« Nous voulons être la fondation des TPE PME » (Fondation de Marseille)

Née en 2019 cette fondation de territoire a vocation à financer des projets contribuant à résorber les fractures économiques et sociales qui parcourent la deuxième ville de France. Parmi ses mécènes : de grands groupes mais aussi des PME qui constituent sa principale cible. Une cible qu'elle tente de convaincre en prônant une vision entrepreneuriale de l'action sociale.
(Crédits : DR)

Vingt-neuvième étage de la tour la Marseillaise, qui, de ses 135 mètres domine le quartier de la Joliette, à Marseille. C'est ici, dans les locaux du Club 29, que la Fondation de Marseille reçoit bon nombre de ses visiteurs. Leur offrant au passage une vue imprenable sur les calanques au loin, sur la mer et les bateaux de croisières qui accostent. Sur les constructions flambant neuves de l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée. On aperçoit aussi, juste derrière, les quartiers du troisième arrondissement, l'un des plus pauvres d'Europe, où les problématiques de mal-logement sont monnaie courante. Et où se déplacer est une gageure.

« Marseille a beaucoup changé ces dernières années. Elle est devenue plus attractive, plus visible, plus touristique. Mais dans le même temps, les fractures ont continué de grandir », observe Marie-Laure Guidi, présidente de la Fondation de Marseille qui est justement née pour contribuer à résorber ces fractures. « L'idée est que le monde économique s'empare de ce sujet. Quand on vit ou même quand on travaille ici, on ne peut pas rester sans rien faire. Il y a urgence à agir ». Avec l'idée qu'on ne peut pas tout attendre des pouvoirs publics. Et que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et leurs moyens, peuvent apporter leur pierre à l'édifice.

Initiée fin 2019 par Fabrice Negas, Christophe Baralotto, Cyril Zimmerman et Fabrice Alimi, tous les quatre entrepreneurs marseillais, la Fondation doit d'abord faire face à l'épidémie de covid-19 qui affaiblit les populations les plus vulnérables, les privant de ressources. 200.000 euros sont levés et permettent de se joindre à l'élan collectif de solidarité.

PME et TPE dans le viseur

La Fondation, abritée par la Fondation de France qui lui confère un certain crédit, compte à ce jour une cinquantaine de donateurs privés et une quarantaine d'entreprises mécènes qui pèsent 80 % des dons. Parmi elles, Mailinblack, Candide, Ioda Consulting, La Varappe, Synergie Family... De même que d'autres fondations comme celle de l'Olympique de Marseille ou du Crédit Agricole Alpes-Provence. « Notre territoire souffre beaucoup d'individualisme. Nous voulons fédérer ». Et se poser comme « la fondation des entrepreneurs marseillais qui n'en ont pas », ciblant en particulier les PME et TPE qui, moins structurées en matière de RSE, ont tout de même envie de s'engager au profit d'un « développement harmonieux » de leur territoire. Une cible pas facile à atteindre. Mais la Fondation s'y attelle au travers de divers événements et de communications sur les réseaux sociaux. Avec l'objectif de lever un total d'un million d'euros sur les trois prochains années.

Et pour les convaincre de soutenir des projets solidaires, il est important de parler la même langue qu'elle. Un sujet auquel s'attelle tout particulièrement Marie-Laure Guidi depuis son arrivée comme présidente en février 2023.

L'entrepreneuriat social comme ADN

Pour cela, elle commence par s'entourer, au sein du comité exécutif de la Fondation, de figures de l'entrepreneuriat social. Parmi elles, Laurent Laïk, président du groupe La Varappe. Mais aussi l'ancienne députée Cathy Racon Bouzon « qui connaît très bien les rouages du mécénat ». S'y ajoute Romain Laffont, directeur de l'école Polytech qui appartient à Aix-Marseille Université. « Faire entrer AMU, avec ses 88.000 étudiants et 8.000 salariés au sein de la Fondation était une évidence. D'autant que les étudiants souffrent beaucoup de précarité et que l'université est engagée sur les sujets sociaux ». Le comité exécutif accueille également le journaliste Philippe Pujol, prix Albert-Londres et fin connaisseur de la ville et des ses enjeux sociaux.

Par ailleurs, la crise covid-19 étant passée, la fondation peut se poser la question de son identité et de la manière dont elle sélectionne les projets qu'elle finance et accompagne. « Nous avons décidé de nous recentrer sur des projets issus de Marseille », et non déclinés depuis des modèles venus de la capitale ou d'ailleurs, « et nous les sourçons directement ». La Fondation renonce ainsi à publier des appels à projets, regrettant que « ce sont souvent les mêmes qui y répondent ».

Elle choisit aussi de soutenir un nombre plus restreint de projets, pour éviter le saupoudrage. « Avant, nous distribuions environ 14.000 euros par projet. Désormais, nous voulons soutenir moins de projets mais leur attribuer entre 25.000 euros et 30.000 euros chacun ». Un financement qui va de pair avec un accompagnement sur la recherche de financements alternatifs, l'ouverture à un réseau élargi, ou encore la communication.

Les projets sont sélectionnés pour leur capacité à « créer du lien à Marseille, de réussir à réconcilier les habitants entre eux, de générer de la mixité sociale ». De même que par le positionnement entrepreneurial de leurs porteurs. « Nous voulons soutenir des porteurs qui ont une vraie vision des besoins de leur territoire et qui ont envie d'apporter des solutions pour y répondre ».

La culture comme trame de fond

La promotion 2024 comprend ainsi cinq projets parmi lesquelles Le Grand Bain, qui veille à créer du lien entre des enfants de tous les quartiers de la ville ; le foodtruck solidaire des Tatas du coeur porté par l'association « Les Femmes du Plan d'Aou en action » ; Action Bomayé qui mène des actions culturelles dans la ville et en particulier dans les quartiers populaires ; Les Toi'ts Théâtre ainsi que l'école du Musée des arts urbains de Marseille. « La dimension culturelle est très importante dans ces projets. Cela nous tient à cœur car c'est un vecteur important d'égalité des chances et de mixité sociale ».

La culture est aussi un moyen de tisser de l'interculturalité, un sujet cher aux membres de la Fondation qui ont lancé en parallèle un nouveau projet : Marseille au pluriel qui souhaite mettre sur pied un Institut Interculturel de la Méditerranée. Car créer du lien entre des cultures diverses et variées ne « s'improvise pas », cela demande de s'appuyer sur des savoir, au risque de créer des tensions. Le projet est d'ores et déjà soutenu par Aix-Marseille Université qui prévoit l'ouverture d'un diplôme universitaire en management interculturel d'ici septembre 2024. D'autres projets sont en cours d'élaboration. Car beaucoup reste à faire.

L'effet  Marseille en Grand

« Marseille évolue. Au niveau culturel, beaucoup d'initiatives visent à créer de la cohésion, de l'interculturalité. Le Mucem est dans cette démarche, de même que certains théâtres comme La Criée ». Quid du plan Marseille en Grand censé rattraper des retards eux-mêmes vecteurs de fractures ? « C'est une bonne chose que le gouvernement s'intéresse à cette ville ». Il n'empêche, précise Alexis Gibellini, délégué général de la Fondation : « nous aimerions que ce plan soutienne davantage les associations, les acteurs de terrain ». Et Marie-Laure Guidi d'ajouter : « nous ne comprenons pas forcément très bien tous les aspects de ce plan qui se cherche encore un peu ».

Quant à l'échelon local, Marie-Laure Guidi déplore « un vrai problème collectif dans le jeu politique ». Une particularité locale sans laquelle la Fondation de Marseille n'aurait finalement peut-être pas vu le jour. « Je pense que c'est ce manque qui a obligé le monde économique à s'organiser. Nous sommes obligés de nous emparer de ces sujets, même s'ils sont politiques ». Reste que certaines compétences restent hors de portée des acteurs privés, à l'instar de la mobilité. Et Marie-Laure Guidi de formuler un espoir : « Si les politiques publiques se décidaient à avancer de manière collective dans une même direction, cela donnerait à notre territoire une force incroyable. On casserait la baraque ».

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