« L’importance de la diversité dans l’entreprise ne se limite pas à la place de la femme, mais concerne toutes les minorités » (Valérie Ammirati, En voiture Simone)

Initiée en 2017, cette journée de réflexion partagée organisée tous les 8 mars à Nice interroge des problématiques autour de l’entreprenariat féminin. Et le sujet de discussion 2024 s’articule autour de « la place ». L’occasion d’évoquer comment prendre sa place, être dans la place ou être à sa place. Une façon d’évoquer l’utilité des quotas – ou pas –, celle des rôle modèles, de l’équilibre vie familiale-vie professionnelle. Où il est question d’idées encore préconçues à combattre et de petites victoires engrangées, explique Valérie Ammirati, fondatrice de Skynet, cabinet d’expertise et de conseil et d’En Voiture Simone.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - On a souvent évoqué le sujet de l'entreprenariat féminin par la difficulté pour les dirigeantes - notamment dans la tech - à lever des fonds. Du point de vue des investisseurs, le regard a-t-il changé ?

VALÉRIE AMMIRATI - Le regard a tout de même évolué. Mais nous entendons toujours des remarques qui nous font sursauter, malgré tout. Par exemple, on ne ferait jamais une réflexion à un homme sur un changement de coiffure ou de style vestimentaire. Cela ne me choque plus, mais nous assistons rarement à des réunions dédiées à des financements où l'on passe en détail la nouvelle cravate de l'interlocuteur. Dans certaines réunions avec des banquiers ou des investisseurs, il arrive que la discussion s'enclenche sur le changement de lunettes ou de garde-robe. Ceci se veut une forme de bienveillance mais c'est en fait, très maladroit. Lorsque l'on engage une levée de fonds ou que l'on cherche du financement, ce genre de détails ne doit pas entrer en ligne de compte.

Entreprendre et être maman, cela relève encore du difficile équilibre, non pas tant dans la gestion mais dans la perception externe ?

Ne pas embaucher une femme de moins de 30 ans parce que, à un moment donné, elle voudra avoir des enfants, demeure un réflexe encore très ancré, et parfois cela provient de certaines femmes aussi. Et je ne parle pas des absences lorsqu'un enfant est malade... Alors que les solutions existent. Comme permettre d'avoir des bureaux plus près des domiciles ou d'intégrer le recours au télétravail. Chez Skynet, le cabinet de conseil que j'ai créé, les mères comme les pères peuvent prendre le mercredi après-midi pour s'organiser comme ils l'entendent. Et lorsqu'un enfant est malade, nos salariés peuvent avoir recours au télétravail. Tout cela contribue à la fidélisation des collaborateurs.

On estime souvent que c'est aux grands groupes de montrer l'exemple. Êtes-vous d'accord avec cela ?

Non, l'exemple doit venir des petites entreprises. C'est la typologie d'entreprise la plus développée. L'exemple doit venir des TPE. C'est une façon de dire aux grands groupes que si en étant tout petit on arrive à s'organiser, alors le grand groupe peut également réussir.

La question de l'image - de soi, de celle que l'on renvoie aux autres - est également un sujet de débat...

Il est compliqué, encore aujourd'hui, de faire grimper des femmes dans les organigrammes des entreprises. Souvent, il faut proposer le poste à une femme car elle n'ose pas toujours se positionner d'elle-même, et cela à cause du syndrome de l'imposteur. Un syndrome qui est toujours aussi présent. Les femmes n'osent pas demander des augmentations, il faut leur proposer de faire un bilan sur l'année, leur faire des propositions...

Les quotas, les obligations ainsi que le poussent les lois comme la loi Copé-Zimmerman ou la loi Rixain, c'est indispensable ?

Je pense qu'il faut passer par la force pour que l'on puisse se rendre compte du bénéfice qu'apporte la parité. Et le sujet ne se limite pas à la place de la femme, mais concerne toutes les minorités. Il faut de la diversité. Et malheureusement, il faut passer par l'obligation. Dans les pays scandinaves, le sujet de la place de la femme dans l'entreprise est moins problématique qu'en France, par exemple.

On évoque souvent l'importance des rôles modèles. Cela reste-t-il indispensable ?

Oui, absolument. C'est très important - que cela soit proche ou loin - d'avoir l'exemple de femmes qui réussissent, qui sont parfois parties de pas grand-chose mais qui ont atteint leur but. Cela peut même être du mentorat inversé. Parfois ce sont aussi les personnes que l'on aide, que l'on accompagne, qui vous montre l'exemple. Quand on admire, on apprend. Et cela peut se faire entre pairs. Nous avons mis en place le mentorat, l'an dernier, dans la profession comptable - cela n'existait pas - et les mentors sont très heureuses de cette initiative car cela leur permet d'apprendre beaucoup, de percevoir la profession autrement.

Ce 8 mars 2024 se déroule dans un momentum particulier avec l'inscription voici quelques jours du droit à l'avortement dans la Constitution française...

Cela était indispensable car il sera beaucoup plus difficile de remettre en cause ce droit pour ceux qui seraient tentés de le faire. Cela me rend fière aussi car c'est un exemple pour le monde alors que l'on continue de maltraiter les femmes en Afghanistan, en Iran... Que le pays des Droits de l'Homme consacre le droit de la femme, cela me rend très fière.

Etre chef d'entreprise est-ce une façon de prendre sa place ?

Cela peut être une façon de se réaliser. Mais être à sa place, parfois, c'est peut-être de clôturer une aventure entreprenariale pour en démarrer une toute nouvelle...

Barbie, le film de Greta Gerwig a connu un succès mondial. Quel doit-être le rôle de la culture pour faire avancer les mentalités ?

C'est un rôle essentiel car la culture est le moyen de toucher le plus grand nombre. Parfois les films qui appuient sur les stéréotypes permettent de faire avancer les mentalités. Barbie effectivement est intéressant de ce point de vue car, finalement, tout le monde en a des lectures différentes.

Quelle est votre rôle modèle ?

Pour moi c'est Scarlett O'Hara. Elle ne s'interdit rien, elle fonce... Je suis certaine que cela a parlé à beaucoup d'autres femmes...

Si vous aviez un souhait à réaliser sur la place des femmes dans l'entreprenariat, quel serait-il ?

Ce serait que l'on arrête d'en parler. Car cela voudrait dire que ce ne serait plus un sujet.

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Commentaires 2
à écrit le 09/03/2024 à 15:02
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Mixite J’espère qu’elle habite en banlieue cette parleuse de salon

à écrit le 09/03/2024 à 9:11
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Et surtout que les femmes ne copient pas les hommes ! Qu'elles fassent selon leurs aspirations, leurs instincts dont il est vrai une partie exige d'elle qu'elles assimilent la pensée masculine. C'est pas simple mais le nihilisme néolibéral actuel exi...

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