C'est ce qui s'appelle s'inscrire dans un timing parfait. L'avitaillement, prévu ce 14 décembre à Fos du plus grand porte-conteneur mondial propulsé au GNL ne constitue pas seulement un événement par la taille exceptionnelle de ce navire plus grand que la Tour Eiffel et plus long que quatre terrains de foot réunis mais bien davantage par le fait que l'avitaillement en gaz naturel liquéfié soit effectué à Fos, quand cela se faisait auparavant à Rotterdam.

Preuve de concept et effet d'entraînement

Un avitaillement qui surtout fait la démonstration de la décarbonation de tout l'écosystème maritime. Car c'est bien de cela dont il s'agit.

En premier lieu de CMA CGM (actionnaire de La Tribune) et de Rodolphe Saadé, son PDG, qui a fait le choix du GNL en 2017, décidant d'équiper ses navires de 23.000 EVP de moteurs propulsés avec ce carburant fossile moins émetteur. Un choix qui a surpris alors dans le milieu maritime mais qui a cependant provoqué un effet d'entraînement. C'est avec TotalEnergies qu'un partenariat industriel a été conclu pour l'approvisionnement des ports de Marseille mais aussi de Rotterdam et Singapour. Le GNL, est en effet, pour l'heure, l'énergie la plus avancée et également la plus disponible pour alimenter les navires de commerce et ainsi réduire leur impact. 99% des émissions d'oxydes de soufre sont réduites ainsi que 91% des émissions de particules et 92% des émissions d'oxyde d'azote. Ce qui permet d'émettre jusqu'à 23% de gaz à effet de serre en moins qu'une propulsion au fioul, revendiquent les industriels.

Pour rappel, le premier soutage a été réalisé en janvier 2022 dans le port de Marseille-Fos.

Le CMA CGM Palais Royal, mis en service depuis 2020, fait partie de la flotte de 9 navires 23.000 EVP déployés entre l'Europe et l'Asie dont dispose la compagnie maritime, son navire-amiral étant le CMA CGM Jacques Saadé.

C'est GTT, la société d'ingénierie navale spécialiste des systèmes de confinement pour le stockage et le transport en mer de GNL, qui a conçu la cuve cathédrale qui équipe le navire, capable d'embarquer 18.600 m3 de gaz naturel refroidi à -161°C afin d'être stocké à l'état liquide avant d'être transformé en état gazeux pour alimenter les moteurs.

Addition de compétences

CMA CGM a, par ailleurs, consacré 15 milliards d'euros au renouvellement de sa flotte, créant également un fonds dédié à la décarbonation de la filière maritime, baptisé Pulse, doté de 1,5 milliard d'euros, une enveloppe de 200 millions d'euros ayant été confiée à Bpifrance pour soutenir l'innovation dans ce domaine.

Mais cet avitaillement est aussi le résultat de la stratégie engagée par le Grand Port Maritime de Marseille-Fos qui a été, pour rappel, le premier port à permettre l'électrification des bateaux à quais en 2017, celle des bateaux de croisières étant déjà programmée pour 2025. Et ce que permet le Grand Port n'est possible qu'avec la collaboration des grands groupes fournisseurs d'énergie comme Enedis pour l'électrification à quai ou TotalEnergies pour l'avitaillement.

Les armateurs vent debout pour accélérer

Et tout cela place au cœur le sujet de la logistique, nerf de la guerre pour le transport, le commerce et l'économie en général.

Surtout, il est question de compétitivité, autant à l'échelle méditerranéenne, européenne que mondiale. Par son positionnement géographique, Marseille-Fos est non seulement un levier stratégique pour le territoire qui l'entoure mais pour la France tout autant.

Il n'en reste pas moins que la décarbonation du transport maritime est un enjeu international ainsi que l'a précisément rappelé la déclaration commune faite à la COP28 par CMAC GM, Maersk, MSC, Hapag-Llyod et Wallenius Wilhelmsen - rejoints par le coréen HMM. Une déclaration exhortant à une réglementation beaucoup plus exigeante, réclamant une tarification capable de rendre le carburant vert compétitif et demandant une date limite pour la construction de nouveaux navires propulsés encore au carburant fossile.