raisons d'efficacité, certains sujets relèvent directement de la direction ». Parmi ces sujets: la gamme de produits, qui a beaucoup évolué depuis la création de la société.

Proposant initialement du tofu brut, Tossolia souhaite rapidement se diversifier en déclinant ses produits selon plusieurs recettes. « On a commencé avec des tofus parfumés avec des épinards, du curcuma, de l'ail des ours, de la ciboulette... Nous avons aussi des galettes de légumineuses, ou encore des tofus grillés qui sont prêts à l'emploi et peuvent permettre de toucher un public qui ne sait pas encore trop comment cuisiner du tofu ». D'autant que le tofu, bien qu'il soit de plus en plus connu et consommé, a encore souvent la réputation d'être sans intérêt, fade. D'où un important travail de pédagogie de la part de la scop. « Sur notre site, nous avons publié plus de 400 recettes ». Recettes qui émanent souvent des salariés de Tossolia.

À ces recettes de tofu, s'ajoutent également des hachés végétaux, l'un à base de soja et de tofu, l'autre composé de pois et de féverolles. Une recette sans soja donc, qui permet d'élargir un peu plus l'assiette de consommateurs.

Approvisionnement bio, de proximité

Pour fabriquer ses produits, Tossolia fait le choix de matière premières françaises dans 80 % des cas. « Il y a quelques produits que l'on est obligés d'importer, c'est le cas des épices, du tamari ... ». Le soja, lui, est 100 % français. « Nous nous approvisionnons dans le Sud-Est, nous avons notamment un agriculteur à Oraison à qui nous achetons la moitié de la production de soja. Nous en achetons aussi une partie dans la Drôme ». Du soja garanti sans OGM. Qui a l'inconvénient de nécessiter de l'irrigation.

Faut-il donc s'inquiéter pour l'avenir de cette culture localement face au réchauffement climatique et aux tensions sur l'eau ? « Je ne pense pas que cette culture soit condamnée. On travaille sur des variétés moins consommatrices d'eau ». Et quoi qu'il en soit, ajoute le directeur de l'entreprise, « la quantité d'eau nécessaire pour la culture de soja à destination des humains est sans commune mesure avec celle qu'on utilise pour l'alimentation de animaux d'élevage ». Même chose pour les émissions de gaz à effet de serre. «Seuls 2 % de notre bilan carbone sont liés aux produits que l'on fabrique. L'essentiel provient du transport qu'on limite pourtant au maximum en travaillant en circuit court ».

Les produits de la Scop sont principalement distribués en magasins spécialisés bio (Satoriz, Bioccop, Naturalia ...), de même que par des grossistes bio. Tossolia est aussi, de façon plus marginale, disponible en grande distribution classique, sous une autre marque. A-t-elle payé les frais de la crise que subit la consommation de produits bio ? « Nous avons passé le cap de manière efficace en proposant les bons produits au bon moment », se félicite Antoine Graveleau. L'entreprise a par ailleurs bénéficié d'une demande sur le marché des produits végétaux. Un marché néanmoins concurrentiel, sur lequel il n'est pas toujours facile de se différencier, d'autant que certains produits non carnés parviennent désormais à offrir des goûts très proches de celui de la viande. « Nous, nous n'avons jamais essayé d'imiter la viande. Ces produits qui l'imitent sont parfois bourrés d'additifs. Nous, nous n'en mettons pas un. C'est la grosse différence ».

La restauration comme horizon de croissance

Autre débouché intéressant pour l'entreprise - dont le dernier chiffre d'affaires s'élève à 3,8 millions d'euros - : la restauration. « Nous avons des marchés en restauration hors domicile. On travaille par exemple avec une boulangerie végan à Paris. Nos hachés ont sont aussi utilisés par Sodexo en restauration collective ». Un marché sur lequel Tossolia imagine de belles perspectives de développement, tant les mentalités ont évolué en quelques années. « Avant, pour un cuisinier, cuisiner du végétal était vu comme une punition. Aujourd'hui, de plus en plus sont formés à cela. Et la plupart des restaurants ont dans leur carte une offre végétarienne ». Un premier pas vers une indispensable transition alimentaire. Transition qui nécessitera néanmoins de fortes actions des pouvoirs publics. Notamment dans le champ de la restauration collective, où beaucoup reste à faire.

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