La stratégie de CMA CGM et Maersk pour accélérer la décarbonation du secteur maritime

L’annonce est très loin d’être anodine tant il est rare de voir deux leaders – et concurrents – d’un marché s’unir. Mais l’alliance entre l’armateur basé à Marseille et celui originaire du Danemark sert la bonne cause, celle de décarbonation d’un secteur, le maritime, très observé de ce point de vue. Surtout, le travail commun – notamment en R&D sur l’ammoniac et la recherche sur le biométhanol – devrait permettre d’aller plus vite dans la définition et l’usage de carburants alternatifs. L’association entre les deux géants va servir une autre cause, celle de la réglementation qui, en fixant des caps, oblige tout un secteur à emboîter le pas.
Le CMA CGM Jacques Saadé, plus grand porte-conteneur propulsé au GNL au monde a réalisé sa première escale au Havre en janvier 2021
Le CMA CGM Jacques Saadé, plus grand porte-conteneur propulsé au GNL au monde a réalisé sa première escale au Havre en janvier 2021 (Crédits : CMA CGM)

On a rarement l'occasion d'unir CMA CGM (actionnaire de La Tribune, NDLR) et Maersk mais la décarbonation, sujet partagé, est désormais le trait d'union entre les deux leaders du transport logistique.

Une alliance qui unit deux armateurs concurrents mais concernés de la même manière par la diminution de l'empreinte carbone du maritime. Une façon de l'aborder qui ne diffère pas dans le fond mais plutôt dans la forme.

On sait CMA CGM être volontariste sur le sujet depuis plusieurs années, la stratégie de décarbonation ayant été impulsée par Rodolphe Saadé dès son arrivée à la présidence du groupe familial en 2017, en commandant alors neuf navires de 23.000 EVP propulsé au GNL, une première qui avait détonné dans le secteur.

Entre solutions déjà matures et innovations à tester

Mais l'armateur marseillais n'est pas énergie-agnostique, ainsi que le précisait en septembre 2022 Christine Cabau-Woehrel, directrice centrale exécutive en charge des opérations et des actifs industriels du groupe, dans un entretien accordé à La Tribune, détaillant les objectifs du Fonds Pulse (ex-Fonds Energie), qui consacre 1,5 milliard d'euros en 5 ans à la décarbonation du maritime. CMA CGM qui regarde donc, aussi, les possibilités offertes par le biométhane, l'e-méthane et le bio /e-méthanol.

De son côté, Maersk a plutôt fait le choix du bio/e-méthanol ainsi que le confirment les dernières commandes de navires effectuées. Maersk qui a aussi annoncé vouloir investir 900 millions d'euros dans la construction d'une usine de méthanol en Espagne.

L'alliance entre CMA CGM et Maersk a clairement pour but d'aller plus vite vers la décarbonation avec des objectifs de Net Zéro à horizon 2050. Et c'est le travail de recherche mené en commun qui va permettre d'accélérer, d'abord parce qu'il additionne les travaux de chacun, parce qu'il permet aussi de rationnaliser et de réduire les coûts des expérimentations devant être menées.

Surtout, si aujourd'hui bio-méthane et e-méthane semblent être les deux filières les plus matures, elles ne seront probablement pas, demain, les seules disponibles sur le marché. Or pour rendre une technologie mature, il faut tester, éprouver, améliorer...

Du rôle « entraînant » de la réglementation

C'est là où la R&D entre en jeu, la recherche et le développement concernant d'autres carburants alternatifs étant prometteuse mais demandant aussi du temps long et de l'investissement. L'ammoniac est l'un d'eux. Mais comme pour l'hydrogène où le défi se situe dans la production d'hydrogène vert (et non gris), il s'agit de pouvoir mettre au point de l'ammoniac vert. D'autres pistes, évidemment, pourraient également être explorées.

Et puis, vient le sujet de la réglementation. Primordiale pour impulser le changement sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Et la réglementation ne peut porter ses fruits que si elle se joue dans un cadre mondial et qu'elle est, elle-même, volontariste.

C'est donc sur ce point également que l'union stratégique entre CMA CGM et Maersk veut peser. Les deux compagnies ont certes souligné les mesures prises au niveau européen comme celles contenues dans la loi contre l'inflation (IRA) américaine. Mais l'enjeu est à l'échelle planétaire et les deux leaders d'affirmer leur volonté de collaboration pour définir un cadre « international, solide et durable ».

L'union, la force et la projection à long terme

Au-delà de l'association avec le groupe danois, CMA CGM poursuit aussi les objectifs donnés au Fonds Pulse. Lequel, sur le 1,5 milliard d'euros dédié, consacre 200 millions à des projets innovants, enveloppe pilotée par Bpifrance. Un Fonds qui regarde aussi les startups et les solutions disruptives ainsi que l'expliquait il y a quelques mois, Michel Sirat, vice-président exécutif, Stratégie & M&A, comme la capture du carbone.

Créer des synergies et travailler en commun c'est aussi l'objectif de la Coalition internationale que Rodolphe Saadé a initié en 2019, réunissant les leaders des secteurs de l'aviation, du transport routier, de l'industrie automobile comme Air Liquide, Airbus, Faurecia ou Rolls-Royce. C'est aussi le sens de l'appel lancé, dans le communiqué d'annonce du rapprochement avec Maersk, aux autres compagnies maritimes, de rejoindre l'initiative.

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