En difficulté, la filière du blé dur défend un plan de souveraineté

Élément essentiel pour fabriquer des pâtes alimentaires, le blé dur voit ses surfaces se réduire drastiquement depuis plusieurs années. La filière alerte sur cette situation et lance un plan de souveraineté, soutenu par l’Etat, pour reconquérir des hectares. Pour la région Sud, berceau historique de cette céréale, la présence des usines de Panzani et d'infrastructures d’irrigation représentent un atout.
(Crédits : DR)

« Il n'y a pas de risque de pénurie immédiate, mais il faut anticiper », glisse Albert Mathieu, le PDG de Panzani. Ce début d'inquiétude concerne la production de blé dur en France dont la surface a été « divisée par deux en 15 ans » pointe le dirigeant. De quoi préoccuper le leader du marché de la pâte alimentaire dans l'Hexagone qui revendique un approvisionnement 100% français. Or, le blé dur est l'élément essentiel, avec l'eau, pour fabriquer l'un des plats les plus consommé par les Français. Son usage est même obligatoire pour utiliser la dénomination de pâtes alimentaires. Des pâtes dont le succès se renforce puisque le volume des ventes a augmenté de 8% depuis 2019.

Ce bref tableau résume pourquoi le sujet préoccupe tant Panzani. Une situation qui impacte la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. « C'est le berceau du blé qui est arrivé depuis le nord de l'Afrique ici », retrace Frédéric Gond, agriculteur en Centre-Val de Loire et surtout président du comité de pilotage blé dur, comité qui incarne la mobilisation de la filière du blé dur pour tenter d'enrayer la diminution des surfaces. Aujourd'hui, ce sont « autour de 40.000 hectares sur les 240.000 hectares de tout le pays » qui se trouvent sur le territoire. La baisse du nombre de surface y est « moins forte qu'ailleurs », ce qui ne met pas pour autant la région à l'abri.

Un plan à 43 millions d'euros

L'union de la filière a donné naissance à un plan de souveraineté s'appuyant sur trois piliers pour « reconquérir des surfaces ». D'abord, la sécurisation du revenu des producteurs par des mécanismes assurantiels pour lutter contre des rendements moins intéressants. « En région Sud, les évolutions climatiques réduisent l'attractivité économique et favorisent la concurrence d'autres espèces comme le lavandin », illustre Frédéric Gond. Ensuite, de la recherche variétale pour rendre la semence moins dépendante du changement climatique et moins consommatrice de chimie. Enfin, de la recherche également pour décarboner en essayant par exemple de moins utiliser d'engrais azoté.

Le développement de ces axes nécessite un investissement de 43 millions d'euros, pour lequel l'Etat doit participer à hauteur de 11 millions d'euros. Le plan a d'ailleurs été signé en février dernier au salon de l'agriculture par Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture. Il faut dire que le sujet répond aux grands axes politiques du gouvernement avec à la fois un aspect qui rentre dans la case de la souveraineté alimentaire et un autre dans le volet réindustrialisation. Actuellement, près des deux tiers de la récolte de 1,3 million de tonnes de blé dur sont exportés tandis que le reste sert aux fabricants de pâte, quasiment exclusivement Panzani dont l'un des bassins de production se situe à Marseille.

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« Un aliment de base »

Un volume de production global qui est assez faible. « La production française de blé tendre correspond à la récolte mondiale de blé dur », compare Frédéric Gond. Ce qui n'en fait pas moins une filière stratégique pour le gouvernement comme l'a défendu Marc Fesneau à l'Assemblée début mars : « Le blé dur ne représente pas de grandes surfaces, mais il est hyperstratégique dans notre dialogue avec les Italiens et les Espagnols. Nous sommes une terre qui peut faire du blé dur, et elles sont peu nombreuses dans le monde. Il y en a un peu chez les Canadiens et les Américains, et bien sûr chez les Russes et les Ukrainiens. Or le blé dur est un aliment de base, y compris sur la rive sud de la Méditerranée. Il vaut donc mieux que ce soit nous qui le produisions plutôt que d'autres ».

Mais alors que de nombreuses industries doivent changer leur process de production pour s'adapter aux nouveaux enjeux, le blé dur - plutôt gourmand en eau - ne doit-il pas en faire de même ? « C'est une problématique globale de sourcing de la matière première pour l'alimentation, il faut savoir ce que l'on veut », répond Frédéric Gond. Pour ce qui est de l'eau, le sujet n'en est pas un en région Sud d'après Claude Tabel, spécialiste semancier. « La semence commence à l'automne et la moisson se réalise en juillet donc le blé dur a plutôt besoin d'eau en dehors des moments critiques. De plus, la région est plutôt favorisée grâce à ses infrastructures et capacité d'irrigation », avance-t-il. Dans certains pays, des pâtes au blé tendre - également moins chères - émergent. « Ce n'est absolument pas notre stratégie », balaie Albert Mathieu avant de poursuivre : « Nous voulons garder une certaine qualité ». Et la dénomination, stratégique, de pâtes alimentaires.

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Commentaire 1
à écrit le 28/05/2024 à 19:27
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Après le lobbying pour l'exploitation pour ses usines de clandestins essentiellement issus d'Afrique, le groupe Panzani milite pour subventionner toujours plus les millionnaires céréaliers de la FNSEA qui exportent à perte les fruits de nos impôts...

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