Issue des quartiers Nord, Dev-ID fait de sa politique RH une différenciation sur le marché de la création digitale

Installée à Marseille, cette entreprise de 70 salariés fabrique des produits digitaux pour ses clients, majoritairement des grands groupes et des PME qui opèrent dans les domaines du sport, de l'industrie et de la formation. Pour répondre à leurs demandes sur la marché où la main d'œuvre est rare et coûteuse, elle a mis au point sa Dev-ID Academy qui lui permet de recruter de nombreux (et divers) profils, dans une logique de compagnonnage tout droite inspirée du monde artisanal. Une démarche dont elle aimerait accompagner l'essaimage, au sein d'autres structures.
(Crédits : DR)

Parmi ses clients : NGE, le groupe Snef, Airbus, Focal et Naim... ou encore, depuis un an, l'Olympique de Marseille. Plus de doutes, la jeune pousse Dev-id, née en 2017 dans les quartiers nord de Marseille, est parvenue à se faire une place dans la cour des grands. « 40 % de nos clients sont des startups, 60 % sont de grands groupes ou de grosses PME », explique Julien Lescoulié, son co-fondateur. Des sociétés qui officient dans les trois domaines de prédilection de l'entreprise que sont « le sport, l'industrie et la formation immersive », précise Diana Bajora, elle aussi co-fondatrice et PDG de l'entreprise. « Nous avons atteint un nouveau stade de maturité grâce à nos process de production digitale. Nous nous positionnons comme fabricants digitaux pour ce type de clients ».

Pour les convaincre, l'entreprise a fait la preuve de sa maîtrise d'un grand nombre de technologies : 3D, réalités virtuelle, augmentée, mixée... « Nous sommes parmi les rares entreprises françaises à pouvoir coder pour le dernier casque Vision Pro d'Apple », souligne Julien Lescoulié. Dev-ID a aussi mis sur pied son propre studio de jeux vidéos dont certaines réalisations sont commercialisées depuis un an, soit à usage éducatif soit à usage purement récréatif. Et elle s'évertue à prendre en compte les enjeux de design autant que d'écoconception.

« Des têtes faites pour le code »

Mais derrière les technologies, il faut évidemment de petites mains, et des cerveaux. Un enjeu majeur sur un marché où les compétences sont rares, faisant l'objet d'une rude concurrence à l'international.

D'après l'Observatoire des métiers du futur, 80.000 postes du numérique ne sont pas pourvus en France. Et il manquerait 900.000 codeurs en Europe. En cause notamment, des insuffisances - quantitatives et qualitatives - en matière de formation. « Ceux qui sortent des écoles manquent souvent d'expérience, de pratique. Et les bons profils coûtent très chers », observe Julien Lescoulié. Qui plus est, les écoles d'informatique ont du mal à recruter des profils diversifiés, réduisant les chances pour les entreprises de trouver les salariés qui leur conviennent.

Alors Dev-ID a choisi de faire autrement en développant sa propre méthodologie de transmission des savoirs, à destination d'un public le plus large possible.

« Notre idée, explique Diana Bajora, c'est de nous éloigner des profils purement issus d'école d'informatique, de niveau bac +5, et d'aller chercher tout type de personne qui aurait une tête faite pour le code. C'est-à-dire des personnes qui ont un goût prononcé pour la résolution de problèmes, qui s'épanouissent dans cela ».

Pour repérer ces « têtes faites pour le code », l'entreprise a conçu son propre jeu de résolutions de problèmes, Bug Factory, qui permet, en plus d'un entretien de motivation plus classique, d'évaluer les candidats. « On y trouve plusieurs petits jeux qui permettent chacun de tester une compétence utile à un développeur », présente Boris, ex-boulanger devenu salarié de Dev-ID. Parmi elles : la capacité à optimiser ses efforts, la résistance au stress ...

Pour Boris, cet outil permet de dépasser l'autocensure, et de révéler des potentiels. « Beaucoup ne vont pas vers le codage car ils ne sont pas bons en maths, ce qui était mon cas. Mais c'est une grosse erreur car finalement, les compétences attendues en codage sont plus proches de celles qu'on utilise en langues ».

Le choix du compagnonnage

Si la personne, même débutante, montre des aptitudes pour le codage, elle peut intégrer la Dev-ID Academy, formalisée depuis 2020. S'ensuit une formation théorique de 9 mois censée dispenser les bases du codage mobile, après quoi la recrue passe 12 mois en compagnonnage. « Elle travaille avec son tuteur sur des projets de clients. Il s'agit d'un encadrement très proche, le maître vérifie tout, la recrue est responsabilisée dans la qualité de son travail et gagne en autonomie. Elle pourra ensuite intégrer Dev-ID et devenir à son tour tutrice, ou bien trouver du travail ailleurs, par exemple pour l'un de nos clients ». Une méthode directement inspirée de l'artisanat avec qui, pensent les deux entrepreneurs, le développement digital présente de nombreuses similitudes. Un apprentissage sur le tas, beaucoup de sur-mesure, de sens de la débrouille, de créativité...

Depuis 2020, neuf sessions de formation ont ainsi été lancées, profitant à une cinquantaine de néo-développeurs. Parmi eux, bon nombre de reconvertis et une proportion de femmes bien supérieure à celle que l'on retrouve dans la plupart des formations au numérique.

« En école d'informatique, on trouve 5 à 10 % de femmes. Chez nous, c'est entre 25 % et 40 % », assure Diana Bajora. « On sait que dans l'Éducation nationale, pour plusieurs raisons, les filles se tournent peu vers ces métiers. Mais avec le temps, quand elles ont vu d'autres choses et se découvrent une appétence pour le numérique, les barrières tombent et elles finissent pas de dire que ces métiers ne sont pas si inaccessibles que cela ». C'est ce type de déclics que cherche à provoquer Dev-ID, en lien avec des partenaires comme Simplon.

Souplesse et autonomie

De cette manière, l'entreprise marseillaise est rapidement parvenue à faire grossir ses rangs, comptant aujourd'hui 70 salariés avec, en plus, un faible taux de turn-over. Il s'agit là aussi du résultat d'innovations en matière de gestion des ressources humaines.

« On a créé une façon assez atypique de gérer une boite », pense Julien Lescoulié. Et Diana Bajora de compléter : « Nous misons beaucoup sur l'autonomie, la liberté. Les nouvelles recrues ont le choix de leur contrat : CDI, CDD, freelance. Nous utilisons un algorithme qui indique aux salariés à quel moment il est plus pertinent de venir. On propose une grande souplesse qui marche bien avec toutes les générations ».

Y compris les plus jeunes, dont on entend souvent qu'elles se désengageraient du travail. Idée que conteste Julien lescoulié. « Les nouvelles générations ne travaillent pas moins, elles travaillent différemment. Avant, on était motivé par le fait de gagner beaucoup d'argent de son travail, de faire carrière. La nouvelle génération travaille pour vivre et si elle veut gagner plus, elle préférera se tourner vers des investissements risqués. On ne les tient pas par l'argent. Il faut comprendre ces différences et anticiper celles que générera l'intelligence artificielle, qui est une tendance de fond inéluctable. La RH sera le secteur le plus impacté par l'IA, dans la transformation du travail au quotidien, l'automatisation de certaines tâches, l'apprentissage... »

Des bouleversements auxquels Dev-ID aimerait préparer les autres entreprises, ses clientes. « On aimerait avoir des demandes là-dessus. Que les entreprises s'inspirent de ce qui se fait ici ». Un essaimage qui doit aller de pair avec un modèle économique adapté pour lequel des réflexions sont en cours.

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